Insécurité à la Gare du Midi : « Bruxelles mérite mieux qu’un jeu politique où chacun se refile le valet puant »
Face à l’insécurité grandissante aux abords de la Gare du Midi, le Premier ministre Alexander De Croo a pris les devants et réuni les interlocuteurs concernés. Après un premier travail de débroussaillage, l’objectif est d’accoucher de mesures concrètes dans les semaines à venir. Une commission d’urgence pourrait également se tenir au Parlement bruxellois début septembre.
Une situation dramatique. » Vendredi, la CEO de la SNCB Sophie Dutordoir dénonçait vigoureusement la multiplication des nuisances et des incivilités aux abords de la Gare du Midi. Dans un courrier adressé aux autorités fédérales, régionale et communales, la patronne des chemins de fer exigeait des mesures rapides pour renforcer tant la sécurité que la propreté dans la gare la plus fréquentée du pays.
Visiblement, son signal d’alarme a largement résonné au 16, rue de la Loi. A peine trois jours plus tard, le Premier ministre prenait le taureau par les cornes et organisait une réunion de travail sur cet épineux dossier. L’objectif du libéral était de réunir autour d’une même table l’ensemble des interlocuteurs concernés. Véritable illustration de la lasagne institutionnelle belge, le cas de la Gare du Midi est en effet complexe et implique différents niveaux de pouvoir et portefeuilles de responsabilité.
Fédéral, régions et communes
Au sommet de l’iceberg, le fédéral est compétent sur deux volets principaux : l’Intérieur (pour les questions de police et de sécurité) et la Mobilité (pour la SNCB). Au vu du nombre de demandeurs d’asile et de sans-papiers qui peuplent les abords de la gare, le ministère de l’Asile et de la Migration a également son rôle à jouer. Logiquement, la Région de Bruxelles-Capitale détient elle aussi une grande part de responsabilité dans le dossier. Enfin, au niveau local, les communes de Saint-Gilles et d’Anderlecht sont également compétentes sur plusieurs matières en raison de l’implantation de la gare sur leurs territoires.
La réunion de lundi a donc rassemblé les chefs de cabinet des ministres de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V), de la Mobilité Georges Gilkinet (Ecolo) et de l’Asile et de la Migration Nicole de Moor (CD&V), un représentant du ministre-président de la Région bruxelloise Rudi Vervoort (PS) ainsi que les bourgmestres d’Anderlecht et de Saint-Gilles, Fabrice Cumps (PS) et Jean Spinette (PS).
« En tant que Premier ministre, c’était le rôle d’Alexander De Croo de réunir tous ces acteurs, indique son cabinet. Ce qu’on a constaté ces derniers jours et ces dernières semaines, c’est qu’au lieu de se parler, ces différents intervenants se renvoyaient la balle des responsabilités. Or, Bruxelles mérite mieux qu’un jeu politique où chacun se refile le valet puant plutôt que d’essayer de travailler ensemble à des solutions. » Une initiative saluée par le ministre de la Mobilité Georges Gilkinet, qui dit pleinement souscrire aux revendications de Sophie Dutordoir : « La problématique est multifactorielle. On ne trouvera pas une solution avec un seul levier. »
Un commissariat dans la gare du Midi?
Cette réunion de travail a permis à chacun d’exprimer son point de vue et de faire part de ses pistes de solution, qui seront concrétisées au cours d’une nouvelle réunion – décisionnelle, celle-ci – dans le courant de la semaine prochaine. Parmi les idées évoquées, notamment, la nomination d’un coordinateur, qui présiderait une instance unique en charge du dossier. Le nom de Sophie Lavaux, haute fonctionnaire de l’Agglomération bruxelloise (dépendant tant de la Région que du fédéral) est cité. La SNCB propose également aux zones de police concernées d’installer un commissariat à proximité de la gare, voire même hébergé en son sein.
De son côté, Georges Gilkinet plaide pour une meilleure occupation de l’espace autour de Bruxelles-Midi et pour de meilleures infrastructures. « Evidemment, une plus grande présence policière ou d’agents de propreté permettront des améliorations, mais la solution réside surtout dans les questions d’urbanisme, de logement, d’éclairage et d’équipements », estime le ministre. L’installation du siège administratif de la SNCB au sein du Centre de tri postal de Saint-Gilles ou la réhabilitation d’un immeuble appartenant à la Régie des bâtiments en un véritable lieu de travail, par exemple, engendreraient un certain « contrôle social » : « La situation sécuritaire s’est encore dégradée depuis le Covid, car aujourd’hui les bureaux sont à trois-quarts vides en raison du télétravail. Or, la présence massive de fonctionnaires permettrait une forme d’auto-contrôle de la population. »
Une commission d’urgence en septembre?
Dans l’opposition, la N-VA a élaboré un plan, dévoilé mercredi, qui comprend notamment l’interdiction par la Région bruxelloise de la consommation d’alcool ou de la mendicité dans les gares et environs, pendant la nuit. Le parti flamand plaide également pour une interdiction de la prostitution de rue et la limitation de la prostitution fixe à quelques zones définies.
Quelles que soient les pistes privilégiées, l’ensemble des acteurs s’accorde sur la nécessité de prendre urgemment des mesures. Au Parlement bruxellois, Groen, soutenu par Ecolo et le PS, a d’ailleurs demandé la tenue d’une commission d’urgence sur le sujet, révèle La Libre mercredi après-midi.
« La Gare du Midi – et ça vaut aussi pour la Gare du Nord – est une entrée ferroviaire dans Bruxelles, la capitale de l’Europe. Des milliers de personnes (plus de 50.000, NdlR), Belges et étrangers, la fréquentent chaque jour. Il est capital d’en donner une meilleure image et, surtout, d’offrir une meilleure expérience de voyage aux usagers », conclut Georges Gilkinet.
Selon des données récoltées par nos confrères du Standaard, de Het Nieuwsblad et de Gazet van Antwerpen, la Gare de Bruxelles-Midi est le théâtre de quelque 3.500 infractions pénales par an, soit une dizaine par jour. Un nombre plus important que celui recensé dans les gares des 13 plus grandes villes flamandes réunies.
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