Mort d’un enfant à Gand: «Ayez le courage d’intervenir»
Jeudi dernier, le corps sans vie de Raul, un enfant de neuf ans victime de graves violences familiales, a été retrouvé dans le Houtdok, un quartier portuaire de Gand. Malgré les alertes, personne n’a signalé les violences qu’il subissait.
Venu de Roumanie, Raul vivait à Gand avec sa mère, son beau-père et sa sœur. Le beau-père, arrêté depuis, aurait fait subir un véritable calvaire au petit garçon. D’après les témoignages de la mère et de la sœur, il le battait avec une ceinture, le frappait du poing et l’aspergeait d’eau froide et d’eau chaude. Le 31 janvier dernier, l’enfant n’aurait pas survécu à une énième séance de torture. Son beau-père et sa mère sont soupçonnés de s’être débarrassés de son corps dans les eaux du Houtdok. L’affaire n’est apparue au grand jour que lorsque des membres de sa famille vivant à l’étranger ont tiré la sonnette d’alarme.
Le conseil communal de Gand organise une commémoration en hommage à Raul ce mercredi soir. « Tout le monde est choqué de ce qui est arrivé à ce garçon », déclare le bourgmestre Mathias De Clercq. Gand est « profondément touchée » par la mort du petit garçon, selon le conseil communal.
Comment se fait-il que personne ne se soit inquiété de la disparition de Raul? Arrivés de Roumanie il y a deux ans après des détours par l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, les membres de la famille n’étaient pas inscrits comme citoyens officiels. « Il s’agit de personnes complètement en dehors du système qui ne sont enregistrées auprès d’aucun de nos services. Il est donc pratiquement impossible de les suivre et d’intervenir lorsque les choses menacent de mal tourner », explique Rudy Coddens (Vooruit), échevin de Gand chargé entre autres de la politique sociale et de la lutte contre la pauvreté, au quotidien De Morgen.
« Trop facile de détourner le regard »
Interrogée sur la VRT, la députée Valérie Van Peel (N-VA) déclare qu’un enfant sur dix est victime de maltraitance. Co-auteure d’un livre sur le sujet, elle ne comprend pas que la société détourne le regard, et puis s’indigne quand l’issue est fatale comme dans le cas de Raul. « Il est trop facile de détourner le regard, il faut prendre ses responsabilités vis-à-vis d’un enfant, alors ayez le courage d’intervenir. Réalisez que ces enfants vivent autour de vous, qu’ils sont sans défense et que nous devons tous en prendre la responsabilité ensemble ».
« Quand un voisin vient dire à la presse qu’il a littéralement vu ce qui s’est passé, j’ai envie de tirer cette personne à travers la télévision », s’indigne-t-elle. Même l’enseignant qui a apparemment remarqué que Raul, 9 ans, arrivait régulièrement à l’école avec des bleus ou sans nourriture aurait pu faire plus, juge-t-elle.
Une obligation d’aide et de protection
Justement, que faut-il faire si l’on se rend compte qu’un enfant de son entourage est victime de maltraitances physiques ou psychologiques ? Sylvie Anzalone, porte-parole de l’ONE (Office de la Naissance et de l’Enfance), rappelle qu’en vertu du décret de 2004 relatif à l’aide aux enfants victimes de maltraitance, « tout intervenant (toute personne en contact avec un enfant même à titre de bénévole) confronté à une suspicion de maltraitance doit apporter aide et protection ».
Les personnes qui soupçonnent qu’un enfant soit victime de maltraitances peuvent se tourner vers les équipes SOS Enfants. Celles-ci prodigueront des conseils, mais surtout elles pourront intervenir à partir du moment où la personne qui soupçonne les maltraitances ne restera pas anonyme par rapport à la famille.
« Si pour des raisons qui lui sont propres, celle-ci souhaite garder l’anonymat, elle peut contacter la police. Il ne faut pas craindre donner son nom aux équipes SOS Enfants: elles sont formées et à même de comprendre la difficulté de faire part de doutes ou constats de maltraitance… Ce sont des équipes pluridisciplinaires qui approchent le particulier et le professionnel avec nuance, respect et soutien », explique la porte-parole de l’ONE.
Outre SOS Enfants, les personnes qui soupçonnent qu’un enfant est victime de maltraitances peuvent contacter un PMS (centre psycho-médical-social), les PSE (les services de promotion de santé à l’école) ou le SAJ (Service d’Aide à la Jeunesse). Si l’enfant est en danger grave et imminent, il faut évidemment contacter directement la police (101).
Sylvie Anzalone rappelle que l’ONE accompagne et suit les familles jusqu’aux 6 ans de l’enfant. Les Pep’s (partenaires enfants parents) peuvent constater des négligences et/ou maltraitances dans le chef des enfants. « Ces professionnels de l’enfance ne restent pas seules avec cela et en font part aux référents maltraitances de l’Office. Ensemble, ils décident de quelles actions, partenaires ou autres institutions, etc. à mettre en place ou à appeler. La valeur centrale qui guidera cet accompagnement sera l’intérêt de l’enfant. Tout sera effectué dans la transparence avec la famille, mais pas nécessairement avec son accord puisqu’il s’agit du bien-être global de l’enfant qui prime », conclut-elle.
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