Un vaccin nasal, piste prometteuse pour lutter contre le Covid-19
Soraya Ghali
Cette nouvelle génération de vaccins bloquerait la transmission du virus au niveau des fosses nasales, l’empêchant de se disséminer dans l’organisme. Un candidat est en cours d’élaboration, auquel participent deux universités belges.
Et si la solution se trouvait dans le nez ? Plus de quatre ans après le début de la pandémie de Sars-CoV-2, une nouvelle génération de vaccins nasaux se prépare. Plusieurs candidats sont en cours d’élaboration dans le monde, dont un en Belgique. Pas dans l’immédiat toutefois, l’étude n’étant encore qu’au stade préclinique et les essais chez les humains tout juste lancés. Associés à une douzaine d’équipes et d’organisations scientifiques au sein du projet Mucosal Immunity in human Coronavirus Challenge (MusiCC), piloté par l’Imperial College London et la Coalition pour les innovations dans la préparation aux épidémies (CEPI), des chercheurs de l’Institut européen Plotkin de vaccinologie de l’Université libre de Bruxelles et le centre Vaccinopolis de l’Université d’Anvers, travaillent ainsi à un vaccin nasal.
La voie intranasale, pour les infections respiratoires, bénéficie, en théorie, de plusieurs atouts. C’est logique, un vaccin administré dans le nez déclenche une réponse immunitaire dans la muqueuse nasale. Là même où le virus pénètre dans l’organisme. Chacun en effet connaît aujourd’hui la porte d’entrée du Sars-CoV-2, son premier site de prolifération : le système respiratoire supérieur. Bref, pour empêcher l’infection, c’est là qu’il faudrait agir. « Ces vaccins en développement sont conçus pour induire une immunité forte au niveau des muqueuses », déclare Arnaud Marchant, immunologiste et directeur de recherche à la faculté de Médecine (ULB) et, par ailleurs, responsable de l’équipe de recherche chargée du projet de vaccin à l’Institut Plotkin.
Or, les vaccins actuels, injectés par voie intramusculaire, génèrent peu d’anticorps à cet endroit. L’intérêt de la méthode est donc d’offrir une immunité stérilisante, c’est-à-dire qui bloque la propagation du virus au niveau des fosses nasales, l’empêchant de « descendre » dans les poumons, de se multiplier, puis de se disséminer dans l’organisme. « Le terme « muqueuse » fait référence aux membranes muqueuses : les coronavirus infectent généralement par le biais des cellules du nez, de la gorge et des poumons. Si les muqueuses peuvent être immunisées, la transmission du virus peut être stoppée. Notre travail sera d’analyser de manière très détaillée la réponse immunitaire mucosale et d’identifier quels paramètres immunitaires sont importants pour l’effet protecteur du vaccin. »
L’autre enjeu, avec un virus aussi contagieux que le Sats-CoV-2, est de réduire la transmission entre individus. Car, si les vaccins à ARN sont très efficaces pour prévenir les décès et éviter les formes graves de la maladie, ils n’empêchent pas la circulation du virus. Ils le font un peu, certes, mais ce n’était pas leur but premier. En agissant directement aux portes d’entrée et de sortie des virus, cette technique pourrait être la clé pour empêcher la transmission des coronavirus et limiter ainsi leur capacité à générer de nouveaux variants dangereux. « Les vaccins capables d’arrêter la transmission d’un virus, et pas seulement de réduire la gravité de la maladie qu’il provoque, sont cruciaux pour mettre fin rapidement aux pandémies et épidémies », explique Richard Hatchett, directeur général du CEPI. En administrant le vaccin par le nez et les voies respiratoires, il faut cependant s’assurer qu’il pénètre suffisamment profondément. Ainsi, l’un des candidats, celui de l’université d’Oxford et d’AstraZeneca, qui comme son vaccin intramusculaire créé à base d’un vecteur adénoviral refermant la protéine spike, a échoué en phase pré-clinique : une grande partie du vaccin testé par l’université britannique serait tombée dans les voies digestives.
Si les muqueuses peuvent être immunisées, la transmission du virus peut être stoppée.
Arnaud Marchant
Immunologiste
Avec la voie nasale, des précautions s’imposent également. La muqueuse se trouve à proximité du cerveau et des nerfs faciaux, ce qui interdit l’utilisation de certains composants. Par exemple, les vaccins à base d’ARN messager utilisent du polyéthylène glyclo : ils ne pourraient être utilisés par voie nasale. « C’est beaucoup plus compliqué à doser car les muqueuses, contrairement au sang, doivent assurer de la tolérance, observe le Pr Peter Hellings, chirurgien ORL et maxillo-facial à l’UZ Leuven. On y trouve des bactéries et des virus, qui jouent un rôle essentiel. L’équilibre est très délicat. » De plus, avec le temps, la muqueuse nasale devient capricieuse. « Soumise constamment à des agressions virales ou bactériennes, elle ne peut accumuler de mémoire immunitaire contre tout ce qu’elle rencontre. »
A ce jour, seuls trois vaccins muqueux existent : contre la grippe, contre le choléra et contre le rotavirus.
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