Stimulant écologique ou discrimination? Pourquoi le parking est gratuit pour les voitures électriques dans certaines communes
Dans la majorité du pays, les propriétaires de voitures électriques bénéficient d’un stationnement gratuit pour recharger leur véhicule. Pour limiter les abus (et renflouer leurs caisses), certaines communes ont récemment décidé d’imposer des taxes ou des redevances.
22.000 points de recharge accessibles à tous d’ici 2035. C’est l’objectif que s’est fixée la Région bruxelloise pour accélérer sa transition vers la mobilité douce. A l’instar de la capitale, les bornes de recharge publiques pour voitures électriques fleurissent aux quatre coins du pays. Une manière, pour les particuliers qui n’ont pas les moyens (financiers ou pratiques) d’installer une station à domicile, d’opter malgré tout pour une mobilité plus verte.
Dans cette même logique, les autorités locales ont décidé, dans un premier temps, de laisser un accès libre à ces zones de recharge, situées en bord de voirie ou dans des parkings publics. L’utilisateur paie évidemment l’électricité qu’il consomme, mais ne doit pas s’acquitter d’un ticket de stationnement. Une gratuité censée stimuler l’électrification du parc automobile belge.
Voitures électriques: en finir avec les squatteurs
Bien que vertueux, cet incitant écologique entraîne avec lui son lot de désagréments. A commencer par les «voitures-ventouses», ces véhicules (parfois thermiques) qui monopolisent ces zones pour profiter du parking gratuit plutôt que de la borne. Ou qui y stationnent bien au-delà de la durée de recharge de leur bolide. Pour éviter les abus de ces «squatteurs», la majorité des communes (à l’exception notamment de Gand, qui pratique la gratuité totale) ont donc imposé des règles et renforcé les contrôles.
Dans la région bruxelloise, le stationnement est réservé aux véhicules électriques qui sont raccordés à la borne, et la gratuité est limitée uniquement au temps de la recharge. «Les bornes sont équipées de voyants colorés, qui indiquent quand le chargement est en cours, précise Pierre Vassart, porte-parole de parking.brussels. Une fois celui-terminé, nos contrôleurs peuvent sanctionner. C’est logique de libérer sa place, comme un propriétaire de voiture thermique qui quitte la station-essence une fois son plein réalisé.» En cas de stationnement non autorisé, une redevance forfaitaire de 50 euros par période de 4h30 est ainsi appliquée. «Les conducteurs de voitures électriques ne sont donc pas du tout assimilés à des personnes handicapées qui pourraient bénéficier d’un emplacement gratuit réservé», insiste Pierre Vassart.
Les opérateurs en colère
Mais certaines bourgmestres y voient une inégalité de traitement entre propriétaires de véhicules électriques et thermiques. La multiplication des emplacements gratuits dédiés aux bornes générerait en outre un manque à gagner pour les pouvoirs locaux, privés des recettes (importantes) que représente le stationnement payant. Récemment, les communes bruxelloises d’Ixelles et Saint-Gilles ont donc décidé d’imposer une taxe annuelle supplémentaire, fixée respectivement à 281 euros et 180 euros par prise. La mesure pourrait bientôt être harmonisée sur l’ensemble du territoire bruxellois, mais nécessite pour cela l’aval de la Conférence des bourgmestres.
Cette imposition, à charge directe des opérateurs, fait bondir Energy Vision, qui exploite près de 2.000 points de recharge à Bruxelles. «Nous ne sommes pas contre une tarification plus élevée, mais elle doit être justifiée et transparente, estime le CEO, Maarten Michielssens. Or, dans le cas présent, les taxes sont forfaitaires et s’appliquent parfois à des bornes peu utilisées, vandalisées ou situées dans des rues en travaux. C’est insensé.» Cette taxation, qui ne figurait pas dans le contrat de concession initial conclu avec la Région, pèse directement sur les finances des opérateurs, qui ne peuvent les répercuter sur leur tarifs et craignent pour la survie de leur business model. «Soit on va finir par être en perte, soit on devra inévitablement retirer nos bornes du territoire bruxellois», avertit Maarten Michielssens.
Voitures électriques: des tarifs de rotation
Cette taxation supplémentaire freine sérieusement la transition écologique et pourrait malheureusement inspirer d’autres communes, s’inquiète pour sa part le directeur d’EV Belgium, la fédération pour la mobilité verte en Belgique. Plutôt qu’une imposition forfaitaire «contradictoire», Philippe Vangeel avance d’autres solutions, comme rendre payants les emplacements de parking réservés aux bornes. «On préfère que les propriétaires de véhicules électriques soient traités comme les autres utilisateurs, plutôt que chaque bourgmestre impose soudainement sa propre règlementation.»
Le directeur d’EV Belgium plaide également pour l’introduction de tarif de rotation, afin de dissuader les utilisateurs de stationner dans les zones plus longtemps que nécessaire. Une mesure bientôt en vigueur à Anvers, et déjà instaurée mi-juillet à Mons. Dans la capitale hennuyère, les utilisateurs stationnés (gratuitement) depuis quatre heures doivent désormais payer une redevance de 0,50 euro par kilowattheure supplémentaire consommé et de 0,05 euro par minute supplémentaire de stationnement. Des taxes variables que les opérateurs reversent ensuite directement à la Ville.
Un mix entre bornes classiques et rapides
Pour Tuur De Coninck, responsable de la branche belge de Fastned, les pouvoirs publics doivent également miser sur les bornes rapides qui, grâce à leur haute puissance, permettent une recharge complète en une vingtaine de minutes. La durée de stationnement est donc plus courte et l’emplacement peut ainsi accueillir plus d’utilisateurs quotidiens, ce qui évite de devoir créer de nouvelles zones de recharge qui empiètent sur les capacités de parking classiques. «C’est le grand défi actuel des zones urbaines: comment offrir un service public de recharge à un nombre croissant de voitures électriques, mais sur un espace de plus en plus réduit, résume Tuur De Coninck. Dans ce cadre, les bornes classiques et les bornes rapides présentent des fonctions complémentaires, nécessaires à la transition vers une mobilité verte.»
«C’est le grand défi actuel des zones urbaines: comment offrir un service public de recharge à un nombre croissant de voitures électriques, mais sur un espace de plus en plus réduit.»
Tuur De Coninck
Country Director Belgium chez Fastned
Pour le responsable de Fastned, une augmentation de la tarification va logiquement s’imposer dans les années à venir. «Au début, la gratuité sert de stimulant dans toute transition technologique, note l’expert. Aujourd’hui, nous ne sommes encore qu’aux prémices de l’électrification du parc automobile belge (NDLR: moins de 5% des voitures sont 100% électriques), donc le soutien financier des pouvoirs publics reste indispensable. Mais petit à petit, le marché va se développer, et donc, le soutien public va diminuer.» A l’avenir, seules les zones rurales, moins concernées par la saturation des zones de stationnement, pourront sans doute continuer à appliquer la gratuité pure et dure.
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