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Réforme des congés parentaux version «sac à dos»: «L’Arizona n’a pensé qu’aux familles stéréotypées»
La réorganisation des congés parentaux dans un «sac à dos» lié à l’enfant interroge. Sur certains aspects, elle pourrait mettre fin à des situations inégales. Sur d’autres, elle risque d’en créer ou de les amplifier.
L’accord de gouvernement prévoit plusieurs changements significatifs pour l’organisation familiale. L’une des mesures concerne les congés parentaux. A l’avenir, chaque enfant devrait recevoir ce que l’Arizona appelle un «sac à dos» de droits de congés, dans lequel sont rangés les congés existants liés à la naissance et aux soins ultérieurs de l’enfant (maternité, paternité, coparentalité, congé parental et crédit-temps). Ce système de crédit familial prévoit également de nouvelles modalités, telles que la prise de congés par les grands-parents et la stimulation de la prise de congé par les deux parents.
Pour les enfants n’ayant plus qu’un seul parent, ce dernier aura droit à l’intégralité du «sac à dos». Le crédit familial sera également rendu possible pour les parents d’accueil, tout en respectant le cadre budgétaire actuel.
L’idée, telle que décrite dans l’accord de gouvernement, est que chaque parent puisse s’occuper de son enfant. Et que celui qui souhaite assumer des tâches familiales puisse avoir toutes les possibilités de le faire.
Ce crédit familial viendra également harmoniser les différents systèmes existants, sans distinction entre les statuts (salarié, indépendant ou fonctionnaire). Il mettra donc fin à certaines inégalités.
(Suite de l’article sous l’infographie)
Les congés sac à dos: «Poussés au fond du trou»
Des mesures qui viendront soutenir les parents en difficulté et faciliter l’organisation familiale? La Ligue des familles n’y croit pas une seconde. Dans un communiqué, l’organisme critique vertement les mesures annoncées: «Alors que le gouvernement a voulu donner le signal qu’il soutenait les travailleurs, la Ligue des familles constate au contraire que les parents qui travaillent seront mis en encore davantage sous pression. Pour les parents les plus en difficulté, qu’ils soient malades, en recherche d’emploi, avec enfants en situation de handicap ou venus chercher l’asile en Belgique, c’est la double peine: loin de remédier à leurs difficultés, l’Arizona les pousse un peu plus au fond du trou».
Au sujet des congés liés à l’enfant, La Ligue estime que la réforme des congés familiaux (maternité, paternité, congé parental…), fusionnés dans ce «sac à dos» unique, ne garantit pas le maintien de la durée et de la rémunération de ces congés.
«On a l’impression que les négociateurs n’ont pas pris la mesure des difficultés et des défis des parents. Au contraire, ils leur mettent encore davantage des bâtons dans les roues. On connaît les enjeux budgétaires, mais c’est une erreur de calcul: ça mènera à plus d’arrêts de travail, moins d’emploi des femmes, plus de pauvreté. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour faire grandir des enfants.»
Si un employeur a le choix entre engager une maman solo ou celle qui pourrait partager ce captial de jours de congés avec son conjoint, qui va-t-il choisir?
Jean-François Husson
Professeur
Une position que partage en partie Jean-François Husson, qui donne cours de politiques familiales à l’UCLouvain. «Les négociateurs ont passé beaucoup de temps sur ce volet. Au final, on se retrouve avec un texte qui donne peu de précisions sur la mise en œuvre concrète de la mesure. Cela donne une impression de bricolage alors qu’il y a pourtant quelques bonnes idées, comme le fait d’octroyer les mêmes droits aux personnes qui ont des statuts professionnels différents».
Le professeur de l’UCLouvain s’interroge notamment sur les répercussions pour les parents solos ou qui occupent des emplois moins stables. «Si un employeur a le choix entre engager une maman solo ou celle qui pourrait partager ce captial de jours de congé avec son conjoint, qui va-t-il choisir? Si on réfléchit à ces cas particuliers, on comprend alors toute la limite du système. A cela s’ajoute le fait qu’il existe de plus en plus de carrières mixtes et de flexijobs, ce qui oblige le parent à composer avec plusieurs employeurs. L’accord de gouvernement donne vraiment l’impression que ces mesures ont été uniquement conçues pour les personnes qui prestent un temps plein chez un seul employeur. Et selon le schéma stéréotypé « papa-maman et les deux enfants », un peu comme c’était le cas avec les mesures prises pendant le Covid».
Le fait de regrouper les congés dans ce «sac à dos» familial, souligne encore Jean-François Husson, va à contre-courant de la tendance actuelle à l’individualisation des droits, ce qui permet dans certaines situations de lutter contre certaines inégalités et certains abus, comme c’est le cas en matière d’allocations sociales et de logements fictifs. Il faudra donc rester vigilant aux éventuelles dérives que cette approche moins individuelle en matière de congés parentaux pourrait provoquer.
Selon le dernier rapport de l’Onem, le nombre d’allocations d’interruption pour congé parental s’est établi à une moyenne mensuelle de 101.774 en 2024, contre 93.876 en 2023. Les mois les plus importants ont été août (111.745 allocations), juillet (109.621) et avril (102.370).
Le congé parental a d’ailleurs continué à augmenter en décembre avec une croissance annuelle de 6,3%. Cette progression est particulièrement importante chez les hommes, en hausse de 9,6%. Le congé parental est une forme spécifique d’interruption de carrière qui permet de suspendre ou de réduire temporairement ses prestations pour s’occuper de son ou ses enfants. Durant cette interruption, le travailleur peut obtenir une allocation, payée mensuellement par l’Onem.
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