Revoir le financement des cultes? « La Belgique devrait d’abord se mettre en conformité avec le droit »
Une révision du mode de financement des cultes toucherait également le réseau de la laicité organisée. Pour Benoît Van der Meerschen, secrétaire général du Centre d’action laïque (CAL), ce qui doit surtout être amélioré, c’est le cadre et la clarté des dispositions organisant ce financement.
Que vous inspirent ces nouvelles révélations sur les abus sexuels dans l’Eglise?
Ce que nous avons appris au travers du documentaire Gotvergeten est d’une horreur absolue. Cela confirme ce qui m’était déjà apparu lorsque je militais dans les associations de défense des droits humains: les violations de ces droits se nourrissent avant tout du silence. Il faut faire toute la lumière sur ces nouveaux faits car les travaux parlementaires menés lors de la première commission n’ont visiblement pas suffi.
Ce qui me surprend quand on évoque la mise sur pied de cette nouvelle commission à la Chambre, c’est qu’on se focalise avant tout sur le bon déroulement des enquêtes pénales, en s’attardant sur l’opération Calice (NDLR: enquête judiciaire débutée en 2010), et sur les conséquences des abus sur les victimes, et puis seulement sur le rôle de l’Eglise. J’entends qu’on s’indigne que certains évêques bannis touchent une retraite, mais aucune proposition de réformer le financement des cultes n’est sur la table à la Chambre.
Benoît Van der Meerschen «Dans un Etat de droit, seule une allocation des fonds qui tient compte de la réalité a du sens.
Cela pourra être abordé lors des débats ou dans les recommandations finales…
En tout cas, ce débat doit avoir lieu. L’an dernier, on a assisté à un véritable séisme. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Belgique dans le cadre d’une action menée par des Témoins de Jéhovah qui réclamaient pour l’un de leurs bâtiments bruxellois une exonération du précompte immobilier, exonération dont bénéficient les cultes reconnus et la laïcité. Dans son arrêt, la Cour leur a donné raison.
On a donc là une poignée de requérants qui, en une action, carbonisent le processus actuel de reconnaissance d’un culte ou d’une association philosophique non confessionnelle. En réalité, les conditions de cette reconnaissance ont été précisées il y a bien longtemps en réponse à une question parlementaire et synthétisées dans un onglet du site du ministère de la Justice. La CEDH a estimé qu’il n’existe aucune sécurité juridique permettant le plein exercice de l’article de la Convention des droits de l’homme qui protège la liberté de convictions, y compris des convictions religieuses.
En effet, dans la situation actuelle, les personnes qui souhaitent entamer des démarches ne savent pas précisément quels sont les critères de la reconnaissance, dans quels délais elles obtiendront une réponse, ni à qui s’adresser en cas de refus.
La Cour ne remet pas en question la légitimité du principe de financement des cultes et de la laïcité, ni du partage des moyens alloués mais elle estime que les concernés doivent savoir exactement à quoi s’en tenir. Le gouvernement belge a répondu qu’il élaborerait un projet de loi. Cette discussion doit avoir lieu pour que la Belgique se mette en conformité avec la jurisprudence de la CEDH qui l’a condamnée sur cet aspect. Un autre débat, qui se tient surtout au nord du pays, pourrait précipiter les choses: celui de la régionalisation de la justice. Si on défédéralise, la question du financement des cultes et de la laïcité se posera inévitablement. Celui aussi de la reconnaissance du bouddhisme.
Si j’étais parlementaire, reconnaître les bouddhistes sur la base d’une procédure carbonisée par la CEDH me paraîtrait délicat. Enfin, se pose aussi la question de l’attribution de l’argent public à des structures qui ne respectent pas l’égalité hommes-femmes.
Si le financement devait être réformé, quel serait le système le plus équitable?
Le seul système qui ait du sens dans un Etat de droit est une allocation des fonds qui se ferait de manière respectueuse et en tenant compte de la réalité. Or, les chiffres montrent qu’il existe une surreprésentation d’un culte par rapport aux autres, ce qui ne correspond pas à la réalité sociologique de 2023. Après les attentats de Bruxelles, Charles Michel a réuni les cadres des cultes et de la laïcité et a créé un organe, le Conseil du dialogue, pour discuter des phénomènes de société et prendre connaissance des avis des uns et des autres. Une déclaration de principe avait été adoptée.
Il serait intéressant, avant toute reconnaissance, que chacun puisse confirmer qu’il adhère bien à cette déclaration de principe et aux valeurs universelles que sont la liberté d’expression, la liberté de culte et de conscience, la séparation entre l’Eglise et l’Etat, l’égalité homme-femme et la non-discrimination. Ce serait, a minima, un gage de sécurité pour éviter que l’un ou l’autre ne s’éloigne de ces principes.
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