A 9 500 euros minimum, la microcar est surtout réservée aux ados dont les parents sont aisés, même si un marché de l’occasion se développe. © getty images

Microvoiture: pourquoi tout roule pour Aixam et ses concurrentes

La microvoiture – et non pas «voiture sans permis» – casse les préjugés pour faire son petit trou auprès des jeunes. Et apporter sa pierre à l’édifice de la mobilité douce.

Ça aurait pu se résumer à une blague. Un séjour à la mer entre copains, une discussion sur les incessants trajets pour véhiculer les enfants, une Aixam qui passe par là et une réflexion qui fuse: «Je verrais bien Axelle dedans!» «J’ai tout de suite accroché à l’idée de la voiturette», se souvient Luc Michaux, originaire de la région de Ciney.

De retour chez lui, ce garagiste prend des renseignements puis craque pour une petite Chatenet à l’esthétique proche d’une Mini. Avant même d’avoir complètement convaincu sa fille Axelle, 16 ans à l’époque. «Mes parents faisaient le taxi, donc je ne réfléchissais pas à me déplacer seule», confesse l’intéressée.

Au début, elle n’est d’ailleurs pas du tout emballée par l’idée de se déplacer en cacahuète mobile. «Les amis de papa se moquaient du bruit qu’elle faisait (rires) et j’étais vraiment gênée de la montrer à l’école. Depuis, je m’y suis habituée, mais je ne me suis jamais garée dans le parking officiel.»

Depuis que je la conduis, c’est comme si j’avais grandi d’un coup: je fais ma vie de mon côté.

Des chiffres significatifs

Le début des années 2020 est tout frais, mais il rappelle une période où le «quadricycle léger» était encore majoritairement considéré comme un engin réservé aux seniors et aux personnes handicapées. En 2021, 839 véhicules neufs de ce genre ont été immatriculés en Belgique, contre 684 pour la seule période de janvier à août 2023. Des chiffres dérisoires à l’échelle nationale des ventes de voitures, mais significatifs pour une voiturette de maximum 425 kilos dont le moteur ne dépasse pas 4 kW et la vitesse maximale 45 km/h. Une bagnole, en sus, interdite sur les autoroutes et les pistes cyclables.

En ville mais pas que

Terminé l’image de pot de yaourt, les constructeurs veulent redorer le blason des microvoitures. Travail sur l’esthétique, utilisation de couleurs flashy, appel à des influenceurs pour couvrir une sortie… les idées ne manquent pas pour faire entrer Aixam, Microcar, Casalini, Chatenet ou encore Ligier dans la pop culture.

La petite AMI y figurerait déjà grâce à TikTok, selon Jonathan Vercellino. Le directeur marketing de Citroën BeLux précise que le succès de ce véhicule électrique, commercialisé en 2021, est également dû à la faible diversité d’éléments qui le composent – les faces et côtés sont, par exemple, interchangeables –, ce qui réduit son prix et assure une empreinte carbone limitée.

«A la base, on pensait surtout la vendre dans des centres ultra-urbains car AMI répond à un besoin de mobilité sur des courtes distances et dans des zones à basse émission, précise Jonathan Vercellino. On constate pourtant que le quadricycle a aussi son succès en milieu rural: les petits trajets qui ne nécessitent pas de grosse voiture ne sont pas réservés à la ville!». Côté chiffres, le directeur marketing avance une moyenne annuelle de cinq cents commandes pour AMI, cet engin erronément appelé «voiture sans permis».

Permis obligatoire

Le quadricycle léger n’est en effet accessible sans document officiel qu’aux seules personnes nées avant le 15 février 1961. Les autres doivent suivre un cycle de cours obligatoire pour décrocher le permis AM, pour « apprenti motocycliste ».

La partie théorique est un condensé des connaissances nécessaires au permis B, sans les chapitres dédiés à la remorque ou l’autoroute, notamment. Après quatre heures de cours, la conduite du requérant est évaluée en terrain privé et public sur la qualité de ses manœuvres avec obstacles, son créneau, sa marche arrière entre des piquets ou encore son demi-tour sur route.

«Ça n’a pas été trop compliqué», souffle Axelle. Après quelques premiers tours plus hésitants dans son village – «j’avais la hantise de croiser des voitures» – l’ado avait au préalable pris l’habitude de rouler une heure par semaine avec son père pendant un petit trimestre.

Les autoécoles et centres d’examen ne disposant pas encore tous de quadricycles légers pour les postulants, l’épreuve la plus difficile a finalement consisté pour Axelle à se rendre sur place sans emprunter l’autoroute, soit un défilé de villages et de champs de nonante kilomètres aller-retour. «Ma mère n’en pouvait plus!»

Le confort, oui…

Neuve, une voiturette coûte entre huit mille et 9 500 euros en premier prix contre 1 500 euros pour un scooter bas de gamme. C’est plutôt clair: la microvoiture est surtout réservée aux ados dont les parents jouissent d’une situation financière aisée, même si un marché de seconde main commence à se développer.

