L’électrique n’est pas plus avantageux que les carburants sur le plan de l’environnement
Entre les pubs pour voiture électrique remplies de vrais chevaux et celles vantant les vertus des microalgues dans le carburant du futur, difficile de s’y retrouver entre impact environnemental réel et greenwashing. Et de désigner un vainqueur indiscutable.
C’est principalement au dioxyde de carbone (CO2) issu des énergies fossiles qu’il faut attribuer la hausse de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, donc le changement climatique. Les véhicules roulant à l’essence, au diesel ou au gaz sont dès lors immédiatement disqualifiés quand il s’agit de bilan environnemental. L’immense majorité du parc automobile actuel est visée. Alors, quelles sont les solutions?
C’est bon, c’est bio?
En 2020, plus d’un milliard de litres de biocarburants ont été consommés en Belgique. Un record. Contrairement à l’essence et au diesel traditionnels, les biocarburants sont fabriqués à base d’une matière première renouvelable (éthanol à partir de maïs, blé, betterave, canne à sucre, ou biodiesel à partir de colza, huile de palme, soja). «Du CO2 est bel et bien émis lors de la combustion du carburant, mais il est issu de CO2 atmosphérique, par la photosynthèse des plantes, dans un cycle court, à l’échelle d’un ou deux ans, précise l’ingénieur français Anthony Benoist, chercheur au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et spécialiste des biocarburants. Par contre, la transformation de la biomasse pour produire un biocarburant est généralement plus compliquée que pour les carburants fossiles, et a donc un impact plus important.»
Autre problème, de taille: le changement d’affectation des sols que les biocarburants induisent, qu’il soit direct – on remplace une forêt par un champ de colza – ou indirect – un champ de colza change de finalité, de ressource alimentaire à biocarburant, ce qui déclenche une chaîne de conséquences pour compenser le colza alimentaire perdu. «On affecte alors le carbone stocké depuis des siècles dans les sols des prairies ou des forêts, poursuit Anthony Benoist. Pour cette raison, la première génération de biocarburants est dans une impasse.» Une impasse qui s’étend aussi au biogaz produit à partir de cultures alimentaires, comme le maïs.
Aujourd’hui, la production de biocarburants reste une promesse plus qu’une réalité.
Ce problème est contourné par les biocarburants de deuxième génération, produits à partir de résidus de cultures ou d’industries agroalimentaires. «Mais au plan technologique, tout n’est pas encore au point, souligne le chercheur du Cirad. Ou, quand c’est au point au plan économique, il faut de grandes unités, mobilisant beaucoup de ressources, sur des rayons assez étendus. Aujourd’hui, cette production n’est pas à un stade industriel suffisamment important. Ça reste une promesse plus qu’une réalité.» Notons que ce problème d’approvisionnement à grande échelle se pose aussi pour le biogaz produit à partir de «déchets».
Quant aux biocarburants de troisième génération, à partir de microalgues, beaucoup de questions se posent encore sur la manière d’en extraire les matières huileuses. «Techniquement, le pas à franchir est encore plus grand que pour la deuxième génération», affirme Anthony Benoist. «Même la Commission européenne n’intègre pas de biofuel à partir d’algues dans ses projections à 2050, relève de son côté Laura Buffet, directrice de l’équipe énergie chez Transport & Environment, fédération regroupant une cinquantaine d’ONG concernées par ce sujet. Mais l’argument a été utilisé par certaines compagnies pétrolières pour dire qu’elles avaient trouvé le carburant du futur et que, grâce à cela, on pouvait maintenir le véhicule thermique.» Du greenwashing, encore…
Avantages et inconvénients des principaux carburants et motorisations en matière d’impact environnemental
Zéro émission? Vraiment?
Abandonner le moteur thermique semble donc inévitable. C’est d’ailleurs ce qu’a validé, en juin dernier, le Parlement européen: la fin de la vente de moteurs thermiques en 2035. Tous les regards se tournent donc vers la voiture électrique – et 100% électrique plutôt qu’hybride. Si le «zéro émission» est vrai quand la voiture roule, est-elle vraiment si durable quand on considère tout son cycle de vie?
«Concernant les émissions de CO2, la fabrication d’une voiture électrique consomme deux fois plus d’énergie que la fabrication d’une voiture classique puisque, grosso modo, la fabrication de la batterie consomme autant d’énergie que la fabrication de la voiture, détaille Nicolas Meilhan, ingénieur et expert de la voiture électrique chez EV-Volumes.com. Il est donc important d’essayer de fabriquer cette voiture électrique et cette batterie avec de l’énergie décarbonée. Ce serait possible, mais ce n’est pas le cas puisque 80% des cellules des batteries sont faites en Chine, où l’énergie est produite essentiellement à partir de charbon et de gaz.»
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Une fois la voiture construite, il faut l’alimenter. De ce point de vue, le bilan carbone sera différent dans chaque pays, en fonction du mix électrique pratiqué. «Plus l’électricité sera carbonée moins l’effet sera positif, résume Nicolas Meilhan. Comme 40% de l’électricité mondiale provient du charbon, globalement, l’impact n’est pas significatif sur les émissions de CO2. D’autant moins que de plus en plus de voitures électriques sont des SUV. L’ impact positif du développement des voitures électriques depuis 2010 a été six fois moins important que l’impact négatif du développement des SUV. Si on ne fait rien pour changer cela, tous les gains associés à la voiture électrique sur le CO2 seront annulés par l’augmentation de la taille des véhicules. Ce qu’il faut, ce ne sont pas des tanks électriques mais des véhicules légers, plus petits, fabriqués le plus possible en Europe, avec une petite batterie et si possible sans métaux critiques comme le cobalt ou le nickel. Des véhicules bien dimensionnés pour leur usage: les trajets du quotidien. Mais en ville, l’idéal, c’est encore de se passer de la voiture quand c’est possible.»
Quant à ceux qui placent leurs derniers espoirs dans l’hydrogène, l’autre voie «zéro émission», qu’ils ne se fassent pas d’illusions: «Au niveau énergétique, l’hydrogène a un rendement moindre par rapport aux véhicules électriques, souligne Laura Buffet. De toute façon, pour le moment, l’hydrogène européen est principalement produit à partir de gaz naturel. L’UE investit beaucoup dans l’hydrogène renouvelable, mais la technologie est encore chère et très énergivore. En plus, cet e-fuel aura plutôt un rôle à jouer pour les transports longues distances impossibles à électrifier, notamment dans l’aviation.»
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