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Comment prendre soin de ses intestins, ce « deuxième cerveau »

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Un déséquilibre de la flore intestinale affaiblit l’immunité, perturbe l’humeur et le sommeil. Quelles habitudes modifier pour optimiser ce microbiote protecteur de notre santé?

L’intestin, quelle horreur! Il aura fallu du temps pour que cet organe sous-estimé, considéré comme un tuyau péteur ou un canal vers les égouts, gagne ses lettres de noblesse. C’est chose faite. On en veut pour preuve la popularité croissante de l’expression «l’intestin, notre deuxième cerveau». Le premier à qualifier ainsi (en 1999) l’organe qui contribue à la digestion des aliments et au passage des nutriments vers le sang et le reste de l’organisme est Michael Gershon, neuro-gastro-entérologue à l’université Columbia (New York). En médecine traditionnelle chinoise, le ventre a toujours été considéré comme le deuxième cerveau.

100 000 milliards

Organe de sept à huit mètres de long, l’intestin héberge plus de 100 000 milliards de bactéries, localisées surtout dans le côlon et, dans une moindre mesure, dans l’intestin grêle.

Comparer l’intestin au cerveau a du sens: près de deux cents millions de neurones tapissent un tube digestif, ce qui en fait un véritable système nerveux autonome. Il est en interaction permanente avec le cerveau, qu’il informe par le biais de secrétions hormonales et de neurotransmetteurs, telles la dopamine et la sérotonine, indispensables à notre santé psychique. L’intestin est l’organe où l’énergie émotionnelle peut stagner, d’où les expressions «la peur au ventre», «prendre aux tripes» ou «digérer la nouvelle». Près de 80% de notre système immunitaire est situé au niveau du tube digestif. La paroi intestinale joue un rôle de barrière protectrice. Couverte de villosités, elle se renouvelle toutes les 36 heures.

Intestins: allergies et intolérances

Les bactéries de l’intestin, associées à des virus, levures et champignons, forment la «flore intestinale», désormais rebaptisée «microbiote intestinal» par les scientifiques. «Ce monde pèse deux à trois kilos, indique Anne Ausloos, médecin nutritionniste, à Bruxelles. Il joue un rôle clé dans notre métabolisme, cerveau compris. Mais il est fragile. Un déséquilibre du microbiote perturbe l’humeur, le sommeil…» Le microbiote attire de plus en plus l’attention en raison de la multiplication des allergies et intolérances, notamment chez les enfants. Plus largement, les crampes au ventre, ballonnements, borborygmes, diarrhées ou constipations touchent plus d’une personne sur cinq. «Ces soucis intestinaux sont liés à la dégradation de la qualité de notre alimentation depuis plus d’un quart de siècle, assure la médecin-nutritionniste. En cause, la nourriture industrielle ultratransformée, les pesticides, ou encore les perturbateurs endocriniens, qui augmentent la perméabilité intestinale. La prise d’antibiotiques est aussi dommageable à la flore intestinale et aux défenses immunitaires.»

Nathalie Delzenne, professeure de métabolisme et nutrition à l’UCLouvain, reconnaît que «de plus en plus de patients parlent de leur inconfort intestinal. Mais le public a tendance à confondre deux états distincts: la maladie intestinale inflammatoire, qui fait l’objet d’un diagnostic précis, comme la colite ulcéreuse ou la maladie de Crohn, et le syndrome de l’intestin irritable, plus difficile à traiter.»

Bien mâcher… sans télé

La découverte

L’équipe de Patrice Cani, professeur à l’UCLouvain, est parvenue à prouver que la bactérie intestinale Akkermansia municiphila réduit les maux liés à l’obésité et au diabète de type 2. Un complément alimentaire à base de cette bactérie pasteurisée vient d’être mis sur le marché.

Les cinq règles d’or du bien-être des intestins, selon les nutritionnistes consultés: primo, bien mastiquer la nourriture, ce qui procurera plus rapidement le sentiment de satiété et facilitera la digestion. Secundo, ne pas prendre son repas devant un écran de PC, la télévision, ou en manipulant son smartphone, activités qui empêchent le cerveau de se mettre en pause et qui réduisent de 30% la libération d’enzymes digestives. Par conséquent, la nourriture mal digérée arrive dans le gros intestin, de mauvaises bactéries prolifèrent et fermentent, ce qui produit des gaz et ballonnements. Tertio, ne pas manger stressé. En cas de tension, faites le tour du quartier avant de passer à table. Il convient aussi de réduire sa consommation de viande rouge, de charcuterie, de sel et d’alcool et de privilégier les végétaux, afin de limiter les risques de polypes intestinaux et de cancer du côlon. Les végétaux fournissent la cellulose qui nourrit la croissance de bactéries bénéfiques à notre santé. Pour favoriser la prolifération de bonnes bactéries dans l’intestin, il est indiqué de laisser refroidir, avant de les réchauffer, riz, pâtes, pommes de terre et autres féculents. L’amidon est ainsi transformé, d’où une digestion plus lente, donc moins de ballonnements liés à la fermentation.

Pour aller plus loin

FAIRE LA PAIX AVEC SON CÔLON

Quelles solutions face au syndrome de l’intestin irritable (SII)? Comment s’y retrouver entre probiotiques, hypnose et régimes alimentaires sans lactose, pauvres en gluten ou en fodmaps (aliments fermentescibles). Jean-Marc Sabaté, gastro-entérologue et hépatologue, éclaire ces questions dans son livre Intestin irritable: équilibrez votre microbiote et faites la paix avec votre côlon (Larousse, 2020).

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