Petite méthode pour mieux appréhender l’intelligence artificielle
A l’heure de ChatGPT, Luc de Brabandere décrypte en philosophe le rôle des algorithmes pour ne pas se laisser dompter par eux.
«Tous les jours un peu plus, des algorithmes sur Internet influencent notre façon de nous informer, d’acheter, de travailler, de voyager. Et ils influencent même notre façon d’aimer et de penser», énonce le philosophe d’entreprise Luc de Brabandere, dans Petite Philosophie des algorithmes sournois (1), sournois étant pris dans le sens de «en partie caché et incompréhensible».
L’importance prise par les algorithmes justifie, pour l’auteur, de s’y intéresser de plus près et de lever le voile sur ce qu’ils recèlent. «Ils reflètent les valeurs et les préjugés de ceux qui les ont écrits, ils reproduisent les stéréotypes et les usages statistiquement les plus courants»: la révolution planétaire que l’on connaît, encore accentuée par l’émergence des outils de l’intelligence artificielle comme ChatGPT, n’est donc pas tant celle des algorithmes que «celle du pouvoir accumulé par ceux qui les possèdent». L’information, les données sont donc devenues le nouvel or noir. Mais les algorithmes ont aussi leurs limites. «Ils ne peuvent tout savoir de nous, ce qui fait notre richesse ne peut faire la leur. Notre flou les rends fous, ils sont zélés mais nous avons un côté fêlé. Les algorithmes ne peuvent appréhender totalement ni ce qui fait notre identité, ni les émotions qui nous envahissent.»
Ce qui fait notre richesse ne peut faire celle des algorithmes.
Car ce qui distinguera toujours l’être humain du robot conversationnel le plus élaboré est que le premier dispose d’une conscience, soit «la capacité qu’il a de pouvoir réfléchir sur lui-même». Rassuré? Pas complètement. Luc de Brabandere explique que les algorithmes remettent au centre de l’actualité les questions du vrai et du faux, du réel et du virtuel, dans une perspective qui ne contribue pas franchement à un surcroît d’humanisme. Au point de se demander si «le “je pense, donc je suis” qui nous a construit ne cède pas lentement sa place à un “je calcule, donc je suis”, à un “je crois, donc je ne pense pas”, ou même, plus inquiétant encore, à un “je crois, donc j’ai raison”, doublé d’un “tout ce que je sais, c’est que je sais tout” qui laisserait Socrate sans voix.» Si cette Petite Philosophie des algorithmes sournois ne répond pas à toutes les questions que pose l’intelligence artificielle, défi impossible, elle ouvre en tout cas des pistes de réflexion précieuses et salutaires pour l’appréhender. En conscience.
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