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Akkermansia, la bactérie aux super pouvoirs: « Les effets sur la perte de poids ne sont pas prouvés »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

En septembre dernier, The Akkermansia Company, une spin-off de l’UCLouvain, lançait un complément alimentaire destiné à aider à contrôler le poids et à limiter certains facteurs de risques associés au diabète de type 2. Qualifié (de manière raccourcie) de pilule anti-obésité, le complément aide-t-il à perdre du poids ?

Fabriqué à base d’Akkermansia municiphila, une bactérie du microbiote intestinal découverte en 2004 à l’Université de Wageningen aux Pays-Bas, le produit est censé aider à gérer son poids et à maintenir un taux de glycémie normal.

« Concrètement, lorsqu’une personne en surpoids effectue un régime drastique, la période souvent critique est celle qui suit la perte de poids, soit la stabilisation. Le nouveau complément alimentaire permettra d’aider à contrôler cette stabilisation et à réduire les facteurs de risques de diabète de type 2 », explique l’UCLouvain dans un communiqué.

Au niveau mondial, l’obésité a presque triplé entre 1975 et 2020 dans le monde et touche une personne sur deux. 1,4 milliard de personnes âgées de 20 ans sont en surpoids et, d’ici 2030, 3,3 milliards de personnes devraient être atteintes. Les chiffres concernant le diabète de type 2 sont également en constante augmentation.

Le gardien de but de la barrière intestinale

Comme l’expliquait Patrice Cani (UCLouvain) en avril 2022, le professeur qui a identifié les pouvoirs de la bactérie, Akkermansia est en quelque sorte le gardien de but de la barrière intestinale. « Avant cette découverte, nous avions déjà constaté que la fonction barrière de l’intestin était altérée lorsqu’une personne était atteinte de diabète ou d’obésité, en quelque sorte la barrière était plus poreuse. Et grâce aux expériences en laboratoire, nous avons découvert que chez les animaux traités avec Akkermansia, leur barrière intestinale était renforcée, et donc, plus imperméable ».

« Si la barrière intestinale est diminuée, certains constituants peuvent passer comme des toxines bactériennes qui modifient le fonctionnement de nos organes. En diminuant la perméabilité de l’intestin à l’aide d’Akkermansia, le passage des toxines diminue et cela va de pair avec moins de gain de poids corporel, moins de masse grasse, un taux de sucre dans le sang plus bas », ajoutait-il.

« Pas particulièrement convaincante »

Ce mécanisme constitue-t-il une preuve de son efficacité thérapeutique? Pour l’organisation de consommateurs Testachats, l’étude citée par The Akkermansia Company n’est pas « particulièrement convaincante ». Seules 40 personnes y ont participé, un nombre trop peu élevé pour tirer des conclusions, estime Testachats.

Michael Oredsson, le CEO de l’entreprise, fait pourtant état de plus de 2 300 articles scientifiques consacrés à la bactérie. « Nous avons un ensemble de preuves assez conséquent. A l’heure où je vous parle, nous sommes en train de mener de nouveaux essais cliniques ». A cet égard, l’entreprise vient d’ailleurs de signer un accord de prêt d’amorçage investissement de 20 millions d’euros avec la Banque d’investissement européenne afin d’accélérer ses recherches sur la bactérie Akkermansia muciniphila.

« Bien entendu, chaque personne qui utilise le produit aura son propre avis sur son efficacité. Certains consommateurs nous font part de leur déception, mais nous avons également beaucoup de retours très positifs », ajoute le CEO.

Vendu au prix de 65 euros pour un traitement d’un mois, le complément Akkermansia favorise-t-il la perte de poids, oui ou non? « La bactérie joue un rôle dans tous les aspects favorables liés au microbiome, c’est-à-dire l’inflammation, le syndrome métabolique, la sensibilité à l’insuline, le comportement des cellules adipeuses, etc. Et les études démontrent que l’administration de la bactérie permet d’améliorer certains de ces mécanismes physiopathologiques », expose Luc Van Gaal, professeur en endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques à l’UZA (Hôpital universitaire d‘Anvers).

Pas suffisamment prouvés

Cependant, si la bactérie permet d’améliorer le microbiome, elle ne soignera pas les personnes obèses. « Les effets sur la perte de poids ne sont pas suffisamment prouvés. En outre, certaines personnes ont des attentes importantes par rapport à ce complément ». Pour le médecin, une personne qui a indice de masse corporelle (IMC) de 25 par exemple, peut très bien perdre quelques kilos en adaptant son alimentation saine et son hygiène de vie.

« Et pour les personnes obèses qui ont un IMC supérieur à 30 ou 35, il existe aujourd’hui d’autres approches pharmacologiques qui donne des résultats très positifs », conclut Luc Van Gaal.

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