Pour que l’antiracisme reste universaliste : l’actualité de la pensée de Frantz Fanon
Kévin Boucaud-Victoire rappelle toute la puissance de la pensée du Martiniquais Frantz Fanon. Une vision au cœur d’événéments contemporains
Dans la conclusion de son essai Frantz Fanon. L’antiracisme universaliste (1), Kévin Boucaud-Victoire, rédacteur en chef de la rubrique «Débats et idées» de l’hebdomadaire Marianne, expose les éléments du débat sur l’actualité de la pensée du psychiatre martiniquais et militant anticolonialiste et antiraciste, alors que les rapports sociaux au sein de la société dans laquelle nous vivons «sont devenus plus complexes». La mort du jeune Nahel M. lors d’un contrôle routier à Nanterre, les émeutes que l’émotion suscitée a déclenchées, mais aussi le «dégagisme» développé contre la France dans certains pays d’Afrique démontrent que les idées de Frantz Fanon sont loin d’être obsolètes.
La haine ne saurait constituer un programme.
Que nous dit, qui puisse nous servir aujourd’hui, le natif de Fort-de-France, parti combattre l’envahisseur nazi dans l’armée française et rallié aux indépendantistes algériens contre le colonisateur français? Que «la haine, le ressentiment, “le désir légitime de vengeance” [du colonisé] ne peuvent alimenter une guerre de libération […]. La haine ne saurait constituer un programme» et que «la société postcoloniale ne doit certes pas chercher à se débarrasser de la religion ou des traditions, mais elle ne doit non plus en aucun cas se replier sur celles-ci en miroir du progressisme occidental», message aux anciens colonisés qui substituent une soumission à une autre, islamiste ou russe.
«Le nouvel humanisme prôné par Fanon doit […] être réellement universel, en considérant toutes les cultures, tous les hommes sur un pied d’égalité, là où les élites européennes ont pris leurs particularismes pour des valeurs universelles et n’ont considéré comme humains que ceux qui les partageaient», rappelle Kévin Boucaud-Victoire, message aux Européens souvent champions des hypocrisies. Mais en refusant d’opposer un identitarisme à un autre, Frantz Fanon adresse aussi un message aux militants décolonialistes qui tendent à sacrifier l’universalisme de l’antiracisme sur l’autel d’intérêts identitaires.
Enfin, autre lien avec l’actualité, l’auteur explique qu’à travers Frantz Fanon, il est possible d’interpréter un des principaux échecs de la France de ces quarante dernières années: le problème des banlieues. Outre qu’elles n’ont jamais visé à changer la structure sociale qui favorise la relégation des banlieusards, les politiques de la ville ne se sont jamais attaquées au sentiment de honte qui a habité les colonisés hier, et qui continue d’affecter leurs petits-enfants.
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