Bornes de recharge des voitures électriques: le mauvais choix de la Wallonie qui fait qu’elle est toujours à la traîne (infographies)
En 2024, le nombre de bornes de recharge pour voitures électriques s’est envolé. Malgré tout, la Wallonie reste fortement à la traîne par rapport à la Flandre. Une histoire de mauvais choix, que le sud du pays va encore longtemps devoir assumer longtemps.
En 2010, des chercheurs des universités de Sheffield et Warwick avaient conclu que la poule était là avant l’œuf, puisque sa coquille dépend d’une protéine trouvée à l’intérieur des ovaires. Bien avant eux, d’autres scientifiques considéraient au contraire que c’était l’œuf, comme les dinosaures en pondaient déjà il y a au moins 190 millions d’années, antérieurement à l’apparition des premiers oiseaux. En vérité, les deux camps ont à la fois tort et raison, vu que ce dilemme se distingue par son vague sémantique –parle-t-on de l’œuf et de la poule dans leur physionomie actuelle ou originelle? Il y a au moins deux raisons d’y voir une analogie avec l’adoption des voitures électriques. La première, c’est qu’il ne peut y en avoir sur les routes sans points de recharge, et inversement. La seconde, c’est que la réponse à cette question importe finalement peu: tout comme les poules, les véhicules électriques sont bien là, et le déploiement de solutions de recharge est une inévitable condition à leur adoption.
A tel point que la littérature s’est enquise de qualifier deux nouveaux maux ces dernières années: outre le prix d’achat, l’angoisse de l’autonomie (range anxiety, en anglais) et celle de la recharge conduisent encore une grande majorité de particuliers à privilégier l’achat d’une bonne vieille voiture à moteur thermique. Un rejet bien réel, comme l’atteste un récent sondage du CNCD, mené en collaboration avec Le Vif: 48% des Belges interrogés se disent contre la substitution du thermique par l’électrique. Essentiellement portée par les sociétés, l’électrification du parc de véhicules est d’ailleurs bien plus timide chez les particuliers.
A l’issue du troisième trimestre 2024, un peu plus d’une voiture vendue sur quatre (27%) était 100% électrique, renseigne la Fédération de l’industrie de l’automobile et du cycle (Febiac). Soit un gain de 7,4 points de pourcentage par rapport à la fin 2023. Une progression substantielle, mais largement poussée par les entreprises et par un effet d’aubaine en Flandre: «La prime attribuée jusqu’à fin novembre 2024 par la Région flamande aux particuliers acquérant un modèle électrique de maximum 40.000 euros, a largement contribué à atteindre ce résultat», commente la Febiac. En parts de marché, les motorisations à essence restent en tête (42% des voitures vendues), tandis que les véhicules hybrides en tout genre se hissent en troisième position (25,1%).
La suite de l’article après l’infographie
Sans l’apport des voitures de société, la demande pour les motorisations électriques en Belgique connaîtrait probablement un marasme similaire à celui de l’Europe, incitant de nombreux constructeurs automobiles à prolonger la production de véhicules diesel et essence. De leur côté, les installateurs de bornes de recharge ne relâchent toutefois par leurs efforts. L’année 2025 marquera d’ailleurs d’importants progrès en la matière, en Wallonie comme à Bruxelles.
Une répartition toujours inégale des bornes de recharge entre la Flandre et la Wallonie
A côté des solutions à domicile ou en entreprise, la Belgique comptait 18.652 stations de recharge accessibles au public, selon les chiffres arrêtés en mai dernier. Mais la répartition de ces bornes de recharge est particulièrement inégale entre les Régions: près de 77% sont installées en Flandre (14.344), contre seulement 13,3% (2.486) en Wallonie et 9,7% (1.822) dans la capitale. «Une station de charge peut contenir plusieurs bornes et chacune compte généralement plusieurs connecteurs (prises), précise la Febiac. On estime donc à 75.000 le nombre de connecteurs (toutes vitesses confondues) présents en Belgique en mai 2024», ce qui confirme d’autres chiffres obtenus par ailleurs.
Voici quelques années, la Flandre ambitionnait de proposer un point de charge tous les 25 kilomètres le long de ses axes structurants, un objectif aujourd’hui pleinement atteint. Avec son initiative Electrify.brussels, la Région bruxelloise prévoit, elle, de déployer, d’ici à la fin de cette année, une borne publique à moins de 150 mètres de chaque ménage. Enfin, «la Région wallonne a d’abord voulu privilégier la technologie CNG (NDLR: gaz naturel compressé), une technologie aujourd’hui dépassée par l’électrification des flottes, diagnostique la Febiac. C’est donc avec retard qu’elle a entamé le développement de son réseau de charge. Les chiffres sont éloquents, mais le retard accumulé sur la Flandre demandera du temps et des investissements pour être résorbé.»
Le potentiel est conséquent. «Afin d’offrir un service de qualité aux conducteurs de voitures électriques, notre volonté est d’être présent partout, résume Amaury Philips, EV Charging Solutions Business Manager B2G chez TotalEnergies Belgium. En ce qui concerne les bornes publiques, la fréquence de passage des véhicules et l’ampleur des coûts de raccordement déterminent néanmoins l’opportunité d’en installer ou non. Quand la demande évolue positivement, nous ajoutons rapidement des points de recharge supplémentaires.» De son côté, l’entreprise NoveWay observe une augmentation des installations de 20% en 2023 et de 30% en 2024. «Notre objectif est d’augmenter les installations de bornes de recharge de 50% en 2025», commente son CEO, Matthieu Wuidar.
Le parc de bornes rapides, d’une puissance supérieure ou égale à 100 kilowatts, comptait quant à lui 1.502 sites de recharge en mai dernier (dont 74% en Flandre), progressant de 105% sur base annuelle. Une tendance que confirme Ores, le principal gestionnaire de réseau de distribution (GRD) du sud du pays: «Sur les six derniers mois, le nombre de dossiers traités en la matière a été multiplié par deux, sans même tenir compte des avant-projets.» De nombreux acteurs investissent dans le déploiement de bornes ultrarapides, dont la puissance peut désormais atteindre 400 kilowatts. Ce 8 novembre, Fastned, l’un des ténors européens de la recharge rapide, annonçait par exemple un partenariat avec l’intercommunale Idelux pour l’installation de onze nouvelles stations en province de Luxembourg, le long des axes les plus fréquentés. «Ces chargeurs peuvent apporter jusqu’à 300 kilomètres d’autonomie supplémentaire en quinze minutes, selon le véhicule», indique Fastned.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici