Devenir père ou mère, c’est être bousculé sainement par l’enfant. © getty images

Pourquoi la question de l’enfant ne fait qu’un avec celle de la survie

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Jean Birnbaum puise dans le sort des enfants juifs préservés de la Shoah le lien essentiel entre «nouveau monde et nouveaux venus».

Jean Birnbaum estimait devoir combler une lacune de son très remarqué essai paru en 2021, Le Courage de la nuance (Seuil): il n’avait abordé qu’à la marge la question de l’enfance «ou plutôt celle de l’enfant comme “forme sensible et permanente du point d’interrogation”». Le directeur du Monde des livres s’y soumet avec sincérité et brio dans Seuls les enfants changent le monde (1).

Il épingle dans les œuvres de Hannah Arendt, Georges Bernanos ou Roland Barthes, pour qui «vivre selon la nuance, c’est vivre selon l’enfance», les rares écrits que les philosophes ont consacrés à la question des enfants. Il met au jour dans le rappel des interviews de Pierre Nora ou d’Edouard Louis qu’il a menées en tant que journaliste les ressorts profonds et contradictoires que peut cacher la revendication de ne pas vouloir d’enfant. Surtout, Jean Birnbaum puise dans son histoire personnelle l’explication de l’importance que recèle l’enfant.

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Jeune membre du parti Lutte ouvrière, il a porté comme un fardeau l’engagement des militants à ne pas avoir d’enfant. La règle était requise parce que la procréation les aurait détournés de leur combat révolutionnaire et embourgeoisés. Réflexion faite et opposition déclarée, Jean Birnbaum y a vu la crainte des dirigeants de l’organisation trotskiste d’être confrontés au «pouvoir de déstabilisation» des nouveau-nés. Plus encore, les conversations avec sa grand-mère paternelle juive sur le sort des plus petits pendant la Seconde Guerre mondiale lui ont fait comprendre la centralité de l’enfant. Certains Juifs en territoire français occupé par les nazis se gardaient de faire trop de bruit sur les persécutions antisémites pour ne pas attirer l’attention. Mais un seul geste témoignait qu’ils savaient ce que les nazis projetaient: ils cachaient leurs enfants par tous les moyens possibles. «Sauver ses enfants, ce n’était pas seulement protéger la chair de sa chair, c’était aussi résister aux nazis, entraver leur projet d’annihilation», décrypte Jean Birnbaum. Lui dont les grands- parents ont donné naissance à son père au début de la guerre, à une époque où se posait la question chez les Juifs de continuer à procréer, en conclut que «la question de l’enfant ne fait qu’un avec celle de la survie».

(1) Seuls les enfants changent le monde, par Jean Birnbaum, Seuil, 176 p.
(1) Seuls les enfants changent le monde, par Jean Birnbaum, Seuil, 176 p. © National

Aujourd’hui, face au mouvement No Kids qui, pour des raisons climatiques, donne une dimension collective inédite au refus assumé de ne pas faire des enfants, l’auteur entend réaffirmer «le lien essentiel entre espérance et enfance, entre révolution et génération, entre nouveau monde et nouveaux venus». Message universel d’un bienheureux père.

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