Absentéisme et inflation: pourquoi les hôpitaux belges souffrent
Les hôpitaux belges ont vu leurs coûts fortement augmenter en 2023 en raison de l’inflation, selon un bilan financier établi par Belfius. Et le secteur souffre toujours plus d’un manque de personnel.
Sans surprise, le secteur hospitalier belge est en difficulté. C’est ce qui ressort de l’étude annuelle MAHA (Model for Automatic Hospital Analyses) de Belfius sur le financement des hôpitaux. Tous les hôpitaux généraux de Belgique sont confrontés à une augmentation de leurs coûts. On note tout de même, pour l’année 2023, un chiffre d’affaire global en légère hausse. «Le résultat de l’exercice (NDLR: bénéfice net après impôts) progresse de 37 à 82 millions d’euros, ce qui reste très peu (0,4 %) pour un chiffre d’affaires de 20,5 milliards d’euros», note Belfius dans son rapport.
Le secteur n’échappe pas aux conséquences de l’inflation, avec des hausses des prix de l’alimentation (+ 10,3% des dépenses en 2023), de l’énergie et surtout des frais de personnel. La facture énergétique a provoqué une hausse des dépenses de 59%. Par rapport à 2021, elles ont grimpé de pas moins de 165%. Les dépenses pour l’achat de produits pharmaceutiques ont quant à elles grimpé de 11,2%.
En 2023, les hôpitaux généraux ont consacré près de 9 milliards d’euros à la rémunération de leur personnel – en vertu de l’indexation automatique des salaires – soit une augmentation de 6,6%. Et d’après les prévisions, il faut s’attendre à une hausse de 5,3% en 2024. La rétribution des médecins a augmenté de 11,3 % entre 2022 et 2023 (4.902 millions d’euros).
Une hausse de l’absentéisme
Rien de nouveau sous le soleil, les hôpitaux manquent également de soignants. Actuellement, 108.137 personnes (Equivalent Temps Plein) sont employées par les hôpitaux (personnel soignant, administratifs et médecins confondus). Soit 6.678 de plus qu’en 2019. Mais cela ne compense pas la pénurie de soignants, qui oblige les hôpitaux à fermer des lits et des services. D’autant qu’en 2023, cette croissance s’est ralentie, avec « seulement » 1.211 collaborateurs supplémentaires (ETP). Seuls 497 d’entre eux travaillent dans les soins. A noter que les hôpitaux belges comptent 4.000 postes vacants, dont 2.700 pour le personnel soignant.
L’étude note aussi un absentéisme pour maladie élevé parmi le personnel soignant. Un phénomène qui touche toute la société, mais qui est plus marqué dans le secteur hospitalier. Selon les estimations de l’enquête, il a augmenté de 12,2% depuis la crise du Covid. Pour plus de 4%, il s’agit d’un absentéisme de longue durée. «Le personnel soignant a davantage recours à des congés maladies car, depuis la crise sanitaire, même un rhume peut être dangereux pour les patients: ça peut être le Covid. Avant, les médecins pouvaient venir travailler en étant enrhumés, mais plus maintenant», explique le Dr Philippe Devos, président de l’Unessa. «C’est aussi un métier physique et pénible: on peut certes travailler malade derrière un ordinateur, mais pas dans un hôpital»
Sans compter que les conditions de travail, déjà pénibles, se sont aggravées depuis la crise sanitaire. «Les soignants en ont davantage ras-le-bol et lâchent plus facilement l’affaire. Ils sont aussi moins investis qu’avant. Ce n’est plus une vocation», avance le Dr Devos.
Une pénurie de soignants aggravée par la crise du Covid
Quant à la pénurie globale de soignants, le président de l’Unessa suppose que le métier ne séduit plus assez les jeunes, qui optent «pour d’autres choix de carrière. Le Covid les a dégoutés, ils ne sont pas assez motivés par les conditions de travail pénibles et le salaire». Juan Lada, porte-parole d‘Union4U, le syndicat autonome belge des praticiens de l’art infirmier, fustige également l’allongement des études d’infirmier. En 2016, la durée du cursus est passée de 3 à 4 ans, ce qui a entraîné une baisse des inscriptions. En Wallonie et à Bruxelles, 3325 étudiants s’étaient inscrits pour la première fois en soins infirmiers en 2014. Ils n’étaient plus que 2556 en 2021, selon les chiffres de l’ARES cités par la RTBF.
Mais le syndicaliste refuse de parler de «pénurie». «Ce n’est pas le bon terme. On manque de soignants car les conditions de travail sont trop difficiles et qu’ils ne restent pas, mais pas parce qu’il n’y a pas assez de diplômés pour l’instant», martèle-t-il. «Historiquement, c’est une profession qui est exercée pendant 7 ans environ», avance l’infirmier. «Le critère numéro un pour lequel les soignants abandonnent, c’est la pénibilité, pas le salaire. Et depuis le Covid, c’est pire».
Autre constat, les hôpitaux font de plus en plus appel à des intérimaires. En 2023, 2.400 ETP intérimaires ont été engagés, parmi lesquels 86 % de soignants. Juna Lada y voit encore la conséquence de la pénibilité du travail: «Les gens préfèrent être en intérim pour avoir un horaire à la carte, moins conséquent».
Dès lors, comment redonner aux soignants l’envie d’avoir envie? «Ce n’est pas à coup de campagne publicitaire vantant la vocation que ça va marcher», critique Juan Lada. La profession souhaiterait être reconnue sur la liste des métiers pénibles. «On coche tous les critères: charge physique et psychologique, manipulation de produit toxiques, horaires irréguliers», énumère le syndicaliste. Exercer un métier pénible octroie un droit à la pension anticipé en Belgique. «Il ne faut pas oublier que le système de soins est basé sur les soignants. Sans nous, ça ne marche pas», conclut l’infirmier.
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