Comment la périménopause peut mener à la dépression
L’essentiel
• La périménopause est une période à risque de dépression, avec un risque évalué à 40%.
• Les fluctuations hormonales et les bouleversements familiaux ou professionnels figurent parmi les causes de la dépression pendant la périménopause.
• Une méta-analyse récente a confirmé que la périménopause est l’étape associée aux risques les plus élevés de dépression.
• L’hormonothérapie substitutive est recommandée pour atténuer une humeur dépressive causée par la ménopause.
• Les preuves concernant l’efficacité des antidépresseurs et de la psychothérapie pour traiter la dépression liée à la périménopause sont insuffisantes.
Une récente étude évalue à 40% le risque de dépression durant la périménopause. En cause: les importantes fluctuations hormonales mais aussi les bouleversements familiaux ou professionnels, fréquents à l’approche de la cinquantaine.
Long et tortueux peut être le chemin vers l’âge d’or. Pour les femmes, cette transition passe inévitablement par d’importants bouleversements hormonaux. Si les plus chanceuses traverseront cette période de leur vie sans ressentir le moindre symptôme, les autres n’échapperont pas aux nombreux désagréments qui les accompagneront jusqu’à la ménopause. Et parfois même au-delà.
Bouffées de chaleur, changements du cycle menstruel, prise de poids, maux de tête, troubles du sommeil et de l’humeur ou encore ostéoporose sont les inconvénients les plus fréquemment cités lors de cette période de transition. La dépression est aussi l’une des conséquences possibles de ce chamboulement intérieur.
«J’ai eu une période dépressive: j’occupais un poste où je subissais du harcèlement et je n’avais pas assez de force pour me positionner ou refuser certaines demandes. Ma santé a été mise à mal et ma famille aussi. J’ai quitté ce job. Je sais qu’aujourd’hui, j’aurais réagi autrement, car je suis la personne que j’ai toujours été, mais à ce moment-là, j’étais très affaiblie physiquement et psychologiquement, écrit une de ces femmes qui a souffert de dépression. «J’ai compris a posteriori que la grosse dépression que j’ai faite à 49 ans était un symptôme de la périménopause», se confie une autre(*).
«La périménopause est une période à risque pour la dépression et une réalité psychosociale et physiologique dont la dimension neurobiologique est souvent sous-estimée», pouvait-on déjà lire dans un article de la Revue médicale suisse il y a près de 20 ans. Aujourd’hui encore, bien des aspects de cette période charnière, qui débute aux alentours de la cinquantaine et s’étend en moyenne sur deux à quatre ans, restent inexplorés par la recherche.
Une méta-analyse menée par une équipe de l’University College de Londres (UCL), parue en juin dans le Journal of Affective Disorders, apporte de nouveaux éléments de réponse. Elle conclut que la périménopause est l’étape associée aux risques les plus élevés de dépression. Un risque que les deux chercheuses qui ont dirigé l’étude évaluent à 40%. Leurs conclusions se basent sur l’analyse de données de près de 10.000 femmes. En revanche, l’étude n’a pas montré de risque significativement accru de symptômes ou de diagnostics dépressifs chez les femmes postménopausées par rapport aux femmes préménopausées.
«La littérature reste controversée. Si la relation existe, elle ne serait pas très grande.»
Fluctuations hormonales
La ménopause décrit la phase de reproduction où les menstruations s’arrêtent en raison de la perte d’activité folliculaire ovarienne. L’âge moyen de la ménopause –de 49 à 52 ans– coïncide avec les taux les plus élevés de dépression chez les femmes, comme le rapportent d’autres recherches épidémiologiques. La transition vers la ménopause est caractérisée par des niveaux fluctuants et éventuellement diminués d’œstrogène et de progestérone ainsi que par des niveaux élevés d’hormone folliculo-stimulante (FSH), rappelle l’étude.
«La littérature reste controversée à ce sujet, nuance le Pr. Serge Rozenberg, gynécologue à la Clinique de la ménopause du CHU Saint-Pierre, à Bruxelles. Les données laissent effectivement penser qu’il existe une relation entre dépression et périménopause mais elle ne serait pas très grande. Elle concerne surtout les femmes qui présentent des antécédents de dépression, une période de post-partum par exemple, ou qui souffrent du syndrome prémenstruel (SPM), étant donné qu’elles sont plus sujettes aux variations hormonales.» Les femmes qui ne ressentent pas de telles variations mais présentent déjà des fragilités psychologiques sont, elles aussi, plus à risque.
