Comment vaincre (toutes) nos phobies
Peur des chiens, des serpents, vertiges, agoraphobie, claustrophobie, phobies scolaires ou sociales… Ces peurs irrationnelles d’une situation qui ne présente pas de danger objectif indiquent un conflit interne déplacé sur un élément du monde extérieur. Décryptage et approches thérapeutiques.
La phobie ? Une peur irrationnelle, déraisonnable et injustifiée d’un animal, d’un végétal ou d’un humain qui ne présente pas de danger objectif. Si, dans la rue, on croise un grand chien à l’air agressif, la peur est légitime. En revanche, quand on est cynophobe, on ne peut pas sortir… ou aller chez des amis propriétaires d’un minuscule et inoffensif chihuahua ! Certes, le sujet reconnaît le caractère inoffensif du petit chien mais n’empêche, sa vue suscite des angoisses et des terreurs paralysantes. C’est ce côté irrationnel et irraisonné, déclenché par une situation sans danger, qui distingue une « phobie » d’une « peur ».
Les premières phobies surviennent entre 18 mois et 2 ans et perdurent jusqu’à 4 ans. Il s’agit de phobies « normales » : l’enfant a peur du noir, du loup, de l’étranger, des situations insolites, du tonnerre, du vent, etc. « Ces réactions ne sont pas en lien avec une perception du monde extérieur, mais avec quelque chose qui se passe à l’intérieur du psychisme et du monde des pensées, précise Annie Birraux, auteur de Eloge de la phobie (PUF). Pour les psychanalystes, c’est la perception de la situation triangulaire oedipienne ou, pour dire les choses plus simplement, c’est la réaction angoissée de l’enfant qui réalise que sa mère a d’autres objets d’intérêts que lui. »
Durant cette période, l’enfant est soumis à des forces et des tensions très puissantes. Tiraillé entre des pulsions primitives et des forces vitales instinctives qui le submergent, il peut se montrer très agressif. Il ressent de l’angoisse quand il éprouve de l’inimitié à l’égard d’un parent que néanmoins il aime. Pour se mettre à l’abri du parent dont il craint les représailles, il se débarrasse de cette angoisse en la « projetant » sur un objet externe. Mais petit à petit, les phobies s’atténuent pour disparaître spontanément et définitivement. « L’enrichissement des moyens psychiques de l’enfant et la conquête de ses aptitudes corporelles en font disparaître la nécessité », souligne le psychanalyste français Paul Denis, auteur de Les phobies (PUF).
Il est fréquent que les phobies de l’enfant se développent, et surtout perdurent, favorisées par un climat familial phobique. La phobie névrotique est donc souvent un héritage de l’histoire infantile. En grandissant, l’individu reste accroché à des conduites réellement phobiques de l’enfance mais qui sont passées inaperçues. La construction d’un symptôme phobique est le signe d’une fragilité du Moi. Si la phobie n’est pas soignée, elle persistera alors indéfiniment. La personne devient en quelque sorte dépendante et toxicomane de sa phobie.
La littérature psychiatrique reconnaît une quantité invraisemblable de phobies, des plus connues aux plus insolites. Les zoophobies, s’appliquant aux animaux, sont extrêmement fréquentes. L’agoraphobie et la claustrophobie sont les principales phobies des espaces. Dans les phobies liées au corps, on peut citer l’éreutophobie (la peur de rougir) ou l’idrosophobie (la peur de transpirer en public). Les dromophobies sont les phobies du mouvement comme la danse ou la marche. Sans oublier les phobies des enfants ou des personnes âgées : pédophobie et gérontophobie.
Comment s’en sortir ?
Il existe trois approches thérapeutiques. L’approche médicale traite non pas les phobies mais l’angoisse qui les accompagne à coups d’anxiolytiques classiques. L’approche cognitivo-comportementale s’appuie sur la pédagogie et consiste dans la mise en place d’un apprentissage pour que la personne puisse contrôler mieux les processus cognitifs, physiologiques et affectifs en lien avec sa phobie. Le but est de se confronter activement à son objet phobogène. Enfin, la troisième approche est psychanalytique.
En Belgique, plusieurs solutions thérapeutiques sont possibles. L’hôpital Van Gogh à Charleroi s’est doté d’un outil spécifique et pointu permettant de soigner tous les types de phobies. La méthode s’appuie sur l’approche cognitivo-comportementale, basée sur la désensibilisation. Elle consiste en une immersion active dans un laboratoire de réalité virtuelle.
Au sein de l’Unité de thérapies comportementales et cognitives, à l’ULg, à Liège, on pratique la désensibilisation systématique sans outil virtuel. On fait appel à l’imagination du patient, en lui proposant de s’exposer à sa peur par ordre croissant.
Depuis octobre 2014, une nouvelle cellule du Centre de traitement de la peur en avion, un organisme ayant fait ses preuves en France, est opérationnelle à Gosselies.
Le dossier avec les détails des thérapies dans Le Vif/L’Express de cette semaine.
Barbara Witkowska
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