Bientôt flashé dès 124km/h sur l’autoroute? Pourquoi Vias veut abolir «une loi d’un autre temps»
Vias, l’Institut de sécurité routière, souhaite réduire la marge de tolérance technique des radars de vitesse. Les automobilistes pourraient ainsi être flashés dès qu’ils dépassent 53km/h dans les agglomérations ou 123,6 km/h sur l’autoroute. De son côté, Touring déplore une «persécution des conducteurs».
Plus de 44.000 blessés et 483 tués. Tel est le bilan 2023 des accidents de la route en Belgique, selon les dernières statistiques révélées par Vias, l’Institut de sécurité routière. Malgré une baisse constante du nombre de morts sur les axes belges depuis dix ans, l’objectif «All for Zero» (NDLR: zéro décès) affiché par les autorités pour l’horizon 2050 semble encore hors de portée.
Pour se rapprocher un peu plus des ambitions fédérales, Vias entend serrer la vis. Notamment en s’attaquant drastiquement aux excès de vitesse, responsables de 10 à 15% des accidents de la route et de 30% des accidents mortels. L’Institut de sécurité routière propose ainsi de réduire la marge de tolérance technique des radars.
Suivre l’exemple des Pays-Bas
A l’heure actuelle, cette norme est fixée à 6km/h jusqu’à 100 km/h et à 6% au-delà. Autrement dit, un automobiliste peut rouler jusqu’à 56km/h sur une route d’agglomération (habituellement limitée à 50) sans risquer de se faire flasher, et jusqu’à 127,2km/h sur un autoroute. «Cette marge de tolérance technique a vu le jour dans les années 1970-1980, quand les premiers radars sont nés et qu’ils étaient encore imprécis, contextualise Benoît Godart, porte-parole de Vias. Mais en 40 ans, ces appareils ont évolué et gagné en fiabilité. Cette loi d’un autre temps n’a simplement plus de sens aujourd’hui.»
Vias estime que cette marge pourrait être réduite de moitié, pour s’établir à 3km/h jusqu’à 100km/h et 3% au-delà. Le flash serait ainsi automatiquement déclenché à partir d’une vitesse de 53km/h dans les agglomérations, de 93km/h dans les zones limitées à 90 et de 123,6 km/h sur l’autoroute (NDLR: comprenez ici la vitesse effective, et non pas la vitesse affichée au compteur, toujours surévaluée dans un but dissuasif). Ce seuil serait alors similaire à celui appliqué aux Pays-Bas, mais inférieur à celui de 5km/h puis 5% pratiqué en France.
30 vies sauvées
«Grâce à cette mesure, nous pourrions épargner une trentaine de vies par an et jusqu’à 2.500 blessés», avance Benoît Godart, en s’appuyant sur les résultats d’une étude norvégienne. Pourquoi ne pas viser la tolérance zéro, au vu des ambitions affichées pour 2050? Les conducteurs n’ont pas toujours leurs yeux rivés en permanence sur le compteur, argumente Vias, qui refuse la punition systématique pour les automobilistes en descente ou brièvement distraits.
«Cette loi d’un autre temps n’a simplement plus de sens aujourd’hui.»
Benoît Godart
Porte-parole
Si la mesure semble a priori bénéfique pour la sécurité routière, elle en crispe certains. A commencer par l’assureur Touring, qui y voit une «persécution» des conducteurs. Il faut reconnaître qu’en une petite décennie, le nombre d’amendes pour excès de vitesse a explosé en Belgique, notamment en raison de contrôles toujours plus fréquents, par le biais de radars fixes mais aussi de radars tronçons en forte augmentation.
Ainsi, 6,1 millions d’excès de vitesse ont été constatés en 2022, contre à peine 3 millions en 2015, selon les chiffres de la police fédérale. Dans le détail, ce sont surtout les petits excès (0-10km/h au-dessus de la limite) qui sont en forte augmentation, passant de 2,1 millions en 2019 à 4 millions en 2022. Ce type d’infractions représente aujourd’hui plus de la moitié (53%) de toutes les infractions routières (conduite sous influence, GSM au volant, non-respect du code de la route…).
Une systématisation des contrôles qui sert surtout à renflouer les caisses de l’Etat, sans s’attaquer aux dangers que représentent les vrais chauffards, déplorent les associations de défense des automobilistes.
Renforcer l’adhésion
Cette hausse s’explique notamment par deux lois entrées en vigueur à l’été 2022 : la suppression des «quotas» et la levée de la marge de tolérance classique (à ne pas confondre avec la marge de tolérance technique dont Vias fait mention aujourd’hui), qui limitaient jusqu’alors la surcharge administrative des parquets. Sur les autoroutes, certains radars fonctionnaient avec des quotas et étaient désactivés après avoir flashé x véhicules, précise le SPF Justice. «À d’autres endroits, des marges de tolérance étaient appliquées, ce qui avait par exemple pour conséquence que les radars ne flashaient les véhicules qu’à partir d’une vitesse de 140 km/h.»
Pour Touring, Vias «se trompe de combat» avec sa nouvelle proposition. «La sécurité routière nécessite une approche plus nuancée que la simple modification des seuils de déclenchement des radars», avance le porte-parole, Lorenzo Stefani, qui plaide pour des limitations de vitesse cohérentes et justifiées par le caractère accidentogène d’un tronçon, la densité de circulation ou les conditions météorologiques. «Il est impératif que les mesures de contrôle soient perçues comme légitimes et proportionnées pour encourager une conduite responsable et respectueuse des règles, plutôt que de provoquer frustration et rébellion, insiste Lorenzo Stefani. Ce n’est pas en persécutant les conducteurs avec des amendes plus fréquentes que l’on parviendra à une adhésion générale aux réglementations.»
Certains reprochent également à Vias une mesure à contre-courant des ambitions des constructeurs automobiles, résolus à produire des véhicules toujours plus puissants et confortables (type SUV), à bord desquels les excès de vitesse sont difficilement perceptibles. Un argument réfuté par Benoît Godart: «Les évolutions technologiques permettent justement de respecter encore plus facilement les règles. Aujourd’hui, toutes les nouvelles voitures sont équipées d’un cruise-control, voire d’une reconnaissance automatique des signaux routiers, qui permettent une adaptation immédiate aux limitations de vitesse.»
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