
Voici les meilleurs prétendants à la succession du pape François
Vu la composition du conclave, le 267e pape de l’histoire devrait rester dans la lignée de François. Mais la surprise est souvent au rendez-vous.
Même si les candidatures ne se déclarent jamais, les prétendants potentiels sont nombreux pour prendre la tête de l’Eglise catholique à l’issue du conclave convoqué début mai. Après le Sud-Américain Jorge Bergoglio, cela pourrait être le tour d’un Africain, d’un Asiatique, d’un Européen voire d’un Nord-Américain. Mais ce sera moins une question de géographie que de profil, conservateur ou progressiste, théologien ou pasteur, et surtout apte à unifier l’Eglise dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes.
Tout homme baptisé peut prétendre à la fonction, mais c’est toujours parmi les cardinaux qu’est choisi le nouveau souverain pontife. Parmi les 252 membres du Collège cardinalice (dont les Belges Jozef De Kesel, précédent archevêque de Malines-Bruxelles, et Dominique Mathieu, archevêque de Téhéran), seuls 135 auront le droit de vote, car aucun cardinal âgé de plus de 80 ans ne peut prétendre à la fonction. Et parmi ces 135 cardinaux, 102 ont été nommés par le pape François…
«Il est presque impossible de déterminer qui sera le prochain chef de l’Eglise car la diversité des profils est très grande, souligne Emmanuel Van Lierde, auteur de Le Pape François, le révolutionnaire conservateur (Editions jésuites, 2023), et qui l’a rencontré à douze reprises. Ces cardinaux, que François est parfois allé chercher au bout du monde, se connaissent peu. Ils n’ont guère eu l’occasion de se rencontrer ces dernières années, notamment à cause du Covid. Lors du synode en octobre, seuls 60 avec droit de vote étaient présents.»
Depuis la Seconde Guerre mondiale, des papes fort différents se sont succédé au Saint-Siège. «Je ne pense pas qu’on découvrira un « François II » avec les mêmes priorités, tient à préciser Emmanuel Van Lierde. Mais, compte tenu de la composition du conclave, on ne devrait pas retourner vers un pontificat ultraconservateur au style baroque comme celui de Benoît XVI, avec tous ses ornements, parce que des voix s’élèveraient pour crier à la trahison, non seulement du pape François, mais surtout de l’Evangile et de Jésus.»
Le scrutin se tiendra dans la chapelle Sixtine à Rome, à huis clos, sans aucune communication vers l’extérieur, pour éviter toute influence délétère. Une fois les votes dépouillés, le résultat sera annoncé avec le fameux déclenchement d’une fumée blanche –ou noire, tant qu’aucun nom n’obtient plus des deux tiers des votes–, visible depuis la place Saint-Pierre. La proclamation «Habemus papam!», depuis le balcon de la basilique, clôturera le scrutin. Qui émergera parmi les «papabile»?
Parmi les 135 cardinaux en droit de voter, 102 ont été nommés par le pape François.
Un Européen?
Depuis Albino Luciani, qui prendra le nom de Jean-Paul Ier, décédé en 1978 un mois à peine après son entrée en fonction, plus aucun Italien n’est devenu évêque de Rome, cet autre titre du pape. Cette fois, trois noms reviennent avec insistance: tout d’abord, le cardinal Pietro Parolin, 70 ans, secrétaire d’Etat du Vatican, et donc considéré comme le numéro deux du Saint-Siège. Fin diplomate, parfois effacé, il est décrit comme un homme de compromis, et la solution si aucun autre nom ne fait consensus.
L’archevêque de Bologne, Matteo Zuppi, est également cité: ce progressiste de 69 ans est connu pour son engagement envers les migrants et les droits des LGBT. Il pourrait prendre la suite des réformes du pape François, dont il a été l’envoyé spécial pour la paix entre la Russie et l’Ukraine. «Don Matteo» a découvert sa vocation au sein de la communauté de Sant’Egidio, à Rome, laquelle est aussi active en Belgique. Il est connu dans les milieux diplomatiques pour son rôle dans des médiations pour la paix en Afrique, notamment au Mozambique et au Burundi.
Sans doute trop jeune pour devenir pape –il n’a «que» 59 ans–, le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa, figure malgré tout sur la liste. Ce grand connaisseur du Moyen-Orient est intervenu en faveur de la paroisse catholique de Gaza, au nord de l’enclave, qui a connu son lot de victimes et de dégâts matériels. Il a veillé à ce que de l’aide humanitaire parvienne à tous les bénéficiaires de la paroisse, sans distinction de religion. Quand les bombardements ont débuté, la communauté a reçu tous les jours un appel du pape François, qui tenait à la soutenir. Dans son ultime message le jour de Pâques, François a évoqué une nouvelle fois «les chrétiens de Gaza».
