Comment démarrer 2021 sans l’effet commercial du Salon de l’Auto ?
Après une année 2020 difficile, le monde de l’automobile affronte un mois de janvier sans salon au Heysel. C’est un défi pour les marques. Mais aussi pour la Febiac, l’organisateur de l’événement, qui cherche à se réinventer.
Le Salon de l’Auto figure parmi les victimes économiques de la pandémie. Il devait se tenir du 15 au 24 janvier au Heysel, à Bruxelles. Las, il a été annulé. Une décision lourde et symbolique, car le Brussels Motor Show est le premier salon du pays, attirant annuellement autour de 500.000 personnes. L’organisateur, la Febiac – la fédération des importateurs de véhicules automobiles et utilitaires -, se réjouissait en effet jusqu’ici d’une fréquentation persistante de son événement, tandis que Paris, Genève et d’autres salons plus prestigieux déclinent et sont de plus en plus boudés.
« Pas supprimé, mais reporté »
La suspension de l’édition 2021 ne remet toutefois pas son principe en cause. « Il n’est pas supprimé, mais reporté, pour des raisons purement sanitaires », insiste Andreas Cremer, administrateur délégué de la Febiac depuis octobre dernier. Il y aura donc bien un salon en janvier 2022. Cette situation particulière entraîne deux défis. Le premier a trait aux marques, qui cherchent à retrouver la dynamique commerciale de la période du salon. L’autre défi concerne la Febiac, l’organisateur, qui a ouvert une réflexion sur ses services et veut, selon Andreas Cremer, « réduire la dépendance au salon », qui est une source de revenu importante.
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Sur le premier sujet, les marques cherchent à recréer durant ce mois de janvier, avec des moyens divers, un « effet salon » virtuel. L’objectif est d’obtenir un boost pour démarrer l’année, ce qui n’est pas superflu après un exercice 2020 en recul historique (près de 22% de voitures neuves immatriculées en moins).
« Une marque ne fait pas de bonne année si elle ne fait pas un bon salon », résume Jean-Marc Ponteville, porte-parole de D’Ieteren Auto, qui importe les marques du groupe VW, et vend quasiment une voiture neuve sur quatre en Belgique. Le groupe réalise à peu près 30% de ses ventes dans la période des conditions salon, qui dure tout le mois de janvier.
11 millions : en euros, le revenu annuel généré par le Salon de l’Auto, au profit de la Febiac.
Les conditions salon reviennent
Chaque marque concocte ses offres sous forme de remise, d’options gratuites, de garantie prolongée, ou de remise améliorée, selon les cas. D’Ieteren Auto propose, par exemple, des VW Golf Active à partir de 22.245 euros, soit un avantage de 7.500 euros en combinant une remise, des options gratuites et un prix minimum de reprise de 1.500 euros (prime de recyclage). Volvo, lui, offre de 3.500 à 9.490 euros d’avantages par modèle. Quant à Peugeot, Citroën et DS, ils développent aussi des actions, comme un Mobility Pack pour Peugeot, qui va jusqu’à 3.000 euros en plus des éventuelles remises. Le client choisit ce qu’il veut dans les avantages: contrat de service, options gratuites et/ou prime de reprise pour un véhicule qui ne peut plus rouler dans les zones à basses émissions du pays (Bruxelles, Anvers). Citons encore Renault, qui ajoute quatre ans d’entretien et d’assistance gratuits.
Une marque ne fait pas de bonne année si elle ne fait pas un bon salon. »
Jean-Marc Ponteville (D’Ieteren Auto)
On l’a dit, certaines marques cherchent aussi à reproduire à distance l’expérience d’un salon. Fiat, Abarth et Jeep (FCA) proposent par exemple une visite d’une concession à distance, photographiée en 3D. Lors de cette visite, le client potentiel peut pointer l’exemplaire qui l’intéresse pour obtenir des informations sur le modèle et les conditions salon. Les chats sont aussi légion sur les sites web des marques, où le visiteur peut poser ses questions. « Un informant est toujours prêt à répondre, exactement comme sur un stand au Heysel », assure Jean-Marc Ponteville (D’Ieteren Auto). Chez beaucoup de concurrents, ce sont des agents des concessions qui répondent.
Pour sa part, BMW (et sa marque Mini) a créé un espace « spécial salon » dans des locaux situés dans son siège belge, à Bornem. Environ 2.000 m2 utilisés naguère pour un stock de pièces détachées. Il sera aménagé comme un stand d’exposition avec des modèles comme le SUV électrique iX3 lancé récemment, ou le iX, plus grand mais également électrique, qui débarque cette année, ou les modèles plus sportifs M3 et M4.
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Le mini salon de BMW
« Cela va nous servir pour tourner une série de vidéos qui seront postées sur le site web jour après jour », explique Ewoud Van Der Heyden, marketing director de BMW Group Belux. Ce mini salon sera par ailleurs visitable sur rendez-vous, via inscriptions sur le Web, pour un nombre limité de personnes, par séquence de deux heures, du 18 janvier au 7 février. « L’objectif est d’aider les concessions à un moment où le public pourrait y affluer avec la période salon », continue Ewoud Van Der Heyden, qui relève que BMW a maintenu son niveau d’investissement communication durant 2020, et pu quasi maintenir son niveau d’immatriculations neuves en 2020, ce qui est exceptionnel pour le secteur. « Nous percevons un grand intérêt depuis le début de l’année, à travers les demandes d’information, continue le responsable. Mais cela ne va pas remplacer un salon réel. »
Nous devons réduire notre dépendance au Salon. »
Andreas Cremer, nouveau CEO de la Febiac.
