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Une boîte noire dans votre voiture : meilleure sécurité ou danger pour la vie privée?
Elle est désormais requise dans tous les nouveaux modèles de voitures. En cas d’accident, la boîte noire permettra d’en connaître les circonstances exactes. Pour Christophe Dubon, porte-parole de la Febiac, cette nouveauté aura peu de conséquences sur le comportement des automobilistes. L’impact sera par contre plus net avec les outils d’aide à la conduite.
La Febiac voit-elle d’un bon œil l’introduction de cette nouvelle obligation concernant la boîte noire?
En réalité, le système existe depuis de nombreuses années. Il est utilisé aux Etats-Unis depuis un bout de temps et est déjà installé dans de nombreux modèles de véhicules en Europe. Pour le secteur de l’automobile et pour notre fédération, ce n’est donc pas nouveau. Et pour les constructeurs, l’obligation ne change pas grand-chose non plus, car la technologie est déployée depuis des années. La boîte noire aura, par contre, plus de conséquences pour la justice, qui pourra utiliser les données du véhicule pour éclaircir les circonstances d’un accident. C’est une bonne chose puisque le travail d’enquête sera facilité.
La boîte noire d’une voiture a-t-elle la même fonction que celle d’un avion?
C’est très différent. Dans un avion, elle enregistre les renseignements pendant toute la durée du vol. Elle capte des données très larges, y compris les conversations des pilotes dans le cockpit. La version automobile, elle, recueille certaines données uniquement en cas d’accident et cet enregistrement est défini dans le temps: seules les trente secondes avant l’impact et les dix secondes après le choc sont mémorisées par l’appareil. Il s’agira de l’angle du volant, de la pression sur les pédales, de l’activation ou non des aides à la conduite, du déclenchement ou pas de l’airbag, etc. Autre différence: toutes les données relatives à la position géographique du véhicule ne sont pas sauvegardées, ni les conversations dans l’habitacle.
Quiconque possède un smartphone sera beaucoup plus traqué qu’avec le système de boîte noire automobile.
En Belgique, quel est le pourcentage des voitures déjà équipées du dispositif?
Il est actuellement compliqué, voire impossible, de fournir un chiffre précis. Pour les personnes qui possèdent un véhicule récent – immatriculé il y a un ou deux ans –, il existe de très fortes probabilités que la boîte noire soit déjà présente. En cas de doute, l’usager peut contacter son concessionnaire pour obtenir l’information.
Cette obligation engendrera-t-elle des coûts supplémentaires pour les automobilistes?
Tous les véhicules fabriqués depuis le 6 juillet 2022 doivent être pourvus d’une boîte noire. Pour l’automobiliste, cela ne devrait pas déboucher, à l’achat, sur une augmentation du coût du véhicule neuf. On parle d’un petit boîtier, similaire à un disque dur d’ordinateur. Il n’est pas très évolué technologiquement parlant, il n’y a donc rien de très coûteux. Et comme il était déjà présent dans de nombreux véhicules, l’impact financier lié à l’obligation sera quasiment nul.
Des associations d’automobilistes se plaignent du risque pour la vie privée. Comment être sûr que les données recueillies seront utilisées uniquement par la justice et pas par d’autres organismes?
Un cadre légal a été fixé pour déterminer qui peut avoir accès aux données de l’enregistreur, ce qui n’était pas le cas auparavant. Seule la justice y aura accès en cas de besoin. Pas les assureurs ni les organismes de marketing. De surcroît, le système n’est pas capable de communiquer en temps réel. Ce qui rend impossible la consultation des données par un organisme extérieur. Pour être interprétées, elles doivent, en outre, être reliées à un connecteur. Enfin, l’enregistreur ne conserve les données que lorsqu’un accident se produit. Certes, il enregistre en permanence, mais les anciennes données sont écrasées au fur et à mesure jusqu’à la survenance d’un accident. C’est donc un flux continu, mais sans archives de l’historique de déplacement. Impossible, donc, de récolter un ensemble de données sur la durée. Dans l’imaginaire collectif, quand on parle de boîte noire, on pense qu’on sera traqué, pisté et écouté. Or, selon moi, quiconque possède un smartphone aujourd’hui sera beaucoup plus traqué qu’avec ce système de boîte noire automobile.
La boîte noire fait partie d’un paquet d’autres outils d’aide à la conduite qui, petit à petit, sont imposés par l’Union européenne (systèmes d’avertissement en cas de distraction, de reconnaissance de signe de somnolence…). La surveillance de l’automobiliste ne cesse tout de même de s’accroître…
Ce sont des systèmes, en effet, qui sont ou seront obligatoires. Mais pour le secteur automobile, ces aides à la conduite ne sont pas neuves, seule l’uniformisation de l’obligation l’est. Selon nous, c’est plutôt une bonne chose, même si, au final, l’automobiliste reste responsable de sa conduite et de son véhicule.
Le but de ces outils est de diminuer drastiquement le pourcentage d’accidents en Europe. Peut-on estimer les conséquences qu’ils auront sur le comportement du conducteur?
Le but est clairement de réduire le nombre d’accidents sur les routes. Toutefois, je ne pense pas que la boîte noire aura un réel impact psychologique sur la manière de conduire des automobilistes. Lorsqu’on est au volant, je ne suis pas convaincu qu’on adapte sa conduite sachant que notre comportement pourrait être analysé pendant les trente secondes qui précèdent un éventuel accident. En revanche, lorsque vous conduisez une voiture qui vous maintient sur la voie de circulation (sur autoroute) si vous déviez, ou qui vous prévient en cas de distraction, c’est comme si un ange gardien se tenait sur votre épaule. Cela peut se révéler très efficace en cas de somnolence, par exemple. La fatigue au volant reste une des principales causes d’accident.
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