
Accidents de la route et comportements au volant: les statistiques inavouables des Belges
En 2023, le nombre d’infractions routières a atteint 8,4 millions, principalement liées à des excès de vitesse. Mais le baromètre européen de la Fondation Vinci Autoroutes met en lumière d’autres entorses au code de la route en Belgique. Accidents, comportements dangereux au volant… La marge de progression reste considérable.
Le 14ᵉ baromètre de la mobilité européenne de la Fondation Vinci Autoroutes dresse un bilan mitigé des comportements des Belges sur la route. Il met en évidence des lacunes souvent inavouables, des manquements aux règles élémentaires qui, en 2023, ont causé 33.340 accidents, 44.742 blessés et 501 morts.
Premier enseignement à tirer du baromètre: les Belges sont presque toujours au-dessus de la moyenne européenne. Pour le meilleur comme pour le pire. Neuf usagers sur dix commettent des excès de vitesse, contre huit sur dix à l’échelle européenne. Le Belge a le pied lourd. Mais surtout, il ne supporte pas ceux qui monopolisent la bande du milieu sur l’autoroute. Dans plus d’un tiers des cas, il dépasse alors par la droite, une manœuvre strictement interdite et sanctionnée par une amende de 116 euros, pouvant aller jusqu’à 2.000 euros et un retrait de permis de huit jours à cinq ans si l’affaire passe devant le tribunal de police. Une mesure exceptionnelle, mais à la disposition du procureur du Roi.
Le SPF Mobilité et Transports rappelle que les principales causes d’accidents sont: «La vitesse, l’alcool, l’utilisation du GSM et le non-port de la ceinture de sécurité. Le téléphone multiplie par quatre le risque d’accident, la vitesse joue un rôle dans 30% des cas et 38% des usagers gravement blessés présentaient un taux d’alcool supérieur à la limite légale de 0,5 g/l de sang.»
Sur le plan de l’alcool, les Belges ont encore des progrès à faire. Toutes tranches d’âge confondues, un usager sur dix avoue conduire sous l’emprise de l’alcool, contre 7% au niveau européen. Les conducteurs de moins de 35 ans plombent cette moyenne: 19% d’entre eux déclarent avoir déjà conduit en état d’ébriété, contre 25% en Europe. Pas de quoi se réjouir. Le SPF Mobilité insiste: «Ce taux devrait tendre vers zéro. En moyenne, 4.210 accidents par an sont liés à l’alcool.» Côté cannabis, environ 3% des Belges reconnaissent avoir pris le volant sous son influence.
L’usage du smartphone au volant reste un fléau en Belgique. Et ses usages à risque évoluent: un quart des jeunes de moins de 35 ans regardent des vidéos en conduisant. La quasi-totalité des conducteurs belges utilisent leur téléphone au volant pour régler le GPS, téléphoner, envoyer des SMS ou écouter de la musique avec un casque ou des écouteurs.
Depuis 2022, cette infraction est classée au troisième degré, au même niveau que le franchissement d’un feu rouge ou l’emprunt de la bande d’arrêt d’urgence. Elle est sanctionnée par une amende de 174 euros, un retrait immédiat du permis en cas de danger avéré, et une déchéance du droit de conduire laissée à l’appréciation du procureur du Roi.
Les Belges, des nerveux?
L’éternelle guerre entre les pro- et anti-clignotants se reflète dans les chiffres du baromètre. La moitié des Belges admettent les oublier régulièrement. Ce chiffre est particulièrement significatif: c’est l’un des comportements au volant qui provoque le plus d’agacement, devant les usagers qui collent, squattent la bande du milieu ou se garent en double file. Le service de presse de Touring, spécialiste des données routières, précise: «Cet oubli n’est pas anodin. Il peut accroître l’agressivité, engendrer des comportements dangereux, et donc augmenter les risques d’accident. Oublier un clignotant, c’est risquer un effet boule de neige».
Mais il en faut plus pour énerver les Belges: 39% se considèrent courtois au volant, même si un sur deux avoue insulter occasionnellement un autre usager. Lorsqu’il s’agit de descendre de son véhicule pour s’expliquer, la moyenne chute à un sur six. Malgré tout, la quasi-totalité des conducteurs belges se disent «convaincus d’être exemplaires au volant», car «les mauvais conducteurs, ce sont les autres (76%)».
