Comment éviter que votre enfant devienne un zombie de l’écran?
Grâce à une enquête du gouvernement flamand, qui interroge chaque année les jeunes sur leur utilisation d’appareils numériques et des réseaux sociaux, nous savons que 56% des enfants possèdent leur propre tablette et que la plupart reçoivent un smartphone vers l’âge de douze ans. Huit conseils pour éviter que votre enfant devienne un zombie de l’écran.
1. À partir de quel âge les écrans sont-ils autorisés?
Mariek Vanden Abeele (Spécialiste en communication, Université de Tilburg) : Sur le plan international, il y a eu beaucoup de discussions sur le sujet. L’American Pediatric Association a maintenu longtemps que mieux valait éviter tous les écrans jusqu’à l’âge de deux ans. Mais c’était devenu irréaliste. En outre, il n’y a pas de fonds scientifiques. Il y a une espèce de consensus sur la difficulté d’établir une directive sur l’âge. Tant que le contenu est adapté – pas de jeux de tirs pour un enfant de cinq ans – il ne faut pas trop s’inquiéter.
2. Combien d’heures par jour les enfants peuvent-ils passer devant un écran ?
Wouter Duyck (professeur en psychologie expérimentale, Université de Gand) : il n’y a aucune étude qui démontre qu’une, deux ou trois heures passées devant un écran par jour seraient nocives. Bien entendu, il ne faut pas laisser un enfant d’un an jouer huit heures avec une tablette. Tout comme on ne le laisse pas bricoler ou nager pendant huit heures. L’avantage, c’est que les enfants ont une durée d’attention plus courte. Cependant, il faut instaurer une limite de temps plus courte pour les enfants plus âgés. Mais celles-ci ne sont pas immuables non plus. En période d’examen, une demi-heure de gaming peut suffire, mais lors d’un long voyage en voiture il peut-être plus utile de jouer quatre heures à la tablette plutôt que de regarder défiler le paysage pendant des heures.
3. Quel impact les écrans ont-ils sur le cerveau d’un enfant?
Duyck: Il y a un effet important et scientifiquement prouvé: la lumière bleue de l’écran d’un smartphone, ordinateur ou tablette perturbe de niveau de mélatonine dans notre corps, ce qui exerce un effet négatif sur le cycle sommeil-éveil. C’est pourquoi il vaut mieux éviter les écrans trente minutes avant l’heure du coucher. Mais indépendamment de cela, aucune étude n’a démontré que les écrans endommageraient notre cerveau. Par contre, il a été prouvé que le cerveau de personnes qui passent un temps excessif sur internet change. Mais c’est également le cas pour le cerveau de chauffeurs de taxi, de joueurs d’échecs ou de footballeurs de haut niveau. Tout ce que nous faisons laisse des traces dans notre cerveau.
4. À partir de quand un enfant est-il accro aux écrans?
Lieven De Marez (professeur médias, technologie, innovation, Université de Gand): les smartphones sont des pompes à dopamine très ingénieuses. La dopamine c’est l’hormone du bonheur qui se libère quand on prend de la drogue, de l’alcool ou du chocolat. Elle entraîne une griserie qui disparaît rapidement. Généralement, le niveau de dopamine baisse à un niveau plus bas qu’avant, ce qui fait qu’on part rapidement à la recherche d’un nouveau pic. C’est ainsi que se manifestent la dépendance, et finalement aussi l’accoutumance.
Le comportement humain peut créer autant d’accoutumance que ces produits, certainement s’il répond à un certain nombre de motivations de base. Se faire applaudir par exemple, ou mettre de l’ordre dans ses affaires (pensez à une accoutumance au nettoyage) ou « chasser »(comme pour une dépendance aux jeux de hasard). Un smartphone déclenche tous ces facteurs : on est accro aux likes, on veut mettre de l’ordre dans ses notifications, et on chasse les nouvelles sur les réseaux sociaux.
