Peut-on arriver à pardonner l’impardonnable ?
Pour le psychologue Gustave-Nicolas Fischer, le pardon recèle une «force thérapeutique essentielle». Mais il n’est pas simple de le faire éclore.
«On juge, on accuse, on condamne, mais on ne pardonne plus», constate le psychologue de la santé Gustave-Nicolas Fischer dans son essai Pardonner (1), plaidoyer pour élever le pardon au rang de «force thérapeutique essentielle».
Le mal subi, de surcroît quand il touche le corps lors de violences sexuelles ou de crimes contre l’humanité, provoque un traumatisme, source de rancune, de ressentiment et de haine. Pour le praticien, ces «verrous psychologiques» empêchent de se libérer et de se reconstruire. «La mémoire traumatique garde à vif ce vécu douloureux et émotionnel en transformant le présent en un terrain miné», écrit-il. Or, ces aspects des blessures psychiques sont peu traités dans les démarches de soin psychologique actuelles.
Gustave-Nicolas Fischer propose donc de développer une «psychologie du pardon». Il évoque les questions qu’elle implique. Pourquoi de tels processus traumatiques bloquent-ils au départ toute perspective de pardon? ; une demande de pardon de l’agresseur est-elle un préalable nécessaire à son octroi par la victime? ; faut-il taire ou oublier sa haine du bourreau pour autoriser le pardon?, etc. «Si la haine peut s’accompagner d’un plaisir illusoire comme la sensation de revanche, elle renvoie néanmoins à une impossibilité de résoudre de la sorte son mal existentiel, soutient l’auteur. Le travail sur la haine est libérateur: libérateur de son passé traumatique, libérateur de sa relation mortifère avec soi-même.»
On l’aura compris, Gustave-Nicolas Fischer voit dans le pardon un acte qui permet la reconstruction des victimes de violences, «le seul [remède] qu’[il a] trouvé efficace pour traiter la haine dans les expériences traumatiques». Selon lui, «ne pas pardonner, c’est rester enfermé dans sa malédiction de victime» ; «pardonner, c’est passer de la haine à sa propre délivrance». Mais, reconnaît-il, on ne peut exiger le pardon d’une victime.
Il a pourtant aussi des effets bénéfiques quand il est pratiqué comme «thérapie existentielle» face aux «petites blessures» de tous les jours, souligne l’auteur dans cet essai précieux qui aurait gagné à éviter les redites: «Le pardon se définit [alors] comme un apprentissage au quotidien d’une manière de vivre avec les autres, à travers laquelle on entre dans une pratique de bienveillance: être positif, être juste et vrai.» Les vertus du pardon sont donc multiples.
(1) Pardonner. Guérir des blessures de la vie, par Gustave-Nicolas Fischer, Odile Jacob, 240 p.
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