L'E-Car 333 : 3 roues, 3 places et 300 km d'autonomie. © SDP

Voitures électriques : l’E-Car 333, le projet belge

Bastien Pechon Journaliste

Xavier Van der Stappen lance la commercialisation de son véhicule électrique. Il a tissé un écosystème autour de son projet, avec Liège comme paddock.

Nous avions découvert Xavier Van der Stappen au Salon de l’auto 2015. Il présentait alors son prototype de véhicule électrique : l’E-Car 333. Garée dans le palais des  » Dream Cars « , cette voiture urbaine – à trois roues, trois places et 300 km d’autonomie – rivalisait avec la BMWi8, la Tesla Model S ou la liégeoise Imperia. Deux ans plus tard, L’E-Car 333 sort des stands. Ce nouveau Salon de l’auto marque le début de sa commercialisation. Prix affiché : moins de 20 000 euros pour le modèle d’entrée de gamme. Voire moins si le conducteur opte pour la location des batteries. Sans compter les aides gouvernementales. Xavier Van der Stappen espère commercialiser une cinquantaine d’unités en 2017. Environ 500 à l’horizon 2020. Dans un premier temps pour les collectivités comme des communes, des organisations ou des entreprises. Ensuite vers les particuliers. Mais avant d’arriver sur le marché, la petite auto belge a dû surmonter plusieurs obstacles. Notamment la barrière des homologations. Moins rigoureuses que pour une voiture à quatre roues, elles n’en restent pas moins un passage obligé pour tout véhicule qui veut arpenter nos routes. Les derniers tests se terminent. Juste à temps pour le Salon.

Faire appel à une majorité de sous-traitants locaux : un vrai défi.
Faire appel à une majorité de sous-traitants locaux : un vrai défi. © OLIVIER POLET

Le défi que s’est lancé Xavier Van der Stappen n’est pas simple : réaliser une voiture 100 % belge. Ou du moins la plus européenne possible. Pour y arriver, il fait appel à un maximum de sous-traitants locaux. Peu à peu, un biotope s’est tissé autour de la petite voiture. Avec Liège comme stand d’assemblage, dès la planche à dessin.

Des sous-traitants locaux

Les courbes de l’E-Car 333 sont le fruit de l’imagination de l’agence IOL Strategic Design. Installée à Angleur, elle a aussi planché sur le design de la voiture hybride Imperia. Ensuite pour le développement de pièces comme le moteur ou le châssis. Ces études de recherche et développement sont menées par la société Green Propulsion. Egalement liégeoise, elle travaillait aussi pour le projet Imperia. C’était même le chef d’orchestre du développement de ce roadster. Un projet qui l’a mise en difficulté financière au point de risquer la faillite en décembre 2015. Elle revit désormais grâce à Laurent Minguet. Actif dans le développement durable, l’entrepreneur liégeois a repris cette société à la fin du mois de janvier 2016. L’homme d’affaires est aussi un des cinq actionnaires de la société E-Car.

 » Il y a un tissu industriel et technologique à Liège qui est très intéressant », confie Xavier Van der Stappen. Sa voiture sera d’ailleurs assemblée dans la Cité ardente : chez JD’C, les Ateliers Jean Del’Cour, une entreprise de travail adapté basée à Grâce-Hollogne. Les préjugés ont parfois la vie dure par rapport à ces entreprises qui emploient des travailleurs handicapés ou en réinsertion sociale. Xavier Van der Stappen vante les compétences d’une telle entreprise pour son projet. Notamment dans l’assemblage et la soudure des châssis en acier recyclé, dans le travail des matériaux composites ou la production des circuits électriques.  » Dans une entreprise de travail adapté, l’avantage, c’est que les contrôles de qualité sont renforcés. Ce qui n’est pas plus mal pour un véhicule « , poursuit l’entrepreneur. Cette carrosserie est tissée de fibres de lin produites en Belgique ou dans le nord de la France. Elle sera fournie par une société verviétoise, Eripm, et sera transformée et assemblée chez JD’C. Eripm fournira aussi la garniture intérieure fabriquée à partir de plastiques recyclés. La production débutera lorsque la société aura reçu ses cinquante premières commandes.

