sucre
sucre © Getty

« Arrêter le sucre n’est pas du tout une question de volonté »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Le sucre est partout. Et ses ravages sont connus : diabète, maladies cardiovasculaires, caries, obésité… Mieux vaut essayer d’en ingurgiter le moins possible. « C’est une désintoxication similaire à n’importe quelle substance », déclare Isabelle Rome, nutrithérapeute.

A la base, le sucre est pourtant essentiel à la survie. Il appartient à la grande classe alimentaire des glucides. « L’amidon, par exemple, que l’on retrouve dans des pommes de terre et le pain, est un glucide. On les appelle glucides complexes, ce sont de grosses molécules. Il y a toute une série d’unités de glucoses reliées les unes aux autres, et ceux-là sont importants parce qu’ils sont une source d’énergie primordiale pour notre organisme« , explique Nathalie Delzenne, professeure de métabolisme et nutrition à l’UCLouvain.

Les sucres libres

Plus de 55% de notre énergie vient de ces glucides complexes. Les sucres sont une sous-classe des glucides alimentaires. Les recommandations sur l’apport en sucre visent les sucres libres. Selon la définition de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), les « sucres libres » sont les monosaccharides (glucose, fructose) et les disaccharides (saccharose ou sucre de table) ajoutés aux aliments et aux boissons par le fabricant, le cuisinier ou le consommateur, ainsi que les sucres naturellement présents dans le miel, les sirops, les jus de fruits et les jus de fruits à base de concentré.

Alors qu’elle s’élevait à sept ou huit kilos par an et par personne début du 20e siècle, la consommation de sucre peut en effet atteindre 85 kilos par an et par personne. En France, un enfant de 8 ans aurait déjà mangé plus de sucre que son grand-père au cours de toute sa vie.

Face à ce constat, l’OMS a tiré la sonnette d’alarme. Depuis 2015, l’Organisation mondiale de la santé recommande de « ramener l’apport en sucres libres à moins de 10% de la ration énergétique totale chez l’adulte et l’enfant. Il serait encore meilleur pour la santé de réduire l’apport en sucres à moins de 5% de la ration énergétique totale, soit à 25 grammes (6 cuillères à café) environ par jour ».

Le plus gros problème de notre régime occidental

La semaine dernière, le bioingénieur Eric De Maerteleir revenait sur l’importance de se sevrer de cette substance dans le quotidien De Morgen. Selon lui, la grande quantité de sucres ajoutés dans notre alimentation est de loin le plus gros problème de notre régime occidental. « En effet, tout le sucre que nous ne pouvons pas utiliser pour l’exercice ou pour réchauffer notre corps, nous le transformons en graisse. Surtout avec notre mode de vie sédentaire, nous n’avons absolument pas besoin de tous ces sucres. »

Aussi recommandait-il de tenter de se sevrer des sucres ajoutés en trois semaines, même si la première semaine est très pénible. « Les avantages sont énormes : vous vous débarrasserez de l’excès de graisse et vous vous sentirez beaucoup plus alerte et en forme. Il suffit d’avoir le courage de s’y mettre et de persévérer pendant un certain temps », déclarait-il.

Même si c’est physiquement possible, ce n’est malheureusement pas aussi simple de sevrer des sucres ajoutés, estime Isabelle Rome, nutrithérapeute et membre de l’UDNF (Union des Nutrithérapeutes Francophones). »C’est effectivement une désintoxication similaire à n’importe quelle substance. En sept à dix jours, le corps est désintoxiqué, mais il faut mettre des stratégies en place, car, après il y a la dépendance psychique et morale qui dépend de chaque individu. Cesser de manger du sucre n’est pas du tout une question de volonté. C’est une question d’outils alternatifs, et de personnes qui n’ont pas les outils nécessaires pour gérer leurs émotions et leur stress. C’est un cheminement qu’il faut les aider à parcourir », déclare-t-elle.

Se déshabituer du goût sucré

« Il ne faut pas supprimer totalement les sucres libres, mais il faut essayer de se déshabituer d’avoir un goût trop sucré. L’envie de prendre du sucré est provoquée par les lecture des récepteurs au niveau de la langue. C’est un mécanisme qui par le biais des connexions au cerveau, va donner une sensation de plaisir, de bien-être quand on ingère du sucre. Et donc actuellement, la population en mange beaucoup trop, car il y a énormément de denrées alimentaires et de boissons dans lesquels il y a du sucre ajouté », explique Nathalie Delzenne.

Elle conseille ainsi de préférer les fruits aux jus de fruits. « Il est clair que boire un verre de jus de pomme va beaucoup plus vite que de croquer une pomme. Et dans la pomme entière, il y a aussi la présence de fibres alimentaires qui vont limiter le passage de sucres de glucoses dans le sang et donc c’est mieux de manger un fruit que de boire un jus de fruits qui, lui, contient ces sucres libres » , conseille-t-elle.

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a moyen de se déshabituer au goût du sucre. « C’est comme pour le goût salé, on dit toujours que c’est très difficile de se passer de sel, mais si on diminue progressivement, nos récepteurs vont s’adapter et on va augmenter notre sensibilité au sucre. Moins on en prend, plus on est sensible à la présence de sucre dans l’alimentation, et donc on va se limiter au fur et à mesure qu’on diminue la charge en sucre, on va finir par être presque dégoûté quand on prend un aliment trop sucré et qu’on n’a plus l’habitude »

Eviter de donner du sucre aux enfants

Pour la professeure, il faut absolument éviter de donner du sucre aux enfants. « Si on donne des denrées ou des boissons sucrées aux enfants, ils ne mangeront plus que des aliments sucrés, et c’est ce qui crée la déviance industrielle, où pour que ça plaise aux gens, les aliments doivent avoir un goût sucré ». Ces dernier temps, l’industrie agro-alimentaire tente tout de même de réduire l’apport de sucre dans ses aliments. Fin septembre, la Maison Blanche a annoncé une série d’engagements pris par des entreprises et des ONG, destinés à enrayer à la fois la faim et l’obésité. Le géant de l’agroalimentaire Danone a ainsi promis de réduire la teneur en sucre des produits pour enfants.

Et remplacer le sucre par des édulcorants n’est pas la panacée non plus : les personnes consommant le plus d’édulcorants, notamment l’aspartame et l’acésulfame-K, ont un risque plus élevé de cancer, concluait une étude observationnelle française, publiée en mars par des chercheurs de différents instituts. Selon l’étude, les édulcorants artificiels, notamment aspartame, acésulfame-K et sucralose, sont associés à des risques accrus de maladies cardiovasculaires, cérébrovasculaires et coronariennes.

« Donnez plutôt la part belle aux aliments complexes, fruits, légumes etc. , même s’il y a une petite quantité de sucre dans les fruits, il n’y aura jamais de quantité complètement anarchique de sucre », recommande Nathalie Delzenne.

En Belgique, le ministre fédéral de la Santé publique Frank Vandenbroucke (Vooruit) travaille à une limitation de la publicité adressée aux jeunes, voire une interdiction, a-t-il annoncé en réaction à des chiffres publiés par le Conseil supérieur de la santé (CSS). Ceux-ci portaient sur le surpoids chez les enfants et les jeunes et l’inquiétude suscitée par la promotion de produits alimentaires non-sains.

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