Laurane Wattecamps
Oui, les « vieux » font toujours l’amour ! (chronique)
Tout le monde y pense, (quasi) personne n’en parle: la sexualité reste souvent cantonnée à la sphère intime et est rarement analysée comme un phénomène de société. Pourtant, sous la couette, les couples sont confrontés aux mêmes problèmes, stéréotypes, attentes. Comme en matière de sexualité des aînés, trop souvent invisibilisée alors que toujours bien réelle.
Si l’amour n’a pas d’âge, la sexualité non plus. Pourtant, force est de constater que celle des aînés est invisibilisée et chargée d’a priori. Un exemple: la libido diminue avec l’âge, selon la moitié des sondés d’une étude internationale menée par la marque de sextoys We-Vibe, en 2021. Une fausse croyance qui peut faire office de prédiction autoréalisatrice? Faux! Selon certaines statistiques, la moitié des seniors auraient une libido identique à celle de leur jeunesse. Pour une personne sur dix, elle serait même plus intense. Quand on sait que la proportion des 65 ans et plus représente un cinquième de la population en Belgique, il y a de quoi être interloqué par cette omerta sexuelle. Pourquoi diable la sexualité subit-elle tant les diktats du jeunisme?
Ebats torrides riment très bien avec rides.
Certes, d’un point de vue physiologique, les corps vieillissants sont plus sujets aux pathologies invalidantes. C’est d’ailleurs la première raison avancée par les principaux concernés pour justifier l’arrêt des rapports sexuels. Sans oublier les questions mécaniques. L’angoisse de maintenir une érection amène parfois les messieurs à consulter pour obtenir l’aide d’une petite pilule bleue. Malgré tout, beaucoup s’accommodent sans mal d’une verge moins ferme et se décentrent de la pénétration. Chez les femmes, c’est davantage la ménopause qui peut provoquer le tracas. En cause, une lubrification moins importante, un désir alangui et une image de soi potentiellement diminuée. Mais là aussi, les stéréotypes ont la vie dure, en témoignent de nombreuses femmes pour qui la sexualité passé 50 ans est plus satisfaisante qu’avant. De quoi ravir le clitoris, un organe qui ne vieillit pas. Il peut prodiguer du plaisir jusqu’au dernier souffle de vie. Reste qu’ en dépit de ces préoccupations qui amènent à repenser l’intimité, la vieillesse est loin d’être asexuée.
Globalement, ce qui ressort des témoignages des personnes âgées sexuellement actives, c’est que plus l’âge avance, moins la sexualité s’inscrit dans la performance, ce qui la rend plus plaisante. Lorsque la pression retombe, les émotions et les sensations trouvent une voie d’expression et décuplent le plaisir. N’est-ce pas là un apprentissage des aînés qu’il serait bon de transmettre?
Ceux qu’on appelle «les vieux» ne se cantonnent pas à des mamies gâteau et des papys gâteux. La campagne «Silver Sex» de We-Vibe, qui donne la parole aux plus de 55 ans à propos de leur sexualité, le confirme. Les répondants à l’enquête se sont attribués une note moyenne d’évaluation de leur libido de 6,02/10. Une cote très proche des 6,46/10 donnés par tous les groupes d’âge confondus. Oui, les retraités font l’amour. Mais leurs représentations sont pauvres et limitantes. Que ça soit dans les médias, à travers la publicité ou dans les récits partagés, il existe bien trop peu de modèles de doyens épanouis pour compenser les images désérotisées de la vieillesse. Un problème touchant surtout les femmes, qui semblent étiquetées d’une date de péremption. Pour preuve: une relation entre un homme âgé avec une femme plus jeune sera perçue comme glamour alors qu’une femme avec un homme plus jeune aura tendance à choquer. D’ailleurs, à en croire les chiffres d’une vaste étude américaine, les hommes de plus de 70 ans sont plus nombreux à investir leur sexualité que les femmes. Ils sont 75% à garder un intérêt pour le sexe oscillant de modéré à fort. Ce qui n’ empêche pas 55% des dames de revendiquer un même attrait. Voilà qui confirme qu’ébats torrides riment très bien avec rides. Et, comme l’a si joliment dit le Dr Marc Ganem, longtemps président de la Société française de sexologie clinique, «on n’a pas l’âge de ses artères mais l’âge de ses désirs».
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