L’impératif managérial dans le système de santé: un frein à la coopération. © getty images

Ne vous contentez pas de collaborer « par calcul pour faire », coopérez « par amour pour savoir »

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

On collabore de plus en plus. Mais c’est au détriment d’une coopération qui permet, elle, d’œuvrer ensemble, juge l’économiste Eloi Laurent.

L’économiste Eloi Laurent approfondit ses travaux sur la coopération et, après L’Impasse collaborative. Pour une véritable économie de la coopération (Les Liens qui libèrent, 2018), publie Coopérer et se faire confiance (1). Son credo: la crise de la coopération est «nourrie en même temps que masquée par des pratiques collaboratives de plus en plus répandues» et est aggravée par l’emprise numérique. «Nos liens sociaux se sont dégradés sous l’effet de l’emprise numérique, qui nous sépare et nous isole toujours plus en prétendant nous connecter toujours mieux», soutient le professeur à Sciences Po Paris et à l’université de Stanford, aux Etats-Unis.

La transition écologique ne sera possible qu’à condition de revitaliser la coopération sociale.

Qu’est-ce qui distingue, selon l’auteur, la coopération de la collaboration? La coopération sollicite l’ensemble des capacités humaines, n’a pas d’horizon fini, est un processus libre de découverte mutuelle, est horizontale, vise à partager et à innover, y compris pour ne pas produire, quand la collaboration s’exerce au moyen du seul travail, est à durée déterminée, a un objet défini, est verticale et vise à produire en divisant le travail. «Il y a la collaboration par calcul pour faire», et de l’autre la «coopération par amour pour savoir», résume Eloi Laurent. On peut, dans le cadre d’une relation sociale, alterner des phases de collaboration et de coopération, mais si la collaboration prédomine, l’utilitarisme réciproque finira par appauvrir puis gripper les interactions humaines (comme dans le cas d’un enseignant et d’un élève obsédés par la performance ou d’un médecin et d’un patient obnubilés par la rentabilité financière).»

A travers son essai, l’auteur invite donc à «approfondir notre compréhension de la coopération humaine et son corollaire, la confiance». Il explore les moyens de leur donner plus de place dans les sphères des liens intimes, sociaux et vitaux. Il en appelle à «construire une politique publique de la coopération et de la confiance», élément indispensable pour relever les défis de l’époque. «La transition écologique consiste à préserver le monde vivant dont le bien-être humain dépend entièrement, analyse Eloi Laurent. Elle ne sera possible qu’à condition de revitaliser la coopération sociale aujourd’hui dévorée par la collaboration.»

(1) Coopérer et se faire confiance par tous les temps, par Eloi Laurent, éd. Rue de l’échiquier, 96 p.
(1) Coopérer et se faire confiance par tous les temps, par Eloi Laurent, éd. Rue de l’échiquier, 96 p. © National
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