La plupart des cas de cardiomyopathie hypertrophique sont découvert par hasard. © GETTY

Cardiomyopathie hypertrophique, cette faille (trop souvent ignorée) qui fragilise le cœur

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Plus de neuf personnes atteintes de cardiomyopathie hypertrophique sur dix l’ignorent. Or, la maladie peut déclencher des symptômes sévères, voire provoquer la mort subite.

Une fatigue inhabituelle, un essoufflement à l’effort, une douleur au niveau du thorax, des vertiges, voire des évanouissements: c’est ce que décrivent les patients chez qui la cardiomyopathie hypertrophique (CMH) a été diagnostiquée. Une maladie qui touche entre un adulte sur 500 et un adulte sur 200. En Belgique, il y aurait donc entre 23.000 et 57.500 personnes atteintes de cette maladie, et autant de femmes que d’hommes.

La particularité de la cardiomyopathie hypertrophique est qu’elle reste, dans la grande majorité des cas, asymptomatique: la plupart des personnes atteintes de la maladie ne rencontrent pas de problèmes particuliers. «80% des patients ne ressentent pas de symptômes», précise Steven Droogmans. Le chef du département de cardiologie de l’UZ Brussel parle de «maladie cachée», souvent détectée fortuitement chez le patient au cours d’examens médicaux. Le diagnostic est d’ailleurs souvent posé assez tardivement (à 47 ans en moyenne en Europe), alors que la maladie augmente considérablement le risque de comorbidités et de mortalité.

Un sous-diagnostic qui s’explique aussi par le fait que les symptômes sont souvent attribués à d’autres pathologies comme l’hypertension, l’asthme ou l’obésité. C’est ce qui explique que 95% des patients ignorent qu’ils souffrent de cette pathologie.

En Belgique, entre 23.000 et 57.500 personnes souffriraient de cardiomyopathie hypertrophique.

Chez les adultes présentant la forme la plus sévère, la maladie peut altérer significativement la qualité de vie et limiter la possibilité d’exercer des activités physiques, voire des gestes quotidiens. Chez les jeunes athlètes, une cardiopathie coronarienne débutante qui n’a pas été diagnostiquée peut être la cause de mort subite. Des cas peu fréquents mais très médiatisés et qui marquent les esprits. Selon les chiffres du Comité international olympique, la mort subite frappe chaque année deux athlètes de 12 à 35 ans sur 100.000. Dans 90% des cas, la mort subite des sportifs est liée à un problème cardiovasculaire. En Belgique, toutefois, les sportifs de haut niveau passent généralement des examens cardiaques assez poussés, ce qui permet de limiter les risques. La cardiomyopathie est en outre la principale cause de transplantation cardiaque chez les jeunes.

Elle peut également toucher les sportifs amateurs, mais plutôt d’âge moyen. Enfin, le risque de mort subite dépend du type d’activité physique pratiquée. Il est par exemple six fois plus faible pour la natation que pour le cyclisme.

Dépistage familial

Les cardiomyopathies sont des maladies affectant le muscle cardiaque, entraînant une altération de sa structure ou de sa fonction, sans lien avec des affections des artères coronaires, des valvules ou d’atteintes cardiaques congénitales, comme le décrit la Ligue Cardiologique belge. Elles constituent un groupe varié de pathologies touchant le muscle cardiaque. La forme hypertrophique, soit un épaississement anormal des parois du muscle cardiaque, concerne essentiellement la cloison entre les ventricules droit et gauche, appelée septum.

Dans la plupart des cas, la cardiomyopathie est dite «obstructive», ce qui signifie que l’épaississement du muscle crée un obstacle à l’expulsion du sang vers les organes. Dans sa forme «non obstructive», le muscle cardiaque épaissi n’entrave pas le flux sanguin de manière importante. «Ceux qui souffrent de la forme obstructive sont également ceux qui présentent le plus de symptômes», précise le Pr Droogmans.

Dans un cas sur deux, la maladie est héréditaire. Elle est causée par la mutation d’un gène. Il s’agit d’ailleurs de la maladie cardiaque d’origine génétique la plus fréquente. Pour le Pr Droogmans, un meilleur dépistage de la maladie permettrait d’éviter de lourdes conséquences pour bien des patients. «Lorsqu’un cas est détecté, il est important de vérifier si les autres membres de la famille ne sont pas porteurs du même gène car ils risquent aussi de développer la maladie.»

Des facteurs tels que l’hypertension, le diabète, la surcharge pondérale, certains virus ou la grossesse peuvent moduler l’expression ou la sévérité des cardiomyopathies. C’est donc aussi sur ce terrain-là que se joue la prévention.

«Lorsqu’un cas est détecté, il est important de vérifier si les autres membres de la famille ne sont pas porteurs du même gène.»

Des progrès dans la prise en charge

Outre le screening familial, le diagnostic de la CMH repose sur un électrocardiogramme (ECG), principalement une échocardiographie, et d’éventuels tests complémentaires comme une épreuve d’effort et une IRM cardiaque.

Ces dernières années, des avancées permettant de réduire le taux de mortalité et les complications ont été réalisées dans la prise en charge de la cardiomyopathie hypertrophique, que ce soit en matière d’imagerie cardiaque ou de développement de nouveaux médicaments et thérapies ciblées. Si les troubles du rythme cardiaque sont importants, l’implantation d’un pacemaker ou de défibrillateur peut être envisagée. Les patients souffrant d’une insuffisance cardiaque bénéficieront de traitements avancés, voire d’une transplantation cardiaque.

Le traitement médicamenteux repose sur la prise de bêta-bloquants, d’antihypertenseurs et d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA). Dans certains cas, le recours à la chirurgie est inévitable. L’intervention consiste à retirer la partie du muscle cardiaque épaissie dans la cloison cardiaque qui freine la circulation du sang dans le cœur. Une autre technique, l’ablation septale à l’alcool consiste à injecter une petite quantité d’alcool pur dans le cathéter jusqu’à l’artère pour détruire l’excès de tissu. 

Depuis 2024, un nouveau type de traitement basé sur des inhibiteurs directs de la myosine est disponible. Selon le Pr Droogmans, de réelles améliorations ont été mises en évidence au cours des essais cliniques. Quatre-vingts des patients traités avec ces inhibiteurs directs de la myosine ont échappé à l’opération chirurgicale.

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