Mobilité : les Belges dépendants de leur voiture
L’entreprise de voitures partagées Cambio a connu une année record, en 2022. Les Belges vont-ils progressivement se passer de la voiture personnelle ? Sans doute pas : la dépendance à l’automobile reste élevée. Pour une simple raison : les Belges en ont besoin.
Pour Noël 2022, Georges a loué une voiture Cambio pour aller à Paris avec sa famille. Il explique que « les billets de train étaient hors de prix pendant la saison des fêtes ». Cambio lui semblait une bonne solution, il pensait que c’est « moins compliqué et moins cher. » Cependant, le coiffeur de 48 ans a payé une fortune entre abonnement mensuel, frais d’activation unique et kilomètres parcourus. Il avoue : « J’ai beaucoup galéré entre différents abonnements, classes et options, et leurs tarifs. Aussi, je ne pouvais pas abandonner la voiture à Paris, et rentrer en train. Avec ces contraintes, le carsharing n’est pas fait pour moi. » En 2022, beaucoup d’autres utilisateurs sont apparemment parvenus à la conclusion inverse : l’année dernière, Cambio est passé de 3.433 utilisateurs à 4.213 clients en Wallonie en 2022, soit une croissance de 23 %, contre 17 % l’année précédente.
Le carsharing : un phénomène urbain pour une catégorie sociale
Mathieu Strale, professeur et chercheur à l’Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du territoire (DGES-IGEAT) de l’Université libre de Bruxelles, affirme que « le phénomène des voitures de partage est plutôt urbain, fait pour ceux qui ont la possibilité de se passer d’une voiture. Cambio se concentre dans les quartiers riches à Bruxelles, où c’est plus rentable. Par contre, en Wallonie et en Flandre, il n’y a pas assez de voitures de ce service commercial, bien que la demande existe, parce que c’est moins bénéfique. De plus, pour louer une Cambio, il faut avoir les moyens, bien s’informer, faire le bon choix et avoir une carte de crédit.»
Dépendance à la voiture personnelle : Plusieurs raisons
Mathieu Strale confirme :« Aujourd’hui, les déplacements automobiles restent de loin majoritaires pour plusieurs raisons. Il est très difficile de se déplacer en Belgique sans voiture. Depuis plusieurs années, la société a été organisée en fonction de l’automobile. Cela correspondait à la demande de l’industrie et celle du patronat, dans les logiques politiques de l’après deuxième guerre mondiale. Le gouvernement a donc investi beaucoup de montants dans les routes et a établi toute la société en fonction. »
Selon Statbel, le nombre de voitures particulières a augmenté en moyenne de 0,8% ces dix dernières années. Mathieu Strale précise que « la voiture personnelle reste le moyen de transport le plus utilisé en Belgique. Si vous avez la chance de vivre et de travailler à Bruxelles, c’est effectivement plus simple d’avoir des alternatives, comme les transports en commun fortement utilisés dans les villes. Mais si, par exemple, vous commencez à 5h du matin et vous finissez à 13h, soit vous commencez à 13h et terminez à 22h, c’est déjà plus compliqué de se rendre et de repartir à l’usine parce qu’à ces heures, il n’y a pas d’alternatives à la voiture. »
La mobilité : quel choix ?
L’expert explique que pour beaucoup de monde, la façon de se déplacer n’est pas un choix mais plutôt une contrainte, parce que « le choix de mobilité dépend de plusieurs facteurs. Par exemple, prendre le vélo est possible lorsqu’on est en bonne santé physique, et pour des trajets courts.»
Le professeur parle d’un phénomène bruxellois : « Le fait d’avoir des enfants oblige les gens à acheter une voiture, quel que soit le niveau social des familles.»
Nani fait plusieurs trajets chaque jour. Elle emmène ses trois enfants à l’école le matin. Son mari est décédé il y a cinq ans. Depuis, elle est obligée de tout faire elle-même. Elle demande : « Comment faire autrement pour les urgences et les visites médicales ? Aussi, il y a les courses que je fais au moins deux fois par semaine. » Elle est intérimaire, vendeuse en parfumeries. « La voiture est indispensable. » dit-elle.
Les politiques urbaines de la mobilité créent des injustices
L’expert s’inquiète parce que « les politiques menées sur la mobilité créent des injustices. Ils ont tendance à dire qu’à Bruxelles, tout le monde peut se passer de la voiture parce que les transports en commun existent. Bien entendu, cela justifie des mesures prises : supprimer des places de parking ou les rendre plus chères, les taxes kilométriques et le plan good moove. »
Le spécialiste conclut que si on veut changer la manière dont les gens se déplacent, il faut développer des solutions collectives, qui répondent aux besoins d’une grande partie de la population belge.
Nahida Jabak
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici