En raison des travaux, notamment, le temps de parcours entre plusieurs grandes villes wallonnes et la capitale ne cesse de s’allonger aux heures de pointe. © Anadolu Agency via Getty Images

13 minutes perdues vers Mons, 8 vers Namur… Pourquoi les trajets depuis et vers Bruxelles ne cessent de s’allonger

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Malgré l’essor du télétravail, la majorité des temps de parcours depuis et vers la capitale ont augmenté aux heures de pointe entre début 2020 et 2024. Une hausse particulièrement marquée sur le trajet retour et dont les automobilistes wallons font les frais.

Nouveau chantier, nouvelle pagaille. Lundi, d’importants travaux de réfection ont débuté sur le ring de Bruxelles à hauteur d’Anderlecht. Conséquence: les retards pendant les heures de pointe pourraient avoisiner les 30 à 45 minutes, avertit Bruxelles Mobilité. Une tuile supplémentaire pour les automobilistes qui se rendent quotidiennement dans la capitale, dont le temps passé dans les embouteillages n’a jamais été aussi long.

Selon les relevés de l’Institut de sécurité routière Vias, basés sur des données de TomTom, les temps de trajet depuis et vers Bruxelles ont en effet considérablement augmenté aux heures de pointe entre 2020 (avant la crise du Covid-19) et 2024. Les usagers namurois, par exemple, ont vu leur temps de parcours passer de 70 à 75,8 minutes en moyenne le matin (entre 6 et 8 heures). Sur le chemin du retour, le trajet s’est même allongé de 8 minutes, passant de 60,2 à 68,9 minutes. Les navetteurs liégeois ne sont pas non plus épargnés, avec des temps de trajets plus longs de 3 minutes à l’aller et de 5 minutes au retour. Pour les automobilistes montois, les délais grimpent à quatre minutes supplémentaires à l’aller et jusqu’à 13 au retour.

L’enfer du retour

Globalement, les automobistes flamands sont davantage ménagés par ces retards: en provenance de Gand, d’Anvers, de Malines ou de Genk, les temps de trajet vers Bruxelles sont restés relativement stables le matin. Par contre, au retour, les retards sont quasiment généralisés: +4 minutes vers Gand, +3 vers Malines et +2 vers Anvers. A l’exception des résidents de Genk, tous les automobilistes belges semblent donc devoir faire preuve de davantage de patience pour rentrer au bercail. «Le matin, on remarque que certains employés commencent à travailler depuis la maison et postposent ainsi leur départ pour éviter le gros des embouteillages, explique Benoît Godard, porte-parole de Vias. Par contre, le soir, c’est moins faisable. Les obligations familiales font qu’une grande majorité des automobilistes se retrouvent sur les routes à la même heure.»

La généralisation du télétravail – ou du moins du travail hybride – depuis la crise du Covid-19 n’a donc qu’un effet limité sur la congestion des routes. D’autres facteurs, plus prépondérants, plombent la vitesse des déplacements depuis plusieurs mois. A commencer par la multiplication des chantiers, notamment sur les grands axes wallons. Les travaux éléphantesques sur la E411, entre Daussoulx et Thorembais-Saint-Trond, ralentissent les automobilistes namurois depuis le printemps 2023. Le début de la réhabilitation du carrefour Léonard (et son imbroglio politique) en avril dernier a encore compliqué la donne. Cela se traduit d’ailleurs dans les chiffres de Vias, qui fait la distinction entre la durée de parcours total et le temps passé dans les embouteillages: ainsi, sur l’axe Namur-Bruxelles, les files propres aux heures de pointe matinales ont globalement diminué de 2 minutes (passant de 25 à 23 minutes), alors que le parcours total s’est allongé de 8 minutes en raison des limitations de vitesse imposées dans les zones de travaux.

Les transports délaissés?

L’hiver et le printemps particulièrement maussades peuvent également avoir suscité des ralentissements sur les routes, avance Benoît Godard. «Il a énormément plu au début de l’année 2024, ce qui engendre un allongement des temps de parcours en raison de la distance de sécurité à respecter. Sans parler des accidents

Globalement, les routes belges sont de plus en plus fréquentées, notamment par les poids lourds. Mais la croissance de la population augmente elle aussi le nombre de conducteurs individuels et la densité du trafic. D’autant que les Belges restent toujours fortement attachés à leur véhicule personnel. Ainsi, la Belgique comptait 6.089.564 voitures particulières au 1er août 2024, contre 6.030.700 un an plus tôt, chiffre Statbel.

Une augmentation qui interroge quant à l’attractivité des transports en commun, notamment au sud du pays. Les temps de parcours particulièrement allongés depuis/vers Mons, Namur ou Liège signifieraient-ils que les Wallons sont moins enclins à délaisser la voiture pour les transports publics que les Flamands? Le constat est difficile à objectiver, nuance Isabelle Thomas, professeur émérite à l’UCLouvain. «Outre l’offre proposée, il faut surtout prendre en compte l’urbanisation différente entre les deux Régions, note l’experte en géographie des transports. En Wallonie, les distances entre les centres urbains sont bien plus longues qu’en Flandre. Il faut parfois faire trente minutes de bus pour atteindre une gare. Il y a donc une propension plus grande à prendre la voiture pour se rendre au travail plutôt que d’opter pour une somme incalculable de transports.»

Le tabou des voitures-salaires

Le paysage relativement plat de la Flandre et son aménagement sécurisé favorisent également davantage la pratique du vélo, par exemple pour se rendre à la gare la plus proche de son domicile et ainsi éviter une correspondance supplémentaire. «Les habitudes peuvent certes évoluer, mais la géographie reste ce qu’elle est et impacte inévitablement les déplacements», constate la professeur émérite.

Enfin, la tradition des voitures-salaires peut également augmenter le nombre de déplacements, et donc la saturation des routes. Si l’octroi de voitures ou de camionnettes de fonction se justifie pour de nombreux métiers, les véhicules offerts par les entreprises à pure vocation d’avantage fiscal contribuent à une utilisation parfois démesurée de ceux-ci, estime Isabelle Thomas. «Les coûts de transports ne sont pas internalisés par ces conducteurs, car ils ne paient ni le carburant, ni la voiture, ni son entretien, observe la professeure. Alors pourquoi s’en priver?»

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