Isabelle Durant réagit à notre enquête sur les trusts américains de la SNCB : « Sans doute ai-je vu des choses »
Isabelle Durant était ministre de la Mobilité à l’époque où ont été signés plusieurs dizaines de contrats de leasing des trains belges avec «des investisseurs américains» dont l’identité est cachée par d’obscurs trusts du Delaware. Elle réagit à notre enquête.
De très nombreux trains, lignes ferroviaires et gares de triage belges n’appartiennent pas à la SNCB ou à Infrabel mais à des trusts opaques du Delaware, le paradis fiscal des Etats-Unis. C’est ce que montre notre enquête. Nous avons contacté Isabelle Durant, ministre à l’époque.
Qu’est-ce que notre enquête vous évoque ?
Ce que votre enquête m’évoque c’est que ce sont des pratiques qui ne sont pas illégales, mais qui clairement posent question. Ce genre de pratiques se faisait dans d’autres entreprises ferroviaires dans le monde et se font peut-être toujours. On est 20 ans plus tard, il y a de l’eau qui a coulé sous les ponts. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Il faut aussi dire qu’à l’époque on a définancé les chemins de fer pendant des années. C’est parce que la SNCB manquait de moyens qu’elle en a cherchés d’autres pour se financer. Cela a amené à faire toute cette filiation qui s’est révélée être très préjudiciable.
Etiez-vous au courant de la signature de ces contrats ?
Sans doute ai-je vu des choses. Mais c’est plus compliqué que cela. Ce sont des choses qui se décidaient en conseil d’administration. Toutes les missions de type commerciales comme celle de votre enquête sont gérées par le CA, et ça le ministre n’y est pas. Mes moyens d’action étaient relativement limités. Ce n’est pas pour rien qu’à l’époque en lien avec toutes ces questions, j’ai changé de commissaire de gouvernement pour avoir une personne experte dans les montages financiers qui était à même de pouvoir repérer ce genre de décisions dans le CA, qui y porte attention et qui sache décrypter ces documents. Avant, c’était un fonctionnaire de l’administration. Je ne me suis pas fait beaucoup d’amis à l’époque.
« On touchait à des pratiques anciennes avec des petits arrangements entre amis »
Je n’ai pas fait des miracles mais ça a permis de mettre en lumière certaines pratiques qui étaient jugées tout à fait normales par tout le monde. J’ai obtenu de faire un audit par la Cour des comptes. Audit qui met en évidence toutes ces pratiques. Les choses objectivement ont changé après même si certains contrats sont encore en cours. J’ai fait ce qui était possible dans une vieille SNCB, toutes ces pratiques ont été avalisées par les conseils d’administration. Et Ecolo n’y était pas avant 1999. C’était aussi très difficile de convaincre mes partenaires de majorité de l’époque d’obtenir des avancées sur ce terrain-là. On touchait à des pratiques anciennes de l’Etat dans l’Etat avec des petits arrangements entre amis. C’était bien que l’audit ait mis la lumière sur tout ça. Aujourd’hui, je pense qu’il y a plus de transparence et de contrôle. On vient de loin et on a ouvert la porte à autre chose à l’époque.
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