La Polestar 3 © AFP via Getty Images

Pourquoi les voitures électriques Polestar sont en grande difficulté

Urbain Vandormael Spécialiste voitures  

L’essentiel

• Polestar, la marque suédo-chinoise de voitures électriques haut de gamme, est en difficulté financière.
• La marque est la sœur de Volvo et fait partie du groupe chinois Zhejiang Geely Holding Group.
• La stagnation des ventes de voitures électriques a conduit à des résultats d’exploitation catastrophiques.
• Pour se relancer, Polestar prévoit d’élargir sa gamme de modèles avec les Polestar 3, 4, 5 et 6.
• La marque vise aussi à produire une voiture totalement neutre en carbone d’ici 2030.

Le lancement de la Polestar 2 a été l’un des plus réussis depuis des décennies. Mauvaise nouvelle: quatre ans plus tard, la marque suédo-chinoise de voitures électriques haut de gamme est en difficulté financière. Son avenir est menacé, mais à quel point?

Polestar est la marque sœur de Volvo, dont le siège se trouve à Göteborg (Suède). Toutes deux font partie du groupe chinois Zhejiang Geely Holding Group, qui possède également Lynk & Co, Zeekr et Lotus. La gestion opérationnelle de Polestar a été confiée à Thomas Ingenlath, qui a travaillé pendant de nombreuses années comme designer pour Skoda et VW.

En 2012, il quitte le Volkswagen Design Center à Potsdam pour rejoindre Volvo à Göteborg afin d’élaborer un rebranding de la marque suite à son acquisition par Geely. Avec le soutien d’une équipe jeune et créative, il fait passer Volvo à la vitesse supérieure grâce à des éléments modernes et expressifs, sans compromettre les valeurs traditionnelles de la marque. Il réussit à transformer la fonctionnalité en expérience émotionnelle.

Un rêve devenu réalité

Cela donne naissance à la Polestar 1, un coupé hybride rechargeable d’une puissance de 600 chevaux. Un concept révolutionnaire et un régal pour les yeux mais, selon la direction de Volvo, incompatible avec la gamme Volvo. Pour Thomas Ingenlath, c’est le signal pour présenter son projet au patron de Geely, Li Shufu. Ce dernier donne le feu vert pour faire de la division sport automobile de Volvo une marque à part entière et le nomme PDG de Polestar.

Thomas Ingenlath: «Lancer une nouvelle marque automobile axée sur la propulsion électrique, les hautes performances, le développement durable et le design puriste, qui n’en rêve pas? De plus, nous étions assurés du savoir-faire, de l’expérience et du soutien logistique de Volvo. En optant résolument pour la propulsion électrique, nous avons anticipé l’avancée du changement climatique, l’évolution de l’air du temps et nous nous sommes distingués des marques allemandes haut de gamme qui continuent à miser sur deux chevaux. D’une pierre trois coups!»

Polestar, une marque forte

«Au lieu de sermonner ou de punir les gens, nous essayons de les enthousiasmer grâce à l’innovation technologique, poursuit-il. Nous prouvons également que la conduite électrique ne nuit en rien au plaisir de conduire. En outre, en utilisant des matériaux recyclés, nous associons la durabilité au luxe, tandis que notre design minimaliste met l’accent sur la technologie, la fonctionnalité et la frugalité. Nous avons ainsi développé notre propre identité de marque qui diffère de la perception dominante du premium et qui, en peu de temps, a fait de Polestar une marque forte.»

Pour Thomas Ingenlath, la propulsion électrique n’est pas une fin en soi mais, pour l’instant, le moyen le plus efficace de réduire les émissions de CO2 et de ralentir le changement climatique. À condition que tous les constructeurs automobiles et les équipementiers respectent leurs engagements. Mais c’est là que les choses se gâtent souvent. Il y a (beaucoup) trop peu de transparence sur les émissions tout au long du processus de production. Il est donc difficile pour les consommateurs de comprendre l’impact environnemental global des voitures électriques et de comparer les modèles de différentes marques.

Ici aussi, Polestar montre l’exemple en affichant sur son site web l’empreinte carbone à vie de sa gamme de véhicules. «En éliminant toutes les émissions liées à la production, à la chaîne d’approvisionnement, ainsi qu’à l’utilisation des véhicules, il doit être possible de produire en série une voiture totalement neutre en carbone d’ici 2030», assure Thomas Ingenlath. Cela signifie que Polestar devra également mieux répartir la production de ses modèles et produire ses véhicules dans la région où ils sont vendus.