Et pourtant, les Belges semblent savoir lever le pied: 81% déclarent s’arrêter en cours de trajet pour faire une sieste, soit 20 points de plus que la moyenne européenne. «Les conducteurs belges sont ceux qui ont le mieux intégré la sieste dans la gestion de leurs longs trajets», souligne la Fondation Vinci Autoroutes.
Réaction du gouvernement
Le ministre fédéral de la Mobilité, Jean-Luc Crucke (Les Engagés), a rappelé les mesures fortes qu’il entend mettre en œuvre en réaction à ces chiffres: «Je m’engage à mener une politique de sécurité routière ambitieuse, centrée sur les comportements réellement problématiques et les récidivistes de faits graves, plutôt que sur les excès de vitesse limités. Les contrevenants fréquents pourraient être automatiquement convoqués devant le tribunal de police, avec des formations à la sécurité routière proposées en alternative.»
Autre nouveauté dans son discours: Jean-Luc Crucke souhaite établir une base de données des récidivistes, en coopération avec les entités fédérées et le SPF Justice, afin de «lutter contre l’impunité et miser sur le changement de comportement.»
Les habitudes dangereuses des Belges ne passeront donc bientôt plus inaperçues et seront sévèrement punies. Du moins, si l’ambition du ministre venait à se réaliser.
La Wallonie en demi-teinte, la Flandre plombe la moyenne
«L’objectif wallon de ne pas dépasser 100 tués sur les routes d’ici 2030 semble presque illusoire sans une modification drastique des comportements, tant individuels que collectifs», analyse l’Agence wallonne pour la Sécurité routière (AWSR). En 2023, la Wallonie a enregistré 10.211 accidents, 207 morts, 725 blessés graves et 9.279 légers.
En Flandre, les chiffres explosent: 22.871 blessés, 262 morts, 2.162 blessés graves et 20.447 légers. Cette surreprésentation s’explique notamment par un nombre plus important d’usagers cyclistes, particulièrement vulnérables.
Le Département Mobilité et Travaux publics (MOW) du gouvernement flamand identifie plusieurs causes: «D’abord, la densité du trafic est plus élevée. La Flandre est fortement urbanisée, traversée de nombreuses voiries secondaires où cohabitent voitures, cyclistes, piétons et trottinettes. Cette mixité accroît le risque d’accident. Ensuite, les comportements dangereux persistent: vitesse excessive, usage du smartphone, franchissement de feux rouges, conduite sous influence. Enfin, l’urbanisme flamand offre peu de marge pour réaménager certains carrefours, compliquant la création de pistes cyclables séparées ou de feux sans conflits.»
Bruxelles, un contre-exemple?
La capitale, souvent critiquée pour sa circulation chaotique, surprend. En 2023, Bruxelles a enregistré 3.773 accidents, 3.614 blessés légers, 153 graves et 6 morts. Un résultat perfectible, certes, mais la mortalité a chuté de 70% depuis 2020. En moyenne, dix accidents surviennent chaque jour en région bruxelloise, majoritairement légers. Les cyclistes, piétons et utilisateurs de trottinettes représentent à eux seuls 54% des blessés.
L’Observatoire Good Move le rappelle: «L’objectif affiché est d’atteindre zéro tué et zéro blessé grave d’ici 2030.»
Particularités européennes
- France: champions des insultes, 68% des conducteurs reconnaissent insulter régulièrement d’autres automobilistes.
- Grèce: feux rouges optionnels, 72% avouent franchir un feu orange ou rouge.
- Pologne: tempérament explosif, 36% sont déjà sortis de leur voiture pour «s’expliquer».
- Portugal: alcool quotidien, ceinture rare, 40% boivent avant de conduire, seulement 6% portent la ceinture en ville.
- Italie: pas vu, pas pris, moins de 1% déclarent avoir subi un alcootest.
- Suède: exemplaires ou presque, 74% portent la ceinture, 80% se sentent mal à l’aise sans.
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