C’est d’ailleurs sur Internet que Luc a trouvé sa Chatenet, rachetée pour six mille euros et ensuite récupérée quelque part dans le Brabant wallon. «Depuis, Axelle a parcouru sept mille kilomètres en deux ans pour aller à l’école, à la gym et faire du baby-sitting, s’enthousiasme le padre. Si on avait continué à la conduire partout, on aurait dépensé 14 000 kilomètres de diesel.»

L’AMI électrique de Citroën fait désormais partie de la pop culture grâce à TikTok.
L’AMI électrique de Citroën fait désormais partie de la pop culture grâce à TikTok. © getty images

La microvoiture, elle, consomme peu, rarement au-dessus de trois litres aux cent kilomètres, soit moins qu’une mobylette. «Les assurances coûtent pratiquement la même chose que pour une moto, soit autour de deux cents euros par an», ajoute Luc Michaux.

Côté entretien, c’est très simple: sans puissance, difficile d’user grand-chose. Le frein moteur épargne les pneus et les vidanges d’huile moteur sont rares. «C’est un véhicule à quatre roues confortable avec chauffage, radio et de la place pour mettre ses affaires», poursuit le quinqua namurois, convaincu par cette sécurité en comparaison avec celle du scooter. «On a malgré tout drillé Axelle: ce n’est pas parce que sa voiture est différente que la circulation change. On lui a demandé de rouler exclusivement sur les petites routes et d’éviter celles à 90 km/h avec les bosses et la vitesse des autres.»

… mais la sécurité ?

Les autres, cet enfer? La jeune fille ne raffole en tout cas pas des innumérables chauffeurs qui lui collent au train ou la dépassent à la moindre ligne droite. «Dans cette voiture, je me sens à la fois en sécurité et oppressée

Un avis appuyé par Benoit Godart, porte-parole de l’Institut Vias, selon qui les utilisateurs des quadricycles légers sont plus en danger qu’ils ne sont dangereux. «Les marques ont fait de gros efforts pour faire ressembler ces voiturettes à de vraies voitures. C’est un problème. De loin, on peut les confondre avec des autos classiques, surestimer leur vitesse et arriver trop vite… d’autant qu’elles ne se dépassent pas aussi facilement qu’un vélo.» En cas d’accident, le poids plume du quadricycle joue évidemment en sa défaveur. «Même les plus petites voitures pèsent au minimum une tonne et demie, assure Benoit Godart. Face à 450 kilos maximum, c’est le pot de terre contre le pot de fer.»

Mobilité douce

La tendance peut-elle devenir fait de société? «Cela participe d’une vieille utopie de la communauté des petites autos, assure Xavier Tackoen, administrateur délégué du bureau d’études Espaces-Mobilités. Même si la Chine opère actuellement un gros développement de microcars qui pourraient débarquer ici, il s’agit avant tout d’un marché de niche de véhicules assez onéreux par rapport à ce qu’ils offrent.»

Le spécialiste bruxellois doute que ces petites boîtes mobiles constituent de véritables révolutions comme le sont les vélos cargo et longtail, qui permettent de transporter facilement des poids plus importants. «En ville, le quadricycle léger n’apporte pas grand-chose de plus parce qu’il se retrouve de toute façon dans la congestion automobile et que même s’il peut faire gagner un peu en stationnement, il lui faut néanmoins de la place.»

Une certaine liberté

A la campagne, la situation est un peu différente, vu les limites évidentes que rencontre l’offre de transport public. Axelle habite dans un village sans gare, desservi par une seule ligne de bus plutôt avare sur les horaires. «Il y a là un potentiel pour le quadricycle léger, fixe Xavier Tackoen. D’autant que le vélo est moins pratique lors de soirées hivernales sur certaines routes peu éclairées.»

Face à ce qu’il appelle une SUVisation des flottes, soit une augmentation générale des tailles et poids des voitures, Xavier Tackoen concède que la voiturette peut contribuer à promouvoir la mobilité légère. «Elle est très pratique pour répondre à un besoin ponctuel, elle a donc un intérêt réel en matière de partage de véhicules.» Et il insiste: «Vu son prix, elle se limite toutefois à une petite partie de l’offre générale de transport, notamment dans les zones où seule la mobilité légère est admise.»

Aujourd’hui, Axelle a 18 ans. Elle étudie les sciences biomédicales et utilise sa Chatenet exclusivement le week-end. «Je préviens mes parents chaque fois que je la prends, et ils ne m’ont jamais interdit de m’en aller, glisse-t-elle. Depuis que je la conduis, je ressens une plus grande liberté, une indépendance. C’est comme si j’avais grandi d’un coup: je fais ma vie de mon côté, je vais manger avec mes potes, je prends mon temps… C’est un pas de plus vers l’âge adulte.» Et là, plus question de blague.

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