Burn-out parental, un sujet encore tabou
On estime que près de 150.000 parents en Belgique souffrent de burn-out parental. Celui-ci se distingue du burn-out classique par le fait que la source est non pas le travail, mais bien l’exercice de la parentalité. Or si l’on peut changer de boulot, prendre du recul par à rapport à sa progéniture est nettement plus compliqué. Encore trop souvent tabou, la solution est pourtant d’en parler. Car le burn-out parental ne touche pas que le parent qui en souffre, il a aussi des conséquences sur les enfants nous révèle Anne-Catherine Dubois, chercheuse en santé publique à l’UCLouvain Bruxelles.
150.000 personnes souffriraient de burn-out parental en Belgique. Cela n’a rien d’anecdotique puisque cela représente 7 % de la population belge et serait composé de 100.000 mères et 50.000 pères. Et si le reconnaître comme une maladie reste discutable, il est souvent source de réelles souffrances et accompagné de troubles psychosomatiques.
Le burn-out parental se produit, comme avec le burn-out classique, quand il y a trop de stress, trop longtemps, avec pas assez de ressources pour y faire face. « Il se distingue d’un ras-le-bol momentané ou d’une crispation passagère, par le fait qu’il s’installe dans la durée et qu’il est récurrent. La plupart du temps lorsqu’une personne s’énerve sur son enfant, elle va vite être confuse, chercher à s’excuser pour son emportement ou en discuter avec lui. Mais le parent en situation de burn-out parental n’arrive plus à mobiliser ses ressources intérieures et à se ressaisir pour pallier ce moment d’énervement » précise Anne-Catherine Dubois. On observe alors un déséquilibre entre les facteurs de stress, ici les enfants, et ses ressources pour y faire face.
Il en découle une grande fatigue interne qui fait qu’on n’arrive plus à accompagner son enfant, à répondre à ses demandes ou à s’épanouir dans le rôle de parent. Celui-ci devient dès lors source d’angoisse et d’un puissant sentiment d’échec. « Cela s’accompagne aussi d’une certaine distance émotionnelle qui fait que, par exemple, quand l’enfant se fait mal on a du mal à aller le consoler. Certains parents ont aussi une furieuse envie de claquer la porte pour ne plus revenir », dit encore Anne-Catherine Dubois. Une troisième caractéristique est que la personne n’a plus l’impression de s’accomplir en tant que parent ou tout du moins qu’elle est loin de l’idéal de parent qu’elle aimerait être.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce ne sont pas forcément que des parents solos débordés, des parents d’enfants handicapés ou un phénomène qui a été accéléré par les différents confinements (ces derniers n’auraient d’ailleurs ni empiré ni diminué le phénomène). En réalité chacun peut en souffrir et se sentir défaillant dans son rôle de parent. Plus que la situation familiale c’est le fonctionnement au sein d’une famille (un conjoint investi, la relation avec ses enfants…) qui va jouer un rôle, mais aussi la personnalité, l’histoire personnelle ou encore la résistance au stress.
Des parents qui n’ont pas le droit d’avouer d’être à bout
Le burn-out parental se distingue du burn-out « classique », par le fait que l’on ne peut pas se couper de la source d’épuisement. On peut en effet prendre du recul, changer de travail, voire de carrière, mais il est bien plus compliqué de changer sa situation familiale ou de s’en distancier pendant quelques mois. Pourtant, malgré cela, il est tout à fait possible de s’en sortir et de développer d’autres stratégies.
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La première étape consiste à reconnaître qu’il y a un problème. Dit comme ça, cela paraît relativement simple sauf qu’admettre que l’on échoue dans son rôle de parent reste encore tabou et n’est avoué que du bout des lèvres.
