Gabriel Ringlet recourt à un «journalisme de la parabole» pour redessiner le portrait de Jésus
Dans son nouveau livre, le théologien et écrivain Gabriel Ringlet fait redécouvrir l’Evangile au départ d’un film, d’une chanson, d’un fait divers. Un parcours poétique et mouvementé.
Composé d’une soixantaine d’histoires courtes, La Blessure et la grâce (1), le nouveau livre de Gabriel Ringlet, croise l’actualité très concrète et l’imaginaire. Le théologien et écrivain pratique ce qu’il appelle le «journalisme de la parabole»: au départ d’un film, d’une chanson, d’un fait divers, il revisite l’Evangile pour «rendre vivantes ses couleurs». De récit en récit, il dessine un portrait personnel de Jésus. «Les paraboles du Nazaréen font penser à des billets d’humeur de journaliste, estime l’auteur. Il a un sens aigu de l’observation.»
Gabriel Ringlet accompagne depuis plusieurs décennies des personnes en fin de vie. Jour après jour, il est confronté à des appels au secours. Des parents lui écrivent pour lui parler de leur fils qui se bat contre la récidive de sa tumeur cérébrale. Une amie lui confie la souffrance dans laquelle elle se trouve enfermée avec son mari atteint de la maladie de Parkinson. Une maman lui crie son impuissance et sa solitude face à la maladie dégénérative de sa fille, de plus en plus paralysée. Une autre appelle, affolée par la demande de son fils de 26 ans, garçon surdoué et hypersensible. Après de nombreuses séances chez le psy, la cocaïne et l’hôpital psychiatrique, il ne voit plus qu’une porte de sortie, l’euthanasie. Sinon, il se suicidera, dit-il.
« Texte poétique qui aide à vivre, l’Evangile n’est pas achevé. Chacun, croyant ou non, peut s’en emparer, le réinventer ».
«Ma consœur Marie Cénec, pasteure à Genève, reçoit elle aussi de telles gifles, signale le prêtre. Elle se demande comment aider les personnes blessées à vie, brisées, secouées de larmes. Elle appelle à faire preuve d’“espérance chronique face à la maladie chronique”, à trouver des mots qui fissurent la violence du traumatisme. Du fond de la nuit peut naître la joie. On peut, sans forcer, faire d’une blessure profonde une grâce.»
Qu’aurait fait Jésus? «Après un long silence où il passait son temps à travailler le bois, à équarrir les charpentes, il n’arrive plus à contenir sa tendresse, raconte Gabriel Ringlet. Alors, il la projette sur les corps blessés, sur les âmes tourmentées. Le rabbi-poète de Nazareth, qui ne respecte pas les règles sanitaires de son temps, s’approche, touche, caresse, serre dans ses bras. Il refuse de s’accommoder de la blessure, l’apaise, en fait une grâce.» La conviction de l’auteur est que l’Evangile n’est pas achevé, que chacun, croyant ou non, peut s’en emparer, le réinventer: «Le philosophe André Comte-Sponville affiche des positions athées, mais avoue lire l’Evangile tous les jours. Ce texte poétique peut nous aider à vivre, à nous redresser.»
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