A travers Nestor Burma, héros des années 1990, la recherche du père. © belgaimage

Quand la quête du père nourrit la nostalgie des années 1990

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Samuel Dufay rêve d’une époque où la France était plus conviviale et plus secrète, celle où son paternel, journaliste comme lui, était respecté.

Au commencement de la lecture du premier livre de Samuel Dufay, journaliste à l’hebdomadaire Le Point, on est embarqué dans ce que son titre dit de lui, un Plaidoyer pour le rêve (1). Par rêve, l’auteur entend «de la délicatesse, de la suggestion – en un mot, de la poésie». Or, ces vertus, il n’en trouve plus guère trace dans l’époque actuelle. Samuel Dufay rêve donc du passé, dans «une France d’avant le numérique, plus conviviale et plus secrète», et il s’en trouve heureux. «Ce goût de la divagation, de la fuite, du refus du réel, je le connais bien. Il me manquera toujours la rectitude qui conduit les esprits cartésiens. Cette tare me rend la vie plus douce

Il me manquera toujours la rectitude qui conduit les esprits cartésiens.

D’un plaidoyer pour le rêve, on vire alors à une ode aux années 1990 et à un hommage au père de l’auteur qui, à l’époque, était sans doute au faîte de sa carrière de… journaliste au Point, avant de passer à L’Express deux ans avant son décès, fauché par un chauffard, à 46 ans seulement. Né en 1995, Samuel Dufay n’a pas vraiment connu cette décennie. Il la découvre à travers une étonnante passion pour la série télévisée Nestor Burma, diffusée entre 1991 et 2003 et tirée de l’œuvre de l’écrivain Léo Malet, avec comme héros Guy Marchand en détective privé.

(1) Plaidoyer pour le rêve, par Samuel Dufay, Grasset, 96 p.
(1) Plaidoyer pour le rêve, par Samuel Dufay, Grasset, 96 p. © National

Le feuilleton, comme on disait alors, amène Samuel Dufay à redécouvrir le Paris dont il rêvait «quand il souffrait dans sa colonie juive et socialiste» fréquentée le mois de juillet, le Paris d’une vie heureuse aux côtés de ses parents, de son frère et de sa sœur. A travers cette déambulation dans la capitale, l’auteur fait revivre «la France des églises, des humanités grecques et latines», celle aussi des souverainistes mesurés que furent Philippe Séguin, à droite, et Jean-Pierre Chevènement, à gauche, et surtout, la France où la presse écrite était encore prospère et vénérée. Aujourd’hui, «dans la rue, je m’étonne parfois de croiser un jeune homme, ses quotidiens et ses revues sous le bras – mais c’est mon reflet que je vois dans la vitre».

Samuel Dufay enjolive le passé. Il reconnaît, certes, des vertus aux avancées technologiques. Mais son penchant conservateur n’aide pas à une insertion harmonieuse dans le présent. L’intérêt de son livre réside donc surtout dans cette quête éperdue mais inassouvie d’un père, devant lequel, au moment d’essayer de le raconter, il a l’impression de se heurter encore à un mur. Qu’est-ce qui le faisait courir? Qu’est-ce qui fait courir aujourd’hui son fils?

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