A l’heure actuelle, il existe encore une injonction qui veut que si l’on a des enfants, on n’a qu’à les assumer. Encouragés par certains dictats sociétaux, les parents ont donc souvent l’impression qu’ils doivent être des parents parfaits en toutes circonstances et à chaque instant. Du coup, dès que l’on a une faille dans son rôle de parent, cela devient source de beaucoup de culpabilité et donc d’un certain repli sur soi. Or personne n’est parfait et chacun va, à un moment donné, avoir un moment de faiblesse. L’important n’est donc non pas d’être sans reproches, mais de parvenir à surfer sur les différentes vagues sans tomber au fond du trou. Tout comme comprendre pourquoi on est dans un tel état de fatigue psychologique est le principal moyen de s’en sortir, accepter qu’on n’est pas le parent que l’on aimerait être en est un autre.
Pour faire baisser la pression, il faudrait aussi agir au niveau sociétal pour déculpabiliser les parents et leur enlever ce sentiment de honte en communicant sur le sujet. Car- et c’est là l’un des principaux messages des chercheurs sur ce sujet- en parler, mettre des mots sur ce que l’on vit et être entendu dans ce que l’on dit sans être jugé peut vraiment faire la différence.
L’impact sur les enfants
Une autre chose qui distingue le burn-out parental du burn-out classique est qu’il ne touche pas que le parent. L’une des conséquences de cet épuisement psychique intense est que cela peut provoquer une certaine négligence envers son enfant, voire une certaine violence. Le parent qui souffre d’un burn-out parental peut en arriver à s’en prendre à l’enfant de façon verbale, mais aussi physique.
Par ailleurs, dans une dynamique familiale, lorsqu’un membre de la famille ne va pas bien, c’est tout le monde qui est impacté. « Souvent les enfants ont déjà beaucoup sur leur dos dans ce genre de situation. Ils vont chercher à protéger son parent ou sa fratrie. Des enfants qui prennent, par exemple, trop de responsabilités ou des charges ménagères, car l’un de ses parents est couché dans son lit. Ou encore des enfants qui sont soumis à des dialogues ou qui entendent des choses qu’ils prennent trop littéralement et qui peuvent être traumatisants ou stressants surtout si la situation perdure. Ce n’est donc pas seulement un équilibre personnel qu’il faut retrouver, mais aussi tout un équilibre intrafamilial. Il faut que chaque membre de la famille retrouve son rôle tout en rétablissant le dialogue implicite et explicite » selon Anne-Catherine Dubois.
Sans que le poids revienne sur les épaules des enfants, il peut être judicieux que celui-ci puisse interpeller le parent en lui disant de se poser ou de partager des moments simples qui rétablissent le lien. C’est aussi pour ça que l’enfant doit aussi être pris en compte dans la prise en charge du burn-out parental. Mais les parents qui culpabilisaient déjà ne s’autoflagellent pas davantage, les enfants ont plus de ressources que ce que l’on pourrait croire.
Beaucoup de parents en situation de burn-out cessent de travailler pour se libérer de l’espace mental et retrouver un certain équilibre, mais ce n’est pas toujours la solution. Il peut être plus judicieux d’essayer de prendre la distance par rapport à ses enfants et de se recentrer un peu plus sur soi-même pour essayer de comprendre comment on est arrivé là pour tenter mieux gérer ses enfants et sa propre vie. Là aussi l’exercice n’est pas simple puisque le burn-out parental est grande partie lié aux injonctions de la société et à la répartition des rôles qui est encore très genrée. Les femmes ont trop souvent l’impression de devoir cocher toutes les casses et 70% de la charge des soins de l’éducation de leur revient encore. Et si elles n’y parviennent pas, il s’en découle un important sentiment d’échec ou de culpabilité. On aurait cependant tort de croire que le burn-out parental n’est que l’apanage des mères. Des papas aussi peuvent en souffrir, cela concernerait même 1/3 burn-out parentaux. Les hommes prennent en effet de plus en plus leur place dans leur rôle de parent sans être pour autant « conditionnés » par leur éducation. Ces derniers apprennent encore trop souvent sur le tard et en le faisant. C’est aussi pour cela qu’une éducation moins genrée est importante et éviterait ce genre d’écueil.
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