Le regard de la société
La part représentée par les variations hormonales dans le déclenchement de la maladie est particulièrement difficile à établir dans les cas de dépression en période de périménopause. «La ménopause survient en moyenne vers 50 ans, détaille le gynécologue. Une période au cours de laquelle les changements professionnels ou familiaux –séparation, enfants qui quittent le nid, perte d’emploi– sont courants. C’est un âge critique sur bien des aspects. Il s’agit donc de faire la part des choses entre un deuil nécessaire de certaines choses ou situations et les effets directs de la périménopause. Or, les études tiennent rarement compte de ces paramètres. C’est davantage de l’ordre du bon sens clinique. Pour ces cas où la situation personnelle est compliquée, on peut se demander si la périménopause accentue l’état dépressif ou si ce sont les troubles hormonaux, dont la fatigue et le stress, qui rendent certaines situations plus difficiles à vivre et à supporter. Par exemple, il a été démontré que les femmes sont davantage absentes au travail pour cause de burnout lorsqu’elles sont en période de ménopause et que celle-ci n’est pas traitée. A contrario, les femmes qui vont bien, soit parce qu’elles ont un traitement, soit parce qu’elles ne ressentent aucun symptôme, sont moins absentes que les hommes. Mais il faut rester prudent: association ne veut pas forcément dire causalité.»
L’hormonothérapie substitutive est recommandée pour «atténuer une humeur dépressive en conséquence de la ménopause».
Les chercheuses de l’University College de Londres citées précédemment mentionnent elles aussi cette zone grise. Elles soulignent que «le modèle bio-psycho-socio-culturel postule que les événements difficiles vécus pendant cette période, notamment la prise en charge des parents et des enfants vieillissants, peuvent accroître la vulnérabilité biologique. On suppose que les attitudes culturelles à l’égard du vieillissement et de la ménopause augmentent la vulnérabilité, les cultures occidentales ayant des opinions plus négatives sur cette période et ressentant des symptômes plus graves.»
Fin mai, l’Inami a organisé une réunion de consensus sur la prise en charge de la ménopause. Il a notamment été discuté de l’utilisation d’œstrogènes pour traiter la dépression chez les femmes en périménopause et en postménopause. Le rapport de l’institution fédérale mentionne que l’hormonothérapie substitutive (HTS, constituée d’œstrogène seul ou d’une combinaison d’œstrogène et de progestatif) est recommandée pour «atténuer une humeur dépressive qui se manifeste en conséquence de la ménopause. Une thérapie cognitivo-comportementale peut également être envisagée pour atténuer une humeur dépressive ou une anxiété qui se manifeste en conséquence de la ménopause.»
Et les antidépresseurs? «Il y a lieu de s’assurer, mettent en garde les auteurs, que les femmes ménopausées et les professionnels de la santé impliqués dans leurs soins comprennent qu’il n’existe pas de preuves claires concernant le recours aux antidépresseurs de type ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) ou aux IRSN (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline) pour soulager l’humeur dépressive chez les femmes ménopausées sans diagnostic de dépression.»
Les preuves ne sont pas suffisantes non plus, écrit l’Inami, pour recommander une hormonothérapie substitutive ou une psychothérapie pour le traitement de la dépression périménopausique.
«Les antidépresseurs donnent de bons résultats sur les bouffées de chaleur et agissent modérément sur la dépression, a observé le Pr Rozenberg. Et comme tout médicament, ils ont des effets secondaires. En outre, ils fonctionnent moins bien que le traitement hormonal chez celles qui ont des bouffées de chaleur et qui présentent une composante dépressive.»
Quant au fezolinetant, un médicament utilisé pour traiter certains symptômes liés à la ménopause, comme les sueurs nocturnes ou les bouffées de chaleur, il n’a pas montré d’efficacité sur les autres symptômes comme la dépression, l’ostéoporose et la perte de libido.
(*) Témoignages issus du site Lamenopause.fr
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