Covid : une épidémie qui va revenir chaque automne ?
Une large frange de la population est vaccinée et pourtant les chiffres repartent à la hausse. Va-t-on assister chaque automne à de nouvelles vagues ou vaguelettes ?
Beaucoup ont cru qu’une fois vacciné, ce cauchemar serait fini. Mais les dernières semaines ont montré que le virus n’avait pas dit son dernier mot. Pas une surprise pour le biostatisticien Geert Molenberghs (UHasselt et KU Leuven) qui, avec d’autres experts, a toujours dit que si le vaccin était une arme des plus utiles, ce n’était pas non plus la panacée devant ce virus bien trop retors, précise-t-il dans De Morgen. Il est trop contagieux, se transmet via des personnes asymptomatiques et même avec des personnes vaccinées. Soit autant de « talents » qui lui permettent de se propager facilement et de muter.
Venu pour rester ?
Aujourd’hui, la variole reste la seule maladie mortelle (avec un taux de mortalité de 30 %) à avoir été effectivement éradiquée du globe après 3 000 ans grâce à une campagne de vaccination mondiale lancée en 1967 par l’OMS. Mais reproduire ce miracle avec le covid semble irréaliste, car, contrairement à la variole, les personnes infectées par le covid peuvent transmettre le virus à d’autres personnes sans présenter de symptômes. Le virus peut aussi être transmis par certains animaux, ce qui rend possible sa réapparition soudaine.
En réalité, les scientifiques n’ont plus guère de doute quant au fait que le virus du covid devienne endémique (une enquête menée par la revue Nature début d’année auprès de plus de 100 épidémiologistes de premier plan montre que 89 % d’entre eux pensent que l’on se dirige vers ce scénario). Ou pour le dire plus concrètement, qu’il revienne chaque année, comme la grippe (ou comme les quatre autres coronavirus en circulation). Dans le meilleur des cas, il suivra son exemple en revenant par vague prévisible et contrôlable.
Certains experts pensent qu’il viendra s’ajouter à la grippe saisonnière. Comme le virus de la grippe qui mute et échappe en partie à l’immunité que les gens ont acquise au cours des saisons de grippe précédentes, le covid semble en effet prendre un chemin similaire en essayant de s’adapter. Si ce cas de figure se confirme, le virus n’est jamais complètement éliminé et provoque chaque hiver une recrudescence des admissions à l’hôpital et des décès, mais pas au point que les hôpitaux soient à chaque fois débordés et doivent reporter les soins » non urgents « . La vaccination contre le covid, comme pour la grippe, se limiterait aux groupes vulnérables et ne viserait pas à obtenir une immunité de groupe, mais à réduire le risque de maladie grave.
Le virologue français François Balloux (University College London) a récemment estimé qu’un covid endémique dans une population de 11 millions d’habitants ferait un peu moins de 1 200 morts par an. Une autre étude du microbiologiste Jan Kluytmans (Université d’Utrecht) suggère que dans un avenir proche, quelque 10 000 Néerlandais pourraient encore se retrouver à l’hôpital chaque année à cause du covid. Si on extrapole cela à la Belgique, cela équivaudrait à 7 000 patients par an selon De Morgen.
A titre de comparaison, en 2019, selon les chiffres de Sciensano, 307.000 personnes ont contracté la grippe en Belgique. Sur ces centaines de milliers de personnes, 2 à 3% ont été hospitalisées et 6% d’entre elles sont décédées durant leur séjour à l’hôpital. En Belgique, selon Yves Van Laethem, une épidémie de grippe « normale » fait entre 800 et 2000 morts.
La possibilité d’une « épidémie mondiale permanente »
Le covid pourrait aussi, comme le sida, se transformer en une « épidémie mondiale permanente ». Dans notre pays, les patients séropositifs ont accès à des médicaments qui préviennent la maladie du sida et font que les patients ne sont plus contagieux, mais ce n’est pas encore le cas partout dans le monde. Chaque année, des centaines de milliers de personnes meurent encore de cette maladie. Pour le covid aussi, il sera difficile d’acheminer les vaccins partout. On estime qu’il faudra probablement des années avant que tout le monde puisse avoir sa chance. Cela laisse beaucoup de temps au virus pour muter. La preuve : plusieurs variants sont apparus dès la première année de son apparition. Rien n’exclut donc qu’un variant du covid parvienne à contourner toute l’immunité accumulée et nous renvoie à la case départ. Une chose qui s’est déjà produite lors d’autres pandémies, comme la grippe mexicaine ou la grande pandémie de grippe de 1918. La bonne nouvelle, c’est qu’on ne repartirait pas tout à fait de zéro, car les vaccins à ARNm permettent de réagir rapidement aux nouveaux variants.
Dans tous les cas, le virus risque donc de circuler encore de nombreuses années et de provoquer de nouveaux clusters, même en Belgique. Un risque d’autant plus réel qu’une fois la situation maîtrisée dans les pays riches, leur intérêt pour la vaccination du reste du monde risque de s’estomper. Une fois que les plus vulnérables des pays occidentaux seront protégés par le vaccin, la présence du virus deviendra viable puisque la maladie ne sera plus mortelle que pour une infime partie de la population. Il ne sera dès lors plus prioritaire d’éliminer le virus qui ne sera plus la maladie la plus importante à éradiquer au niveau mondial. Il risque donc de resurgir ponctuellement. Tout va donc dépendre des mutations et de l’immunité qu’aura acquise la population face au virus.
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Or, aujourd’hui, y compris en Belgique, une partie encore trop importante de la population n’est pas encore immunisée contre le virus ( une personne vaccinée ou qui a déjà été infectée). Mais cette situation sera amenée à évoluer puisque de plus en plus de gens seront vaccinés (voire même triplement pour certains) ou auront contracté le virus. Rien n’exclut donc que, dès l’automne prochain, le virus ne revienne encore, mais de manière beaucoup plus modérée. Dans l’idéal, l’exposition répétée au virus, complétée ou non par une piqûre de rappel de temps en temps, devrait résulter, sans mutations du virus, à des vagues de moins en moins puissantes. Et que, dans un monde parfait, le covid devienne ce qu’on appelle un virus froid comme celui qui provoque les rhumes.
L’automne et l’hiver, les saisons préférées des virus
Chaque hiver, et parfois dès l’automne, on observe une recrudescence des personnes malades. Pourtant, contrairement aux idées reçues, le fameux coup de froid n’a rien à voir avec cela. La plupart de ces maladies ne sont en effet pas provoquées par le froid, mais par l’un des 200 virus capables de nous rendre malades. Des virus qui sont présents toute l’année, mais qui sont rendus plus virulents non pas par la chute des températures, mais par la promiscuité. Des pièces mal ventilées offrent en effet un boulevard aux virus comme le covid. On notera que le froid joue tout même un rôle indirect puisque l’air froid est souvent sec. Ce qui assèche les muqueuses et facilite la pénétration des virus respiratoires dans nos organismes. Le froid va aussi faire que nos extrémités (mains, nez, bouche), seront moins vascularisées et moins rapides à fournir une réponse immunitaire. Ainsi, selon les travaux de Mélanie Prague, biostatisticienne à l’Inria à Bordeaux, l’hiver augmente de 40 % la circulation du virus.
Dans ce cadre des limitations de contact et le port du masque pourraient être réintroduits sur des périodes courtes par exemple en automne et en hiver. Ce qui, l’un dans l’autre, ne serait qu’un moindre mal.
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