Augmenter les limitations de vitesse sur les autoroutes belges ne semble pas à l'ordre du jour.

Rouler à 150km/h sur l’autoroute : une bonne idée pour la sécurité routière ?

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

La République tchèque et l’Italie envisagent d’augmenter la limitation de vitesse sur leurs autoroutes à 150km/h. Une mesure loin d’être à l’ordre du jour en Belgique. Vias et Touring privilégient une gestion modulée des limitations, pour maximiser l’adhésion des automobilistes.

Rouler plus vite sur les autoroutes ? Le rêve de certains automobilistes pourrait bientôt devenir réalité en République tchèque et en Italie. En tout cas sur certains tronçons. Fin juin, le Parlement tchèque a approuvé un projet de loi autorisant une vitesse maximale de 150km/h, contre 130 actuellement, sur trois sections autoroutières du pays. De son côté, le ministre italien des Transports envisage également d’augmenter la vitesse légale à 150km/h sur plus de 1.500 km d’autoroutes et de voies rapides de la Botte.

Si ces mesures se concrétisent, les deux pays se placeraient en tête du classement européen de la vitesse, devant la Pologne et la Bulgarie où les limitations sur les autoroutes sont actuellement fixées à 140km/h. Seule l’Allemagne fait exception, en n’imposant pas de restrictions sur certains tronçons. Une tel changement pourrait-il être envisagé chez nous ?

La configuration particulière des autoroutes belges

En 2017, le débat avait animé la classe politique belge, mais portait uniquement sur une augmentation de la limitation à 130km/h, à l’instar de la France et des Pays-Bas. A l’époque, déjà, l’Institut de sécurité routière Vias s’y était fermement opposé, arguant que la mesure augmenterait les accidents de 5%. Sans surprise, une vitesse maximale de 150km/h ne séduit pas davantage l’Institut, qui rappelle la dangerosité inhérente aux autoroutes belges. « Notre réseau a la particularité d’être très dense, très ramassé sur lui-même avec de nombreuses entrées et sorties, ainsi que beaucoup de camions, observe le porte-parole Benoît Godard. En France, un automobiliste peut parfois parcourir 10km sans voir la moindre sortie d’autoroute. En Belgique, il y en parfois une tous les deux ou trois kilomètres. »

Cette configuration unique pose logiquement des risques de sécurité, qui seraient encore accrus par une augmentation des limites de vitesse, estime Benoît Godard. Vias rappelle d’ailleurs qu’en Belgique, un accident corporel sur deux se produit dans un échangeur ou sur une sortie d’autoroute. De plus, 16% des décès causés par un accident de la route en général surviennent sur les autoroutes, soit deux fois plus que la moyenne européenne (8%). « La Belgique se classe antépénultième, déplore le porte-parole. Seules l’Espagne et la Slovénie font moins bien. »

En outre, augmenter les limitations de vitesse serait incompatible avec une volonté de réduction des émissions de CO2, insiste Benoît Godard. « Cette mesure irait complètement à contre-courant de la tendance actuelle. S’il a été décidé de limiter la vitesse à 100km/h sur la partie flamande du ring de Bruxelles, ce n’est pas tant pour des questions sécuritaires, mais surtout pour des questions environnementales », tranche le porte-parole de Vias.

Des limitations « cohérentes et justifiées »

Pour l’organisation d’assistance aux voyageurs Touring, une augmentation de la limitation de vitesse sur les autoroutes est tout à fait envisageable au vu des évolutions technologiques. Mais à certaines conditions. « Il faut prendre en compte plusieurs facteurs dans l’élaboration des limitations, comme la densité du trafic, la qualité des infrastructures, la météo ou les travaux éventuels », estime le porte-parole Lorenzo Stefani. 

L’idée ne serait pas d’autoriser une vitesse supérieure partout, mais sur certains tronçons déterminés et à certaines heures de la journée. « Par exemple, si vous roulez en pleine nuit sur une autoroute en Belgique, vous êtes limités à 120km/h – ou même à 100km/h sur le ring – ce qui est complètement injustifié au vu de la faible densité de circulation, objecte Lorenzo Stefani. Cela explique les millions de PV dressés chaque année. Or, il est crucial d’imposer des limitations de vitesse cohérentes et justifiées si on veut qu’elles soient respectées. »

Le porte-parole de Touring plaide dès lors pour des limitations adaptées à chaque situation de terrain, expliquées aux automobolistes à l’aide d’affichages dynamiques. « De cette manière, on informe l’usager du contexte, qui peut comprendre la règle et ainsi mieux y adhérer », développe Lorenzo Stefani. Et d’insister : « Les autoroutes ne sont pas accidentogènes par défaut : elles sont linéaires et ne comportent pas d’obstacles, comme des vélos ou des piétons. Ce qui est surtout dangereux, c’est la différence de vitesse entre les véhicules. D’où l’importance d’avoir un maximum d’usagers qui respectent les limitations, éventuellement plus élevées, pour fluidifier le trafic. »

Ecolo isolé

De son côté, Vias plaide également pour cette gestion modulée de la limitation de vitesse en fonction des conditions de circulation, mais sans jamais dépasser les 120km/h. « Par exemple, entre Bruxelles et Leuven, des panneaux à messages variables règlent les limitations en fonction de la densité du trafic, illustre Benoît Godard. Parfois, la limite reste fixée à 120km/h, mais elle peut descendre à 100km/h ou à 70km/h à d’autres moments. De cette manière, tout le monde roule à la même vitesse et on évite cette circulation en accordéon, et donc, les accidents. »

Sur le plan politique, le débat cristallise les tensions. Dans son plan Air-Climat-Energie (PACE) 2030, le ministre wallon de la Mobilité Philippe Henry (Ecolo) avait soumis l’idée de limiter la vitesse à 100km/h sur les autoroutes wallonnes, pour réduire à la fois les émissions de CO2 ainsi que l’impact sur le portefeuille des automobilistes. Au vu de la levée de boucliers suscitée par la mesure, notamment dans les rangs socialistes et libéraux, l’écologiste avait finalement rétropédalé début 2023. En Flandre, Groen plaide également pour une limitation à 100km/h sur les voies rapides. Mais, à l’instar de leurs homologues du sud du pays, le parti semble tout aussi isolé sur la question.

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