Pourquoi les communes accordant le plus de revenus d’intégration sociale ne sont pas toujours les plus défavorisées (carte interactive)
Si les CPAS accordent généralement beaucoup de revenus d’intégration sociale dans les communes les plus défavorisées, certaines réputées plus nanties ne sont parfois pas épargnées. Voici pourquoi.
C’est l’une des principales causes de difficulté budgétaire des communes. Lorsqu’une part significative de leurs habitants ne dispose d’aucune source de revenus, leurs CPAS doivent accorder un grand nombre de revenus d’intégration sociale (RIS) afin de les aider. Ce qui plombe leurs finances. Inversement, plus le niveau de vie des habitants d’une commune est aisé, moins elle aurait donc besoin d’accorder de RIS.
Globalement, les statistiques le confirment. La carte du nombre de bénéficiaires du RIS par commune se superpose assez bien à celle du pourcentage de la population communale exposée à un risque de pauvreté. Sans surprise, les communes flamandes accordent en moyenne beaucoup moins de RIS que les wallonnes et bruxelloises (voir la carte ci-dessous).
Quand le CPAS rechigne à accorder un RIS
Mais dans le détail, plusieurs discordances apparaissent entre les deux cartes. Anvers, par exemple, est la commune de Flandre où le risque de pauvreté est le plus important, mais n’est pas l’endroit où le nombre de RIS est le plus élevé. D’autres la dépassent (Bruges, Courtrai, Turnhout, Malines, Willebroek, Roulers, Ostende ou encore Saint-Nicolas).
«Le CPAS d'Anvers est connu pour avoir été longtemps audacieux, mais cela a commencé à changer au début des années 2000, explique Christine Mahy, secrétaire générale et politique du RWLP (Réseau wallon de lutte contre la pauvreté). L’attribution du RIS est régi par une loi fédérale très claire et, en principe, les communes ne peuvent pas y transiger. Malgré tout, à Anvers, des conditions ont été ajoutées et progressivement, le CPAS est devenu très regardant. D’où un nombre croissant de non-recours au droit au RIS.»
Selon elle, la cité du diamant ne serait pas un cas isolé: «Certaines communes n’ont pas envie d’avoir trop de bénéficiaires du RIS sur leurs territoires et craignent un appel d’air si elles l’accordent normalement. Nous avons ainsi déjà constaté que des demandeurs du RIS n’ont pas obtenu l’aval du CPAS, alors que la justice leur a donné raison par la suite, en reconnaissant le respect des critères d’attribution établis par la loi.»
Logements sociaux et universités liés à la proportion de RIS
Des facteurs sociologiques peuvent également expliquer les disparités étonnantes de bénéficiaires du RIS entre communes, note la secrétaire du RWLP. «De façon globale, les demandeurs du RIS tendent à se concentrer là où ils trouvent les équipements et services dont ils ont besoin, comme les logements sociaux», relève Christine Mahy. Elle ne s’étonne donc pas que Marche-en-Famenne, la commune avec le plus de logements sociaux en province du Luxembourg, compte également parmi les localités luxembourgeoises ayant le plus de bénéficiaires du RIS. Bien que la précarité n’y soit pas plus répandue, par exemple, qu’à La Roche-en-Ardenne, où le CPAS accorde moins de RIS.
Autre point sensible: les villes estudiantines. «On peut y trouver des jeunes qui ne sont pas soutenus par leurs parents, ou qui sont orphelins, venus de l’étranger pour faire leurs études, etc. Il y a donc plein de raisons pour y trouver davantage de demandeurs du RIS», analyse Christine Mahy. Gand, un centre universitaire important, est ainsi la deuxième commune flamande où la proportion de RIS est la plus importante.
Ottignies-Louvain-la-Neuve n’échappe pas au phénomène. Il s’agit de la commune du Brabant wallon attribuant le plus de RIS, malgré sa réputation de ville plutôt nantie. Elle en accorde même davantage que des communes beaucoup plus pauvres comme Sivry-Rance et Momignies, au fin fond du Hainaut. «Précisons ici que les communes rurales ont souvent difficile à offrir les services nécessaires aux personnes dans le besoin, donc l’incitant est grand de partir vers des villes, petites ou grandes».
Ces «sans-RIS» invisibilisés
La carte de la proportion de RIS par commune cache toutefois une réalité: que deviennent ceux qui auraient droit au RIS mais ne le demandent pas, ou ne l’obtiennent pas? «Ils sont pourtant nombreux, clame la secrétaire du RWLP. Il y a ceux qui ne connaissent pas leurs droits, ou qui se méfient des institutions et qui n’entreprennent pas de démarche, alors qu’ils sont en position de demander le RIS. C’est pour cela que l’ont voit un nombre important de personnes se diriger vers l’associatif et finir en rue.»
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Christine Mahy regrette d’autre part les préjugés véhiculés par une partie de la société et de la classe politique sur les bénéficiaires du RIS. «On entend souvent dire que ces gens sont des profiteurs, des fainéants qui ne savent pas gérer leur argent et qui pèsent sur le budget de l’Etat. Cette stigmatisation finit par les décourager de se rendre au CPAS. Si certains tentent de tricher avec le système, c'est vraiment rare. Maggie De Block avait fait faire une étude par un organisme indépendant sur le sujet quand elle était secrétaire d'Etat à la Lutte contre la pauvreté. Il s'est avéré qu'il y avait moins de 4% de fraude et qu'en plus, parmi ces 4%, une partie de cas étaient des fraudes administratives et non financières. Il ne faut donc pas surestimer le problème, mais au contraire aider les personnes dans le besoin.»
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