voiture électrique
Les entretiens peuvent être un poste coûteux. Ils sont rares pour un véhicule électrique qui, en plus, ne nécessite ni huile, ni filtres, ni bougies, n'a pas d’embrayage, donc pas de problème d’usure. © photo news

Pourquoi il est avantageux financièrement de rouler en voiture électrique (analyse)

Philippe Berkenbaum Journaliste

Si l’on s’en tient au seul prix des carburants, le match est déjà plié. L’électricité est sacrée grande gagnante. Mais en prenant en compte, entre autres, le prix d’achat du véhicule, le lieu de recharge de la batterie et son autonomie, le triomphe est moins éclatant.

Depuis le 1er avril, une directive européenne impose aux stations-service d’afficher le tarif aux 100 km de chacun des carburants qu’elles proposent – essence, diesel, électricité, CNG, LPG, hydrogène. En Belgique, c’est le SPF Economie qui réalise le calcul et diffuse les affiches à apposer dans les pompes. Il se base sur un modèle de voiture standard dans le segment le plus vendu et sur le prix moyen des carburants au cours du trimestre écoulé.

Résultat: au 3e trimestre, l’électricité arrive en tête à 5,1 euros/100 km (prix estimé pour une charge à domicile), suivie par le LPG (5,7 euros/100km), tandis que le CNG ferme la marche à 11,1 euros/100 km, soit plus du double du leader. Quant à l’essence, elle coûte plus cher que le diesel alors que son prix à la pompe, accises et TVA comprises, est sensiblement moins élevé (1,72 euro/litre contre 2,02 euros/litre, prix maximal au 14 septembre). C’est qu’un véhicule diesel consomme moins, en moyenne, que son équivalent roulant à l’essence.

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L’électricité, vainqueure toutes catégories? C’est loin d’être aussi simple. D’abord, l’actuelle volatilité des prix rend difficile le calcul d’une moyenne fidèle à la réalité – même s’il faut se placer dans une optique de long terme. Ensuite, les véhicules hybrides n’entrent pas en ligne de compte: difficile d’établir des moyennes puisqu’elles «switchent» constamment entre moteur électrique et thermique. Si vous roulez moins de 50 km par jour en ville, vous consommerez surtout de l’électricité. Si vous faites de la route, vous passerez vite à l’essence. Tout dépend du modèle et de l’autonomie de la batterie.

Le coût du kWh électrique dépend du lieu de charge et de l’opérateur. Si vous rechargez souvent à domicile, il faut tenir compte des frais d’installation d’une borne, des tarifs bihoraires, de vos éventuels panneaux photovoltaïques. Selon qu’on charge à la maison, au bureau, dans une station, un parking ou sur une borne publique, le prix peut varier de 0 à plus de 1 euro/kWh. Or, une voiture électrique consomme en moyenne (chiffres Renault) 17 kWh aux 100 km. Faites vos comptes…

Prix à l’usage

Surtout, le prix du carburant n’est pas le seul à prendre en compte. Pour pouvoir comparer ce que coûte réellement votre véhicule à l’usage, il faut estimer son prix de revient, ce que les spécialistes appellent le TCO – Total Cost of Ownership. Celui-ci s’articule autour de trois postes: la valeur de la voiture, la fiscalité et les frais d’utilisation (carburant, assurances, entretiens, réparations, etc.). De nombreux calculateurs en ligne permettent d’estimer le TCO pour chaque modèle de véhicule, selon sa motorisation et l’utilisation qui en est faite. Mais la plupart des paramètres sont influencés par le type de carburant utilisé. On en revient au cœur de notre match.

D’abord le prix. C’est-à-dire le prix d’achat de la voiture moins sa valeur résiduelle, soit ce que l’on peut espérer en obtenir à la revente. Certaines marques, certains modèles, se revendent nettement plus cher en seconde main que d’autres, voyez l’ argus. Surtout, au fil des années, les véhicules à moteur thermique se déprécient de plus en plus, a fortiori ceux qui roulent au diesel ou dont la norme Euro ne permet plus l’accès aux zones basses émissions (LEZ). Rappelons que le diesel sera banni de Bruxelles dès 2030 et l’essence en 2035, année où la vente de véhicules thermiques neufs sera interdite dans l’UE.

Quant au prix d’achat, à modèles comparables, les électriques et hybrides rechargeables restent, en moyenne, 20 à 40% plus chers que les thermiques – différence plus réduite pour les modèles haut de gamme comme les SUV. Certaines études annonçaient que le fossé aurait disparu d’ici à quatre ou cinq ans, mais c’était avant la guerre en Ukraine, qui a notamment entraîné l’explosion des prix de plusieurs composants des batteries. De leur côté, les modèles roulant au LPG ou au CNG coûtent en moyenne 3 000 euros de plus mais, en Wallonie, une prime de 500 euros est accordée à l’achat d’un véhicule CNG.

Demain, ma voiture électrique? Bof, bof (sauf à Bruxelles)

Publiée le 20 septembre, une étude Mobia, la coupole qui réunit les fédérations de mobilité Febiac, Renta et Traxio, montre que les Belges ne possédant pas encore de voiture électrique ont moins l’intention de s’y convertir, dans les deux ans, que l’an dernier: ils sont 60% à ne pas l’envisager en 2022 contre 49% en 2021. Surtout en Wallonie (36% d’intention) et en Flandre (42%), alors qu’à Bruxelles une majorité (61%) y est acquise. Mobia suggère donc des «mesures de soutien, de calendrier, d’infrastructure et d’attention pour le parc automobile équipé d’une motorisation thermique».