Les enfants et les adolescents doivent faire très attention. Leur cortex préfrontal est encore en plein développement, ce qui entraîne des difficultés de concentration et les empêche de distinguer l’essentiel de l’accessoire. S’ils s’habituent trop à la dopamine de leur smartphone, ils peuvent avoir des problèmes plus tard. Ils n’auront plus le temps de passer six heures par jour sur leur smartphone et leur vie pourrait en souffrir.
5. Y a-t-il des différences entre les écrans?
De Marez: L’avantage d’un ordinateur, de la télévision et même de la tablette, c’est qu’ils ne sont pas constamment à portée de main. En revanche, un smartphone est totalement illimité dans le temps et l’espace. Je le compare parfois à un chien : au début, il court avec vous plutôt que l’inverse. Si vous le laissez faire, ce chien s’installe à table, au lit et dans le canapé. Ce qui peut aider, c’est de convenir avec nos enfants de limiter Facebook ou leurs e-mails à l’ordinateur afin qu’ils ne puissent pas s’en servir en permanence.
6. Les jeux valent-ils mieux que les réseaux sociaux? Ou est-ce l’inverse ?
Vanden Abeele: Les jeux vidéo ont un certain nombre d’effets positifs prouvés. Ainsi, un jeu comme Minecraft apprendrait à mieux penser en trois dimensions. D’autre part, de nombreux jeux sont compétitifs, ce qui peut entraîner une poussée d’adrénaline. Ce n’est donc pas une très bonne idée de jouer avant d’aller dormir. En outre, il est inquiétant que (beaucoup de) jeux gratuits tournent autour d’une pulsion de récompense constante à laquelle notre cerveau est très sensible. En tant que parent, il vaut mieux payer quelques euros pour un jeu sûr et peut-être éducatif que pour un jeu gratuit aux allures de jeu de hasard.
De Marez: L’avantage de la plupart des véritables jeux vidéo (sur ordinateur ou console) c’est qu’ils sont limités dans le temps et l’espace: on ne peut les jouer en déplacement. Mais les réseaux sociaux et les « social games » tels que Candy Crush sont disponibles partout et à tout moment, ce qui augmente le risque de dépendance et d’accoutumance.
7. Faut-il vérifier ce que votre enfant fabrique sur ces écrans?
Elke Boudry (Vlaams Kenniscentrum Mediawijsheid) : vérifier en cachette ce que fait votre enfant en ligne n’est pas une bonne idée. Vous ne ferez que créer de la méfiance. Et il est illusoire de penser que vous saurez tout en devenant ami Facebook avec votre enfant. Mieux vaut se montrer sincèrement intéressé. Regardez les vidéos Youtube d’un vlogueur populaire ou un jeu vidéo avec votre enfant. En vous impliquant, vous saurez au moins de quoi parlent vos enfants toute la journée. Et ils se confieront plus vite à vous, si quelque chose tourne mal.
8. Quelles règles les parents peuvent-ils imposer ?
De Marez: Il est important de limiter l’utilisation d’écrans en temps et en espace: pas de smartphone au lit et à table par exemple. On peut aussi apprendre à ses enfants à ne pas réagir à la moindre notification. Mais il est important de prendre ce genre de décision ensemble et de s’y tenir. C’est pourquoi la conscientisation est primordiale : beaucoup de gens – jeunes et âgés – ne se rendent pas compte du nombre d’heures qu’ils passent sur leur smartphone. Le grand problème c’est qu’on prend son smartphone pour faire une recherche ou envoyer un message et entre-temps on vérifie rapidement Facebook ou l’on joue à un jeu. C’est ainsi qu’inconsciemment on perd beaucoup de temps.
Boudry: Établir des règles, de préférence en accord mutuel, est une bonne idée, même s’il va de soi qu’elles évoluent avec l’âge. Ainsi presque tous les adolescents sont confrontés au sexting : des photos ou messages à connotation sexuelle. La plupart des parents veulent interdire cette pratique, mais ça n’a pas de sens. C’est un comportement expérimental propre aux adolescents. Mieux vaut donc que les parents leur donnent des conseils : faites en sorte de ne pas être reconnaissable sur les photos et envoyez-les uniquement à quelqu’un à qui vous faites confiance.
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