Les médias français se plaisent, eux, à souligner les chances de Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, et président de la conférence épiscopale de France. Né en Algérie en 1958, ce diplômé de grec, d’hébreu et de théologie est resté dans le sillage de François sur l’ouverture aux migrants. C’est lui qui a accueilli le souverain pontife à Marseille à l’été 2023.
Parmi les outsiders européens, on trouve des conservateurs comme le premier cardinal suédois de l’histoire, l’évêque de Stockholm Anders Arborelius, 75 ans, très investi dans le dialogue œcuménique, le cardinal néerlandais Wim Eijk, 71 ans, qui s’est fermement opposé à l’approbation par François des remariages civils dans le cas où le premier mariage n’a pas été annulé, ainsi que le cardinal hongrois Péter Erdo, 72 ans, qui avait comparé l’arrivée de migrants en 2015 à une «invasion».
Un Asiatique?
Grégoire III (731-741), originaire de Syrie, fut le dernier pape non européen avant… François. Et si c’était le tour de l’Asie? «C’est sur ce continent que l’Eglise trouve sa pleine croissance», pointe Emmanuel Van Lierde. Notamment aux Philippines. Ainsi, le cardinal Luis Antonio Tagle, ancien archevêque de Manille, s’avère, comme Matteo Zuppi, un progressiste proche des idées de François. Agé de 67 ans, ce théologien est apprécié pour son engagement social auprès des plus démunis. Il est aussi un bon communicant, actif sur les réseaux sociaux.
«Je pense aussi à Pablo Virgilio « Ambo » David (NDLR: également philippin), récemment nommé, et qui a étudié la théologie à Louvain, poursuit Emmanuel Van Lierde. Il s’est courageusement opposé à l’impitoyable guerre contre la drogue (NDLR: avec ses milliers d’exécutions extrajudiciaires) menée par l’ancien président Rodrigo Duterte. Dans beaucoup de pays d’Asie, les chrétiens sont en danger, notamment en Birmanie, et la liberté religieuse est un marqueur important. Deux autres raisons de tourner le regard vers l’Asie, c’est la Chine, ce territoire à défricher, ainsi que la tenue des prochaines Journées mondiales de la Jeunesse en Corée du Sud, en 2027.»
L’archevêque de Tokyo Tarcisio Isao Kikuchi tiendrait également la corde. Actuel président de Caritas Internationalis, il a exercé comme missionnaire au Ghana, et a travaillé dans un camp de réfugiés à Bukavu après le génocide au Rwanda: «Une expérience sur plusieurs continents, dans ce monde globalisé et avec une situation géopolitique instable, c’est sûrement un atout pour recueillir les deux tiers des votes», résume Emmanuel Van Lierde, qui donne l’exemple similaire de l’Espagnol Cristóbal López Romero, archevêque de Rabat et auparavant missionnaire en Amérique latine.
«Un pape noir, signe d’un progrès? Ses choix politiques ne le seraient pas.»
Un Africain?
Deux Africains se détachent, mais dont le profil très conservateur risque d’être davantage un handicap qu’un atout. Ainsi, le Guinéen Robert Sarah représente une figure doctrinale de premier plan, très influente sur le continent. Ce grand défenseur du célibat des prêtres, thème brûlant de l’Eglise, s’est opposé à François sur de nombreux sujets comme l’immigration. Bien qu’il soit à la retraite, il reste «papabile» car il n’aura 80 ans que le 15 juin 2025.
Un autre prétendant est l’archevêque de Kinshasa, Mgr. Fridolin Ambongo Besungu. Ce capucin de 65 ans, conservateur lui aussi, a fait parler de lui en rejetant la déclaration du Vatican, publiée fin 2023, sur la possibilité de bénir les couples de même sexe. «Dans notre contexte, cela causerait de la confusion et serait en contradiction directe avec l’éthique culturelle des communautés africaines», avait-il déclaré au nom du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, qu’il préside toujours.
«De nombreux étrangers pourraient trouver avec un pape noir le signe d’un progrès, mais ses choix politiques ne le seraient certainement pas, note le professeur Rik Torfs (KU Leuven) dans Het Laatste Nieuws. Peter Turkson, du Ghana, est un homme brillant, et son nom circule dans les médias catholiques conservateurs, mais lorsque l’Union européenne a commencé à soutenir un centre pour personnes transgenres dans son pays, il a protesté avec véhémence. De plus, plusieurs cardinaux africains, inspirés par les troubles dans leurs pays d’origine, sont ouvertement anti-islamiques. Cela représente également une difficulté pour leurs candidatures.»
Dans ce processus de vote parmi les plus secrets au monde, les bookmakers jouent une partie compliquée. «Qui entre pape au conclave en ressort cardinal», dit l’adage. En 2013, l’Argentin Jorge Bergoglio n’était pas attendu… et il est ressorti pape. Le conclave s’ouvrira entre le quinzième et le vingtième jours après le décès du pape, soit entre le 6 et le 11 mai. Les funérailles de François, elle, se tiendront le samedi 26 avril à 10 heures.
F.J.O.
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