Pour surmonter les défis planétaires, il faut retrouver le sens du commun
A l’éthique des droits humains, il faut conjuguer une «éthique de l’esprit» si on veut relever les défis planétaires actuels, estime le professeur de philosophie Mark Hunyadi.
Dans son nouvel essai Le Second Age de l’individu (1), le professeur de philosophie à l’UCLouvain Mark Hunyadi estime que l’éthique des droits de l’homme, qui trouve son origine dans «l’intronisation, au XIVe siècle, de la volonté comme organe de la liberté» et qui est devenue depuis près de 250 ans le socle commun des démocraties libérales, n’est plus en mesure, à elle seule, de permettre à l’être humain de relever les défis auxquels il est confronté (dérèglement climatique, inégalités, sécurité internationale).
En cause, «l’effet réversif» de cette éthique: «Alors que le libéralisme met en son cœur la défense des droits et libertés individuels, laissant en principe à chacun le libre choix de sa manière de vivre et protégeant son intégrité, le système qui va avec ce libéralisme impose de fait aux individus le joug de modes de vie auxquels ils ne peuvent se soustraire», analyse Mark Hunyadi. La défense de l’individu inscrite dans l’éthique des droits s’est donc retournée mécaniquement en emprise sur lui. Le phénomène a encore été accentué par l’émergence du numérique, «première technologie colonisatrice de l’esprit», pour laquelle «la viralité vaut bien plus que la vérité». Le numérique dope ce que l’auteur appelle le «fonctionnalisme inversé»: «L’individu, devenu fonctionnaire de son bien-être, attend du système qu’il remplisse la fonction qu’il lui attribue, celle de satisfaire ses désirs immédiats.»
Le philosophe estime donc que si l’éthique des droits s’est avérée une arme efficace lorsqu’il s’agissait de protéger les individus contre des pouvoirs arbitraires, elle nous désarme désormais face aux défis qui requièrent des réponses au bénéfice de la collectivité. Comment y remédier? En encourageant le souci du bien commun par la motivation, l’éducation et l’installation d’un nouveau cadre institutionnel. La gestion des grands fonds marins, dont la protection a fait l’objet d’un accord international sous l’égide de l’ONU qualifié d’historique le 4 mars, est pour Mark Hunyadi une illustration de l’exemple à suivre.
Il prône dès lors une «éthique de l’esprit» pour «dépasser l’individualisme nominaliste de l’éthique des droits» et pour favoriser l’émergence du deuxième âge de l’individu, «l’âge réaliste». Une précieuse réflexion qui touche aux fondements de la vie et de notre avenir.
(1) Le Second Age de l’individu. Pour une nouvelle émancipation, par Mark Hunyadi, PUF, 192 p.
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