Comment la transe peut aider les patients après un cancer
Longtemps dissociées de la médecine conventionnelle, les expériences basées sur les états modifiés de conscience révèlent leur potentiel thérapeutique.
Depuis une quinzaine d’années, deux chercheuses attachées au CHU et à l’Université de Liège, la Dr Audrey Vanhaudenhuyse et la Dr Olivia Gosseries (chercheuse qualifiée FNRS), travaillent sur l’hypnose et les patients récupérant d’un coma. Elles se sont aussi intéressées aux effets de la transe chamanique sur le cerveau et sur le ressenti de la personne lorsqu’elle en fait l’expérience. En collaboration avec Corine Sombrun, ethnomusicologue formée aux pratiques du chamanisme mongol, elles ont réalisé une première étude sur la transe cognitive auto-induite, un état de conscience modifiée volontaire comme le sont aussi l’hypnose et la méditation. «Nous avons découvert que le cerveau de Corine Sombrun répondait différemment aux stimulations magnétiques que nous lui envoyions lorsqu’elle était en transe, que lorsqu’elle se trouvait dans un état de conscience normal. Son vécu au cours de l’expérience était également différent. Elle se disait plus absorbée, plus dissociée. Sa perception du temps était modifiée.»
«Chacune de ces expériences permet d’apporter de nouvelles pièces au puzzle et de mieux comprendre la conscience de manière générale»
Audrey Vanhaudenhuyse et Olivia Gosseries
Chercheuses attachées au CHU et à l’Université de Liège
La deuxième étude, toujours en cours, vise à poursuivre les observations sur un échantillon suffisamment représentatif de personnes formées à la transe cognitive auto-induite, afin de vérifier si elles ressentent les mêmes effets.
En parallèle, lors d’une troisième étude menée en collaboration avec les Dr Charlotte Gregoire et Nolwenn Marie (ULiège), il a été proposé à des patients qui ont terminé leurs traitements oncologiques d’apprendre à se mettre en état d’hypnose, de méditation d’autocompassion ou de transe cognitive auto-induite. Et d’observer les effets de la pratique sur un plan purement clinique mais aussi sur leur vécu subjectif, et sur leurs paramètres cérébraux et corporels (activité cardiaque et respiratoire).
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Pour parvenir à entrer en transe cognitive auto-induite, les patients ont suivi un entraînement au cours duquel différents outils sont utilisés pour les aider à atteindre cet état de conscience modifié. Les expériences ne se déroulent pas en forêt, ni en hutte de sudation mais dans des salles «neutres».
Effets à long terme
La formation s’étend sur quatre journées. Les patients sont plongés dans un univers sonore composé de sons binauraux basés sur des sons de tambour, de vocalisations ou de cris d’animaux. «Il faut que la personne puisse se laisser aller et trouver son inducteur. Cela peut être la main qui bouge, des vocalisations ou un autre mouvement corporel. Au fur et à mesure, elle parvient à induire la transe cognitive auto-induite sans avoir besoin de ces sons pour l’accompagner», décrivent les Dr Audrey Vanhaudenhuyse et Olivia Gosseries.
Le témoignage des patients est enregistré après les transes chamaniques et comparé à leur état de conscience habituel. Sur le plan clinique, des prises de sang régulières permettent d’évaluer si la transe produit un effet sur les marqueurs tumoraux, le but étant d’objectiver les effets de la pratique à plus long terme.
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D’ici peu, de nouveaux travaux débuteront avec des patients souffrant de douleurs chroniques, afin d’évaluer les bénéfices qu’elles peuvent tirer de la pratique de la transe cognitive auto-induite. Le protocole est identique à celui utilisé pour l’hypnose, qui a déjà fait l’objet de nombreuses études. «Il s’agit de répliquer ce qui a déjà été validé scientifiquement avec d’autres pathologies ou d’autres états de conscience. Chacune de ces expériences permet d’apporter de nouvelles pièces au puzzle et de mieux comprendre la conscience de manière générale.»
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