Cosmétique peut-il rimer avec écologique ?
De très nombreux produits cosmétiques se présentent comme naturels ou biologiques, mais que signifient exactement ces termes ?
Crèmes de jour à base d’ingrédients issus de l’agriculture biologique, shampoings naturels garantis sans parabènes ni sulfates, produits de maquillage bio, crèmes pour les mains 100 % végétales… manifestement, l’écologie a le vent en poupe ! Les consommateurs accordent aujourd’hui de plus en plus d’importance aux ingrédients naturels et biologiques, y compris pour leurs produits de beauté et de soins. Même les grandes marques s’efforcent désormais de verdir les leurs.
Naturel, bio & co
Quelle est la signification de ces termes en termes de cosmétiques ? D’après la Pr Vera Rogiers (VUB), spécialiste en Dermato-Cosmétologie et Toxicologie In vitro, ils sont souvent confondus, alors qu’ils recouvrent des concepts bien distincts. » Un produit naturel est fabriqué à base d’ingrédients trouvés dans la nature : herbes, fleurs et plantes. Ce terme n’étant pas protégé, il peut être appliqué à n’importe quel produit cosmétique, même s’il ne contient que des quantités minimes d’ingrédients naturels. Dans les faits, il est souvent utilisé pour désigner les produits exempts d’une série d’ingrédients supposément nocifs tels que les parabènes, sulfates et huiles minérales. »
Quid du biologique ? » Les produits bio vont plus loin encore, car leurs ingrédients naturels sont issus de l’agriculture biologique et donc cultivés sans engrais artificiels ou pesticides chimiques. Mais ce qualificatif ne dit pas grand-chose de la teneur en ingrédients issus de l’agriculture bio. »
Des labels fiables ?
Déterminer à quel point une crème de nuit ou un shampoing est vraiment bio ou naturel n’est donc pas évident pour les consommateurs. N’existe-t-il pas l’un ou l’autre label susceptible d’offrir certaines garanties ? » Il y en a même des centaines, qui se présentent tous comme européens ou internationaux, donnant l’impression d’être officiels alors qu’il s’agit le plus souvent d’initiatives privées de firmes spécialisées dans ce domaine. C’est parfois très trompeur « , commente Vera Rogiers.
L’EU Ecolabel, lui, est tout à fait fiable, précise néanmoins la spécialiste : » Ce label européen officiel peut être attribué à des produits de toutes sortes, dont quelques cosmétiques. Il examine dans chaque groupe quels sont, pour l’ensemble du cycle de vie des produits, les critères susceptibles de réduire l’impact sur l’environnement. Pour l’instant, il ne peut être attribué qu’aux cosmétiques destinés à être rincés (gels douche, savons ou shampoings, par opposition aux crèmes ou maquillage) moyennant le respect d’une série de critères touchant à la biodégradabilité, au conditionnement (qui doit générer le moins possible de déchets) et à la pollution de l’eau. »
À côté de l’EU Ecolabel, il existe également quelques labels relativement sérieux qui ciblent plus spécifiquement les cosmétiques écologiques, comme par exemple Cosmos Natural, Cosmebio Eco ou encore le biolabel Ecocert en France. Ce dernier se focalise sur la production respectueuse de l’environnement de cosmétiques, aliments et vêtements biologiques. » Pour l’obtenir, tant l’agriculteur que le producteur doivent être attentifs au respect de l’environnement. S’agissant des cosmétiques, une partie des ingrédients doit aussi provenir de l’agriculture biologique. »
Parfaitement sûrs
Vera Rogiers insiste sur le fait que l’écologie et la sécurité sont deux notions distinctes. » Bien des consommateurs pensent que ce qui est naturel ou bio est forcément meilleur pour la santé ; les producteurs présentent volontiers les choses de cette manière… mais s’agit davantage d’un argument de marketing. » Dans les faits, les substances tant naturelles que synthétiques font l’objet de contrôles de sécurité stricts et doivent satisfaire à la réglementation européenne en matière de cosmétiques. Même les produits biologiques ou naturels peuvent en effet être toxiques, comme les huiles essentielles, par exemple, susceptibles de provoquer des eczémas de contact. » Un autre exemple est celui des parabènes, un groupe de conservateurs de synthèse utilisés dans les cosmétiques, poursuit la spécialiste. Ils passent pour perturber le métabolisme hormonal et on part donc souvent du principe qu’il faut les éviter… mais ceux qui sont susceptibles d’avoir un effet néfaste sont de toute façon interdits en Europe ! Chez nous, seuls ceux qui sont sûrs peuvent encore être utilisés dans les cosmétiques, et ce à des doses bien précises. » En tant que vice-présidente du Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs (CSSC), Vera Rogiers assure : » Nous étudions chaque ingrédient susceptible de nocivité, et je peux vous assurer que les cosmétiques disponibles dans le commerce – sont parfaitement sûrs, qu’ils soient ou non estampillés ‘naturels’ ou ‘biologiques’. »
Un guide concret
La prolifération de produits prétendus naturels ou biologiques accroît le besoin de critères transparents et scientifiquement étayés. C’est pourquoi l’organisation ISO a publié en 2016 ses Guidelines on technical definitions and criteria for natural and organic cosmetic ingredients and products – une directive complétée l’année suivante par une annexe exposant le mode de calcul d’un indice du caractère naturel, biologique ou d’origine naturelle/biologique d’un produit. » La norme ISO pour les cosmétiques est facultative et reste peu utilisée, mais cela pourrait changer dans le futur, commente Vera Rogiers. Elle permettrait de guider les consommateurs… même s’ils devront toujours rester critiques par rapport à la publicité pour ces produits. »
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