Coup de pouce fiscal

Côté frais d’utilisation, hormis les carburants, des postes comme les assurances, les pneus, les réparations, les frais de parking sont peu ou pas influencés par le type de moteur. Au contraire des entretiens, nettement moins chers pour les véhicules électriques, car moins fréquents (généralement tous les 30 000 km) et moins friands en consommables: ni huile, ni vidange, ni filtres, ni bougies, peu de pièces mécaniques à changer et pas de boîte de vitesse manuelle ni d’embrayage, donc pas d’usure. Ce n’est pas le cas des hybrides, souligne le Moniteur automobile, qui ont aussi un moteur thermique et coûtent globalement la même chose à l’entretien.

Idem pour le LPG mais pas pour le CNG, à la combustion moins sale que l’essence ou le diesel, ce qui contribue à réduire les coûts d’entretien. Autre avantage: moins de contraintes mécaniques, donc durée de vie plus longue du moteur. Quant aux rares voitures à hydrogène déjà disponibles, elles nécessitent un intervalle d’entretien similaire à celui d’une hybride (un an ou 15 000 km). «Toyota affirme même, à propos de sa Mirai, précise le magazine, que les frais d’entretien sur 90 000 km sont limités à 500 euros, contre 900 euros pour une Lexus CT 200 h, par exemple. Sur le papier, cela semble intéressant, même s’il reste des incertitudes sur la durée de vie d’une pile à combustible

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Reste l’aspect fiscal. Une partie est du ressort des Régions, celle qui concerne la taxe de mise en circulation (TMC, à payer au moment de l’achat) et la taxe de circulation annuelle. Les montants varient fort d’une Région à l’autre mais plus le taux d’émission est faible, moins la taxe sera élevée. Avantage aux véhicules électriques, roulant au CNG et à l’hydrogène et aux hybrides plug-in, dont le taux d’émission officiel est réduit par rapport aux moteurs diesel, essence ou LPG. En Wallonie, une réforme de la fiscalité auto, censée entrer en vigueur 1er septembre 2023, accentuera encore les différences entre véhicules très et peu polluants, pour les nouvelles immatriculations.

Enfin, les contribuables qui peuvent déduire leurs frais professionnels sont avantagés par l’existence d’un taux de déductibilité plus élevé pour les véhicules les plus verts. Mais à partir de 2026, plus aucune déduction ne sera admise pour les voitures à moteur thermique. Pour les voitures sans émission carbone, la déductibilité actuelle de 100% baissera progressivement à 95% pour celles achetées en 2027 jusqu’à 67,5% pour celles achetées en 2031.

2021, année du basculement

Comment s’y retrouver, au bout du compte? En essayant d’agréger tous ces paramètres sur l’un des nombreux simulateurs disponibles en ligne, pour comparer les modèles. En prenant aussi d’autres critères en considération: disponibilité, présence de bornes de rechargement, habitudes de conduite… Et en sachant que les sociétés de leasing privilégient de plus en plus l’achat de véhicules électriques, ce qui est un bon indicateur du coût relatif des différentes motorisations.

C’est aussi ce que confirme la dernière étude réalisée par l’un des leaders européens du secteur. Selon l’indice du coût à l’usage (TCO) des différents types de véhicule publié chaque année par LeasePlan, il s’est même produit un basculement en 2021: pour une utilisation moyenne de 30 000 km par an, la voiture électrique compacte moyenne est devenue plus avantageuse que ses homologues à combustion. C’est vrai dans la plupart des pays d’Europe et notamment en Belgique, mais pas encore dans tous les segments automobiles. Et c’était avant la flambée des prix de l’électricité

Les principaux carburants

Essence. Carburant le plus utilisé en Belgique (trois millions de véhicules en circulation en 2021). Moins polluant et désormais moins cher à l’achat que le diesel, mais use plus vite les moteurs.

Diesel. Use moins les moteurs à compression qui roulent à un régime inférieur et durent donc plus longtemps mais sont plus chers à l’achat et à l’entretien. Emet plus de particules fines et d’oxydes d’azote, raison pour laquelle il est progressivement banni de nombreuses villes et régions d’Europe. En Belgique, les ventes de véhicules diesel se sont effondrées ces dernières années mais on en dénombre encore 2,5 millions.

Électrique. N’émet ni CO2 ni particules, demande peu d’entretien et est fiscalement avantageux – mais plus coûteux à l’achat, à performances équivalentes aux moteurs à combustion. Principal inconvénient: l’autonomie des batteries, même si leurs performances s’améliorent rapidement. On en comptait 52 000 en Belgique en 2021.

Hybride. Un moteur à combustion classique et un électrique, d’une autonomie (très) limitée, pour un même véhicule. Plus écologique, convient parfaitement aux utilisateurs urbains ne dépassant pas quelques dizaines de kilomètres par jour. Certains modèles se chargent eux-mêmes en roulant. On en dénombrait 120 000 l’an dernier en Belgique.

Gaz. Le LPG (gaz de pétrole liquéfié), un mélange de butane et de propane, tend à être remplacé par le CNG (gaz naturel comprimé). La voiture est équipée d’un réservoir spécifique qui coûte environ 2 000 euros et occupe de la place. Carburant économique et peu polluant, mais pas disponible dans toutes les stations-service. Environ 35 000 véhicules en circulation.

Hydrogène. Encore rarissime (seuls deux modèles sont vendus à l’heure actuelle en Belgique), la voiture fonctionne avec une pile à combustible qui transforme l’hydrogène en électricité. Energie 100% renouvelable, non polluante, issue de la nature et donc inépuisable. Mais processus de transformation encore peu écologique et prix d’achat très élevé.

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