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Fraude: des transports en commun gratuits si tout le monde payait son ticket?

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

La fraude dans les transports en commun coûte plusieurs millions d’euros aux entreprises qui les gèrent chaque année. Et si tout le monde payait son ticket, serait-ce suffisant pour aller vers la gratuité des transports ? Réponse en chiffres.

Angoissante pour les uns, frustrante pour les autres : la fraude dans les transports en commun est une scène quotidienne habituelle. « C’est une question d’équité, explique la porte-parole de la Stib. Ceux qui paient sont favorables aux contrôles et à la validation, en vue d’un meilleur contrôle social ». Du côté du TEC, on rappelle l’importance d’être en ordre de voyage, « un acte responsable : chacun contribue au service, selon son usage, et participe ainsi à un effort collectif équitable ».

Le coût de la fraude pour les transports en commun

La société de transport bruxelloise Stib, dont les recettes liées au trafic atteignaient 265 millions d’euros en 2022, estime le manque à gagner lié à la fraude à 12 millions d’euros par an. Une somme qui permettrait de réaliser une rame pour le Métro 7, quatre trams nouvelle génération (TNG) ou 16 bus électriques articulés. L’an passé, la Stib a contrôlé 1,26 million de voyageurs, et dressé 89.728 procès-verbaux. Ce qui donne un taux de fraude de 7%. En 2019, dernière année hors-covid, il était seulement de 5% : davantage de voyageurs avaient été contrôlés, mais moins de PV dressés.

Le TEC et De Lijn, qui assurent les transports en commun en Wallonie et en Flandre, n’ont pas avancé de chiffes quant aux pertes financières liées à la fraude. La compagnie flamande a cependant dressé 66.971 PV en 2022.

Des transports en commun gratuits si tout le monde payait ?

Le Luxembourg a fait le choix de la gratuité depuis le 1er mars 2020, pour tous les transports publics et sur tout le territoire. © BELGA IMAGE

Et s’il n’y avait plus de fraude dans les transports ? Pourrait-on envisager une offre de transports en commun gratuite, comme au Luxembourg ? Selon une étude de la VUB et de l’ULB parue en décembre 2022, la gratuité serait même une solution à la fraude: « Elle peut être une politique alternative à la répression pour faire disparaître la fraude : plus de tickets, donc plus de contrôles ni de fraude, et une liberté de circuler en ville en utilisant les transports publics ».

« Que tout le monde paye son ticket à bord ne permettrait pas la gratuité »

Le porte-parole du TEC

Dans les chiffres, c’est plus compliqué, rétorquent les sociétés de transport. « Avant la semi-gratuité (abonnement annuel à 12€ pour les seniors, les jeunes et les statuts BIM, NDLR), le client payait 27% de son ticket, précise le porte-parole du TEC. Depuis qu’on a instauré ce système, il ne paye plus que 13,5% de son billet ». En tant qu’entreprise de service public, la compagnie est financée tant par l’impôt sur les personnes physiques (IPP) que par des subventions wallonnes. « Que tout le monde paye son ticket à bord ne permettrait pas la gratuité : il nous manquerait quand même 80% du budget pour couvrir les coûts principaux que sont le personnel, le carburant et les assurances ».

Même son de cloche du côté de la voisine bruxelloise qu’est la Stib. « Le prix du ticket couvre moins de la moitié du coût de fonctionnement des transports publics. Si les voyageurs devaient supporter l’entièreté du coût réel de leur trajet, les tarifs seraient 2 à 3 fois plus élevés ».

Les campagnes de sensibilisation

Pour éviter la fraude, chaque compagnie a sa stratégie. Le TEC a introduit l’abonnement à tarif réduit pour les bénéficiaires du statut BIM afin d’essayer de les dissuader de frauder. Car l’acte de fraude serait surtout guidé par le manque d’argent. « Frauder est un acte stressant et inconfortable, mais nécessaire d’un point de vue financier », écrivent encore les auteurs de l’étude menée par l’ULB et la VUB. Qui déplorent l’image d’un comportement déviant ou criminel généralement véhiculée par la fraude.

Chaque année, les compagnies de transport y vont de leur campagne de sensibilisation, première étape dans la lutte contre la fraude avant les amendes ou autres sanctions. En septembre dernier, le TEC lançait « son nouveau ticket à 300€ », rappel de l’amende maximale encourue par les fraudeurs à répétition. Qui doivent être solvables, sinon les compagnies ne verront jamais l’argent de cette amende…

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