Comment les riches et grandes familles belges s’entretiennent
Avec une opulence de détails et d’anecdotes, le «PTBiste» Marco Van Hees fait visiter les hauts lieux du grand capital belge. Suivez le guide…
Le titre invite au départ d’un périple exotique, à l’instar des opuscules de la famille Gloaguen qui ont accompagné des millions de routards européens depuis près de 50 ans. Sauf qu’ici, ce n’est pas sac au dos que Marco Van Hees a parcouru la Belgique pour écrire Le Guide du richard (1), mais plutôt la loupe à la main. Ce spécialiste de la fiscalité au PTB, fonctionnaire des Finances avant de devenir député fédéral, scrute de près, et depuis longtemps, les familles les plus riches de la noblesse et de la grande bourgeoisie belges. Guide oblige, chaque chapitre démarre en un lieu géographique: le parc de Bruxelles, le palais de justice, le domaine d’Argenteuil, le centre diamantaire anversois, Le Zoute, le boulevard des Mulliez (propriétaires de Auchan, entre autres) à Néchin, en Wallonie picarde…
Certains de ces lieux sont directement liés à de puissantes familles belges, comme Gerpinnes pour les Frère ou Wespelaer pour les de Spoelberch. D’autres sont plus partagés, comme le palais de justice, place Poelaert, où «le riche est cru, le pauvre cuit», qui permet de revenir sur de célèbres dossiers, comme celui du milliardaire belgo-kazakh Patokh Chodiev, qui avait bénéficié d’une transaction pénale, ou l’affaire Riga, du nom de cet agent de change qui avait abattu le jeune Nicolas Vander Stukken le jour de la fête des pères en 1999, parce que celui-ci avait eu l’outrecuidance de s’aventurer sur son domaine de 33 hectares. Le riche meurtrier s’était vu proposer un travail d’intérêt général avant que la presse s’en mêle et que le dossier aboutisse finalement devant un jury d’assises.
«C’est le rapport même à la norme, et son irrespect, qui distinguent la classe dominante.»
Si l’ouvrage de Marco Van Hees prend un angle parfois historique, c’est pour mieux comprendre cet entre-soi de classe que cultivent les familles riches du royaume et donc «ce temps long de la prédation des richesses et des pouvoirs afin d’empêcher tout ruissellement vers la classe laborieuse», selon les termes de la sociologue française Monique Pinçon-Charlot qui préface le livre.
L’impôt, qui «constitue un marqueur typique des privilèges» selon l’auteur, fait logiquement aussi partie du voyage au cœur du capitalisme belge. «Plus fondamentalement, c’est le rapport même à la norme, et son irrespect, qui distinguent la classe dominante», note Marco Van Hees dans son introduction, avant de rappeler cette citation du Chat de Geluck: «Quand un pauvre vole un riche, ça s’appelle un délit. Quand les riches volent les pauvres, ça s’appelle un système économique.» Une parole féline qui résume bien la démonstration à la fois scrupuleuse et irrévérencieuse de l’ancien élu communiste.
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