Ce réseau de sous-traitants est un atout pour le projet, selon Yves Toussaint, general manager de Green Propulsion. Ils sont plus flexibles que des grands groupes. Ils peuvent donc produire des pièces en petites séries et en très peu de temps. Localement. Mais toutes les pièces du puzzle ne viennent pas de Belgique. Certaines comme le moteur, les phares ou les sièges proviennent d’autres pays européens. D’autres pièces de plus loin encore. Comme les composants du coeur de la voiture, la batterie.

En piste vers l’économie circulaire

Xavier Van der Stappen a opté pour des batteries lithiums-ions, qui équipent la majorité des véhicules électriques aujourd’hui. Les principaux composants seront importés et assemblés par nLab. Basée à Bruges, cette entreprise est notamment active dans le photovoltaïque, la conversion de voitures thermiques en véhicules électriques ou dans l’importation de la moto californienne Zero Motorcycles. Malheureusement pour Xavier Van Der Stappen, beaucoup de composants des batteries ne sont pas produits en Belgique. Comme le lithium. Ce métal est extrait majoritairement en Amérique du Sud, en Bolivie notamment. La véritable plus-value des Belges réside dans l’électronique qui va gérer ces batteries. Ces systèmes sont développés par l’entreprise flamande elle-même.

Trois versions de la petite voiture belge seront déclinées à partir du même châssis.
Trois versions de la petite voiture belge seront déclinées à partir du même châssis. © OLIVIER POLET

Pour rendre sa voiture plus durable, l’entrepreneur inscrit aussi son projet dans une économie circulaire. La réutilisation et le recyclage des matériaux sont pensés dès la conception du véhicule. nLab va notamment reprendre ces batteries lorsqu’elles ne seront plus suffisamment performantes.  » On parle d’une durée de vie d’une dizaine d’années dans le véhicule. Puis, l’idée c’est de réutiliser ces batteries dans des maisons. Là, on est reparti pour une vingtaine d’années « , explique Xavier Van der Stappen. En fin de vie, leur recyclage sera stratégique. Ces déchets électroniques pourraient devenir de véritables mines urbaines pour une Europe en grande partie dépourvue de ces métaux précieux. Idem pour l’acier recyclé du châssis.  » Chaque fois que je passe devant cette immense usine sidérurgique qui ne fonctionne plus, ces milliers de tonnes d’acier, je les convertis visuellement en châssis. Là, il y a une ressource « , raconte l’entrepreneur.

Une voiture mise à jour

Cette année, trois versions de la petite voiture belge seront commercialisées : une voiture urbaine, un roadster et un véhicule utilitaire. Chacune d’elles utilise le même châssis. Le véhicule est donc évolutif. Il est relativement simple de changer la carrosserie, les sièges ou la batterie si un élément arrive en fin de vie ou si la voiture ne correspond plus aux besoins de son utilisateur. Au revoir l’obsolescence programmée.

Depuis la création de la société en mars 2015, trois levées de fonds ont été effectuées entre les actionnaires. Un peu moins d’un million d’euros a été injecté dans la société grâce à ces augmentations de capital et à des avances remboursables. Une nouvelle levée de fonds en interne pourrait avoir lieu en 2017. Histoire d’avoir les watts nécessaires pour que l’E-Car 333 puisse poursuivre sa route. Avant d’aller plus loin et, pourquoi pas, arriver sur d’autres marchés ?  » On ne veut pas devenir un gros producteur avec beaucoup de volume « , souligne Xavier Van der Stappen.  » Il vaut mieux multiplier les lieux de production pour adapter le véhicule aux ressources disponibles localement.  » Exporter le biotope à l’étranger pour une production et une consommation locale de la petite voiture belge.

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