« C’est très prometteur » : l’actuelle épidémie de bronchiolite pourrait-elle être la dernière ?

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Le nombre de nourrissons hospitalisés pour des cas de bronchiolite est en hausse ces dernières semaines. Cette année, le seuil épidémique a été franchi particulièrement tôt, plongeant les hôpitaux du pays sous une pression accrue. Grâce à deux nouveaux traitements, cette infection pulmonaire devrait toutefois être bien mieux maîtrisée à l’avenir.

Chaque année, les hôpitaux redoutent son arrivée. La bronchiolite, une inflammation des voies respiratoires fréquente chez les tout-petits, survient généralement sous forme d’épidémie en automne et en hiver, entraînant parfois une saturation des unités pédiatriques.

Cette année, l’épidémie se caractérise par sa précocité singulière. Selon les données récoltées par Sciensano, l’Institut de santé publique, le seuil épidémique a déjà été franchi depuis plus d’un mois. Le nombre de tests positifs pour le virus respiratoire syncytial (VRS) – à l’origine de la majorité des bronchiolites – a ainsi dépassé le seuil critique de 214 par semaine à la mi-octobre. « C’est la première fois en vingt ans que l’on atteint si rapidement ce chiffre, indique Stéphane Moniotte, chef du département de pédiatrie aux Cliniques Universitaires Saint-Luc. D’habitude, on observe plutôt une augmentation progressive des cas au cours des mois d’octobre et novembre. »

Logiquement, le nombre d’admissions à l’hôpital a rapidement augmenté dans les jours suivant le dépassement de ce seuil. « Ces hausses se sont produites près de trois semaines plus tôt que l’an dernier », confirme Sciensano.

10% d’hospitalisations

La bronchiolite, qui se manifeste par une obstruction des bronchioles (petites voies respiratoires inférieures), ne nécessite pas toujours une hospitalisation. « Les premiers symptômes s’apparentent à ceux d’un rhume classique, débute Marc Hainaut, chef de clinique au CHU Saint-Pierre et professeur de pédiatrie à l’ULB. Mais certains nourrissons vont ensuite développer des symptômes respiratoires plus sérieux (bronchospasmes, accélération de la respiration, sifflements, utilisation de muscles accessoires pour respirer…), de la toux, puis un encombrement bronchique avec beaucoup de sécrétions. » Un soutien respiratoire – oxygénation, voire ventilation artificielle – est alors indispensable à ces jeunes enfants, qui finissent par être épuisés et parfois sous-alimentés. 

« Les risques d’hospitalisation sont en réalité fortement liés à l’âge, relève Marc Hainaut. Plus l’enfant est jeune, plus il risque de développer une forme sérieuse de la maladie. »

Généralement, 10% des enfants atteints de bronchiolite nécessitent une prise en charge hospitalière, parmi lesquels 1% est transféré en soins intensifs. A Saint-Luc, cela représente « environ 3 à 5 patients par semaine », expose Stéphane Moniotte. « Les risques d’hospitalisation sont en réalité fortement liés à l’âge, relève Marc Hainaut. Plus l’enfant est jeune, plus il risque de développer une forme sérieuse de la maladie. » Les bébés de moins de six mois sont particulièrement à risques, tout comme les prématurés et les nourrissons souffrant d’autres pathologies ou présentant des antécédents respiratoires. 

Bronchiolite: le pic a-t-il été dépassé?

Cette année, la précocité de l’épidémie a plus rapidement menacé les hôpitaux de saturation. « Plus l’épidémie commence tôt, plus vite les lits sont occupés, donc plus longue est cette période de pression accrue sur les unités de soins », résume Stéphane Moniotte. Heureusement, les pics particulièrement importants d’infections et d’admissions observés l’année dernière n’ont pas (encore) été atteints.

Au CHU Saint-Pierre, après une période difficile il y a une dizaine de jours – qui a nécessité le transfert de jeunes patients dans d’autres hôpitaux du pays – la situation semble désormais stabilisée. « Heureusement, la saturation n’a pas duré trop longtemps, se réjouit Marc Hainaut. On espère que le pic a été dépassé, mais c’est toujours difficile à dire. On n’est pas à l’abri d’une résurgence plus tard dans l’hiver. »

Aux cliniques universitaires Saint-Luc, la prudence reste également de mise. « Actuellement, la situation mérite un monitoring quotidien, confirme Stéphane Moniotte. Nous surveillons la disponibilité des lits, la situation en salle d’urgences… Heureusement, nous n’avons pas encore dû prendre de mesures spécifiques liées à l’épidémie: nous n’avons pas ouvert d’unités de soins supplémentaires et, surtout, nous n’avons pas dû reporter des interventions électives (opérations non-urgentes programmées de longue date, NdlR). » Si les signaux ne sont pas au rouge, les hôpitaux continuent toutefois de redoubler d’attention, d’autant que l’épidémie de bronchiolite coïncide avec la résurgence d’autres maladies hivernales et avec une sérieuse pénurie de personnel, qui accentuent encore la pression sur le système de santé.

Deux avancées potentiellement révolutionnaires

Grâce à deux avancées majeures, les médecins regardent toutefois plus sereinement vers le futur. L’arrivée du nirsevimab sur le marché, un traitement préventif commercialisé sous le nom de Beyfortus, devrait permettre aux nourrissons de mieux lutter contre le VRS à l’avenir. « Cet anticorps monoclonal existait déjà par le passé, mais il nécessitait une injection tous les mois pour être efficace, indique Stéphane Moniotte. Très cher, il était réservé au public le plus à risque. Aujourd’hui, une injection unique permettra aux enfants d’être protégé pour six mois, donc pour l’entièreté de l’automne-hiver. » Avec une efficacité prouvée d’au moins 85%, le Beyfortus est déjà administré en France depuis septembre et pourrait l’être en Belgique à partir de l’année prochaine. « Si on généralise l’administration de ces anticorps monoclonaux au début de l’hiver, il y a fort à parier que les hospitalisations diminueront drastiquement, se réjouit Marc Hainaut. Cela semble vraiment très prometteur. »

Enfin, le développement de vaccins à destination des femmes enceintes pourrait également révolutionner ce fléau saisonnier que représente la bronchiolite. « Les mères vont ainsi produire des anticorps, qu’elles vont transmettre à leurs enfants au cours de la grossesse et grâce à l’allaitement, explique Stéphane Moniotte. L’avantage, c’est que tous les bébés seront protégés dès leurs premiers jours de vie, soit la période la plus à risque. » Faisant toujours l’objet de discussions politiques, le produit pourrait être commercialisé par Pfizer en 2024.

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