Pourquoi 40% des femmes belges ne se masturbent (quasi) jamais
Près de 40% des femmes ne se masturbent quasi jamais… contre 19% des hommes. Qui ignore encore à quoi sert un clitoris?
«Certains ont une vie érotique variée et excitante ; d’autres sont réduits à la masturbation et la solitude.» Grâce à Michel Houellebecq (Extension du domaine de la lutte, Flammarion, 2021) – et à tant d’autres –, elle a cette réputation-là, la branlette. Plaisir solitaire souvent considéré «comme légitime quand on est célibataire. Mais qui, en couple, enlèverait quelque chose à la vie sexuelle commune», constate Jacques Marquet, sociologue à l’UCLouvain. Tout l’inverse du porno: interpellant lorsque consommé en solo, davantage légitime en duo. Or, les personnes qui déclarent le plus de rapports sexuels sont aussi celles qui affirment le plus pratiquer l’onanisme. Donc pardon, Michel, mais «l’idée de la masturbation comme substitut ne tient pas. »
Trente-sept pour cent des Belges interrogés donnent rendez-vous à leur main au minimum une fois par semaine (parmi lesquels 7,4% presque quotidiennement). Et les plus assidus ne sont pas les jeunes, mais bien les 45-54 ans. A l’inverse, 20,5% ne se caressent jamais, surtout chez les femmes: 29,4% ne se font jamais jouir, et 10% moins d’une fois par an. Contre 11,7% et 7,5% des hommes. Tandis que 51% des messieurs s’honorent au minimum une fois semaine, pour 23% des dames.
Signe que «la masturbation féminine reste un acte encore socialement peu admis», comme le souligne Sarah Galdiolo, professeure de psychologie clinique à l’UMons. «Alors qu’elle est parfaitement entrée dans les mœurs côté masculin», complète Françoise Adam, sexologue et chargée de cours à l’ULiège. La faute au «poids des normes et de l’héritage»: les filles restent souvent éduquées, comme leurs mères et grands-mères avant elles, dans l’idée qu’elle doivent assurer une certaine respectabilité.
Suite de l’article après l’infographie.
Certaines théories (contestées) postulent qu’il faudrait chercher du côté de la biologie, les hommes possédant davantage de testostérone. «Une troisième explication est d’ordre physiologique, poursuit l’experte de l’ULiège. Anatomiquement, il est plus commode de se masturber pour un homme. Tandis qu’avec un clitoris, des lèvres internes, externes… C’est plus difficile.» En 2016, une enquête du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, en France, révélait qu’un quart des filles de 15 ans ignoraient qu’elles étaient pourvues d’un clitoris. Parmi les 13,6% de répondants à notre sondage qui ignorent si la stimulation de cet organe est nécessaire à la jouissance féminine, la catégorie la plus représentée est celle des filles de 16 à 24 ans (25,6%).
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Alors, un problème de vocabulaire? Lors d’une étude réalisée en 1992, raconte Jacques Marquet, les enquêteurs se sont trompés de filtres. Après s’être inquiétés de la fréquence de la masturbation, ils ont demandé aux répondants s’ils éprouvaient du plaisir en se caressant… y compris aux femmes qui confessaient ne jamais se toucher. Beaucoup ont répondu «oui»! Se caresser, fémininement plus acceptable que se masturber?
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