Cet avis est partagé par d’autres importateurs. D’autant que les contraintes sanitaires limitent l’accès aux concessions. Puis il y a l’effervescence du Salon de l’Auto, les contacts fortuits, les rencontres inattendues, qui vont manquer. « C’est un point de contact pour le secteur, le business se fait aussi via des rencontres. Il s’agit d’une des grandes valeurs ajoutées d’un salon », relève Jean-Marc Ponteville, pour qui le bilan de janvier reste encore incertain.
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Certes, les marques vont économiser en stand et en location, dépenser un peu plus en numérique, mais le volume des ventes sera-t-il au rendez-vous? D’Ieteren Auto estime du reste que le marché récupérera lentement la situation de 2019. « Denis Gorteman, CEO de D’Ieteren Auto, avait prédit un recul à 430.000 immatriculations en 2020 contre 550.000 en 2019, c’est à peu près ce qui s’est vérifié, continue Jean-Marc Ponteville. Nous pensons que 2021 et 2022 tourneront autour des 450.000 immatriculations. »
Un recul potentiel de 17%
La fédération des distributeurs et réparateurs de véhicules, Traxio, a, elle, cherché à mesurer l’impact de l’absence de salon. Un sondage réalisé en novembre dernier conclut qu’il pourrait se traduire par 17% de baisse des intentions d’achat pour la période.
Nous percevons un grand intérêt pour notre initiative. Mais cela ne va pas remplacer un salon réel. »
Ewoud Van Der Heyden, « marketing director » de BMW Group Belux.
Ce chiffre n’est pas une bonne nouvelle pour le secteur. Mais il est moins mauvais pour l’organisateur du Brussels Motor Show, puisqu’il confirme par l’absurde la pertinence de son événement. La Febiac examine la manière de revoir son salon pour 2022, afin de l’adapter à l’évolution de la voiture, notamment en réfléchissant à la manière de tenir compte de l’évolution vers les services connectés que les marques proposent de plus en plus, et que les concessionnaires ont du mal à expliquer. Les stands pourraient être adaptés pour mieux montrer ces services.
« A la demande de nos membres, nous allons mener une campagne de communication, pour nous assurer que l’année démarre bien pour eux », assure Andreas Cremer. Il ne s’agira pas d’une campagne commerciale mais plutôt d’informations générales, sur des sujets neutres comme l’explication de la différence entre les différents types de motorisations hybrides, elles aussi encore mal comprises. « Ce ne sera pas une campagne pour dire que le salon, cette année, se tient chez les concessionnaires », précise toutefois Philippe Dehennin, président de la Febiac. C’est aux marques de tenir ce discours. Pour des raisons réglementaires, la Febiac ne peut en effet favoriser tel ou tel canal de distribution dans sa communication.
L’impact sur les comptes de la Febiac
Reste que la Febiac est fortement impactée par la suspension du Brussels Motor Show en 2021. La particularité du salon belge réside dans le fait qu’il est organisé par la fédération, donc par les marques, constituant une source de revenus importante: 11 millions d’euros sur un total de recettes de 15 millions d’euros en 2019. Des revenus qui contribuent à financer les activités d’une organisation employant une quarantaine de personnes.
Heureusement, la fédération dispose de réserves. L’ASBL a publié pour 2019 un bilan affichant quasiment 30 millions d’euros de résultat positif reporté, dont 15 millions sous forme de placements de trésorerie (données 2019). « Le conseil d’administration nous a autorisés à puiser dans les réserves pour affronter cette année », indique Andreas Cremer. Mais la Febiac a été obligée de recourir au chômage temporaire, notamment pour l’équipe travaillant sur le Brussels Motor Show.
Ses dirigeants profitent malgré tout de cette crise pour revoir les activités et l’organisation de la fédération ( lire l’encadré ci-dessous), à travers une opération qualifiée de reset par Andreas Cremer. L’homme est arrivé récemment au poste de CEO de la Febiac – il occupait auparavant le poste de secrétaire général de l’usine Audi Brussels – et remplace Luc Bontemps, parti à la retraite. Il voit donc l’organisme avec un oeil extérieur. « Cela permet de remettre en question certaines choses », explique-t-il. « Ce qui doit être adapté, pour être plus efficace, sera adapté », confirme Philippe Dehennin.
La « réinitialisation » de la Febiac
La suspension du Salon de l’Auto crée un défi pour son organisateur, la Febiac, la fédération des importateurs de voitures et de cycles, qui en dépend financièrement. Elle mène une réflexion dirigée par son nouvel administrateur délégué, Andreas Cremer, pour analyser et revoir les services de la fédération, et réduire la dépendance à l’événement. L’homme parle d’un projet de « réinitialisation », dont le résultat pourrait arriver « dans les six mois » dit-il. Il a fait des propositions. « Nous allons voir avec nos membres ce qui doit être arrêté ou amélioré. » Mais pas d’augmentation des cotisations des membres au programme. « Il y a une réalité économique, souligne Philippe Dehennin, président de la Febiac. L’électrification érode les marges. A chaque étage tout le monde va travailler avec des budgets plus contraints. » L’une des pistes porte sur la mise en commun de services avec des fédérations cousines, comme Traxio (distribution – et réparation auto) et Renta (location).
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