Difficultés financières

En supposant que Polestar soit toujours sur le marché d’ici-là… A la mi-juillet, le cours de leur action est tombé sous la barre du dollar. À titre de comparaison, mi-2022, sa capitalisation boursière s’élevait encore à près de 22 milliards de dollars, contre 1,6 milliard de dollars aujourd’hui. Une situation due à des résultats d’exploitation catastrophiques, eux-mêmes dus à la stagnation des ventes de voitures électriques. Polestar a également dû s’appuyer sur un seul modèle pendant trop longtemps. En 2020, environ 10.000 exemplaires de la Polestar 2 ont été vendus ; en 2022, ce chiffre était passé à plus de 51.000.

Thomas Ingenlath, CEO de Polestar © AFP via Getty Images

La gamme de modèles devait initialement être élargie en 2022 avec la Polestar 3 et en 2023 avec la Polestar 4, mais ces deux modèles ont été retardés plus longtemps que prévu en raison de problèmes logiciels. L’absence de nouveaux modèles a fait stagner les ventes de Polestar et sa perte d’exploitation en 2023 a atteint près de 1,5 milliard, soit plus de 60% de plus qu’en 2022. Cette évolution inquiétante a contraint Geely Holding à en remanier l’actionnariat. Volvo Cars ne détient plus que 18% des actions. Son maintien à bord garantit que les clients actuels et futurs pourront continuer à compter sur les services du réseau de concessionnaires Volvo.

Polestar, d’une voiture à trois

Le malaise financier a déclenché un jeu de chaises musicales à Göteborg. Johan Malmqvist et Mike Whittington, respectivement directeur financier et directeur commercial, ont quitté l’entreprise. Winfried Vahland, ex-Volkswagen et conseiller influent du chef de Geely, Li Shufu, devient son porte-parole au sein du conseil d’administration. Une bonne nouvelle qui indique que l’actionnaire majoritaire chinois ne laisse pas tomber sa filiale, mais veut continuer à la construire pour en faire le numéro un des marques électriques haut de gamme. Au-delà de BMW, Mercedes et Tesla.

Pour atteindre cette ambition, Polestar fait son entrée sur sept nouveaux marchés cette année et l’année prochaine, dont la France, la Thaïlande et le Brésil. Ingenlath a revu les objectifs de la marque à la baisse, passant de 290.000 voitures d’ici à 2025 à une fourchette comprise entre 155.000 et 165.000. Ce nouvel objectif est-il réaliste? Difficile à estimer alors que les ventes de voitures électriques sont moins florissantes. Après que le lancement des Polestar 3 et 4 a été reporté à plusieurs reprises, ces modèles de SUV arrivent maintenant sur le marché presque simultanément et Polestar passe soudainement d’une société à une voiture à une société à trois voitures. Cela crée un surcroît de travail pour les 2.500 employés qui ont perdu un tiers de leurs collègues au cours des six derniers mois en raison de coupes supplémentaires dans les coûts de personnel.

Afin de stimuler les ventes, Polestar introduit également cette année et l’année prochaine un nouveau modèle de vente. Les acheteurs potentiels pourront se rendre chez un agent Polestar habilité à conclure des contrats. Jusqu’à présent, cela ne pouvait se faire qu’en ligne. Autre bonne nouvelle: Polestar a obtenu un financement externe d’un milliard de dollars au début de l’année. Cela montre que le monde financier fait toujours confiance à Thomas Ingenlath et à son équipe. Un flux de trésorerie positif et une marge plus élevée sont en vue pour 2025.

Tous les débuts sont difficiles, mais il y a encore de l’espoir pour Polestar. La direction annonce que 2024 sera une année charnière avec deux nouveaux modèles de SUV en prévision de l’arrivée sur le marché des Polestar 5 et 6 en 2025. Si ces lancements se déroulent comme prévu, le pire sera passé et Polestar pourrait bien sortir renforcé de cette période difficile. Tout le mérite en reviendrait à Thomas Ingenlath et à son équipe. Rarement une équipe a été aussi enthousiaste, créative et confiante au travail. L’annonce de droits d’importation supplémentaires sur les nouvelles voitures made in China pourrait-elle mettre le feu aux poudres? Affaire à suivre.

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