Maisons hantées, fantômes, expériences de mort imminente, magnétisme: quand le «paranormal» devient «normal»
Longtemps méprisés et considérés comme irrationnels, les phénomènes paranormaux font aujourd’hui l’objet de recherches scientifiques et, dans certains cas, bénéficient d’une reconnaissance institutionnelle.
Claquements de portes et de fenêtres. Placard cassé. Chaise se déplaçant au milieu de la pièce. Bougie qui s’allume en pleine nuit et télévision qui s’éteint pendant le direct entre le PSG et le Toulouse FC. Telle est, à en croire Clément, l’ambiance nocturne à son domicile. «Mes nuits sont de plus en plus courtes», se désole-t-il, éprouvé, la voix cassée. Depuis son divorce voici quatre ans, l’agent commercial, père de deux enfants, vit seul dans sa maison de la banlieue sud de Paris. «C’est récurrent, c’est l’enfer, croyez-moi, c’est quasi quotidien. Si on m’avait raconté ça avant, je n’y aurais bien sûr jamais cru. D’ailleurs, quel intérêt aurais-je à inventer cela, franchement?», s’émeut-il en tirant nerveusement sur sa cigarette. Et de se défendre: «Je suis cartésien, hein! Et passionné de philo; Descartes est mon philosophe de prédilection. Donc, on peut raconter tout ce qu’on veut, on ne peut pas me taxer d’ « irrationaliste ». Je n’en veux pas à ceux qui ne me croient pas. Moi-même, si je ne l’avais pas vécu, je ne le croirais pas, mais heureusement, aujourd’hui, les choses changent. J’ai été respectueusement accueilli par des structures et des associations, dont certains membres sont des chercheurs et des scientifiques, qui m’ont écouté et ont recueilli mon témoignage. Non seulement, ces personnes ne jugent pas, mais elles écoutent avec intérêt et essaient de comprendre.»
«Avant, si on m’avait raconté ça, je n’y aurais jamais cru. Mais quel intérêt aurais-je à inventer cela, franchement?»
Des «expériences émotionnelles»
Le cas de Clément n’est pas une exception. Méprisés et minorés il y a quelques décennies encore, les phénomènes dits «paranormaux» sont désormais pris au sérieux, notamment par une partie de la communauté académique. «La question de la réalité des faits observés dans les maisons « hantées » est au centre de vifs débats depuis la fin du XIXe siècle entre, d’un côté, les partisans de l’occultisme qui les considéraient comme des manifestations de revenants et, de l’autre, les scientifiques», contextualise Philippe Baudouin, maître de conférences associé à l’université Paris-Saclay et auteur du livre Apparitions: les archives de la France hantée (Hoëbeke-Gallimard, 2021).
Plusieurs experts s’accordent pour admettre que les phénomènes de ce type présentent indéniablement une réalité psychique pour ceux qui en sont témoins, même s’ils sont souvent les seuls à les percevoir. Dès lors, il revient aux chercheurs d’analyser les différents événements repris sous l’étiquette «maison hantée»: déplacements d’objets, portes qui claquent, bruits inexpliqués, incendies spontanés… «Peut-être faudrait-il prêter encore plus d’attention à la psychologie des témoins d’expériences exceptionnelles, comme les nomment à l’heure actuelle les psychologues, notamment en s’interrogeant sur certaines capacités du cerveau humain, suggère Philippe Baudouin. Au tournant du XXe siècle, le chimiste britannique William Crookes avait émis l’hypothèse d’une « force psychique » pour tenter d’expliquer de tels phénomènes, hypothèse reprise par les prix Nobel Charles Richet et Pierre Curie quelques années plus tard, lorsqu’ils s’étaient intéressés à ces questions…»
30% à 50%
des gens pensent avoir vécu au moins une expérience paranormale.
Le phénomène des «maisons hantées» n’est pas la seule manifestation du paranormal à attiser la curiosité du public et l’intérêt des chercheurs. Le magnétisme, les EMI (expériences de mort imminente), le spiritisme, les fantômes, ou encore le chamanisme, font de plus en plus l’objet d’une attention soutenue. Selon diverses statistiques établies dans les pays industrialisés, on estime qu’entre 50% et 70% des personnes disent croire aux «phénomènes paranormaux», et entre 30% et 50% pensent avoir vécu au moins une expérience paranormale.
Une réalité qui ne date pas d’aujourd’hui, car «ces chiffres sont stables dans les sociétés occidentales sur plus d’un demi-siècle de mesure», fait remarquer Renaud Evrard, enseignant-chercheur en psychologie à l’université de Lorraine et auteur de Phénomènes inexpliqués (humenSciences, 2023) et Expériences de mort imminente (Albin Michel, 2024). Ces données «viennent dire quelque chose de notre fonctionnement collectif, que cela nous plaise ou non, tranche le psychologue. Les Occidentaux préfèrent s’identifier à la raison, à la conscience de veille et au « scientifiquement prouvé », mais comme tous les humains, ils ont affaire à l’invisible, la magie et l’inconnu. D’autres cultures –et même la société grecque antique dont nous tirons une partie de nos origines– ont trouvé des moyens pour créer une relation avec ces phénomènes. Mais un ensemble de développements (religieux, économique, politique, philosophique…) semblent avoir façonné nos sociétés dans une opposition systématique aux états non ordinaires de conscience et à leurs émanations prodigieuses.»
«Nos sociétés sont façonnées dans une opposition systématique aux états non ordinaires de conscience et à leurs émanations prodigieuses.»
Le recul des croyances traditionnelles
Néanmoins, l’interprétation de ces chiffres reste équivoque car le périmètre du paranormal demeure imprécis et fait l’objet de diverses approches. «Il correspond finalement à tout ce que les lois déjà connues n’expliquent pas. Dès lors, ce qui se trouve en marge de la norme constitue un fourre-tout où chacun glisse ce qu’il veut», résume Renaud Evrard. Toutefois, il est vraisemblable qu’un même processus fasse le lien entre toutes ces manifestations: elles ont été rejetées et réprimées au nom de la science et de la rationalité occidentales.
C’est précisément en cela qu’elles intéressent Fanny Charrasse, chercheuse à l’université Saint-Louis Bruxelles, et autrice du remarquable Le Retour du monde magique. Magnétisme et paradoxes de la modernité (La Découverte, 2023). «Etudier ces questions, comme je l’ai fait avec le chamanisme au Pérou, le magnétisme et la médiumnité en France, permet de comprendre comment s’opère le partage entre savoir et croyances, comment est établie la ligne de démarcation entre rationalité et irrationalité», avance-t-elle. Le regain d’intérêt pour les expériences paranormales se justifie également par des questions d’actualité et des préoccupations sociales et sociétales contemporaines. Il s’explique, entre autres, par les différentes crises qui traversent nos sociétés occidentales depuis ces dernières années. «Crise sociale et culturelle, tout d’abord, estime Philippe Baudouin. On assiste à un net recul des croyances traditionnelles, qui s’accompagne d’un affaiblissement du rayonnement des institutions religieuses, comme l’Eglise catholique. Crise scientifique également: la conjoncture actuelle, marquée par l’incertitude et la défiance envers la science, comme on a pu le constater durant la pandémie de Covid, est, je crois, propice au succès de croyances et de pratiques occultes.»
«Au-delà du folklore et du plaisir de se faire peu, le fantôme est un précieux outil en ces temps incertains.»
De son côté, Fanny Charrasse observe que les médecins favorables au magnétisme «pointent du doigt les risques générés par le capitalisme avancé (les effets secondaires de certains traitements médicaux conventionnels, les maladies générées par la pollution)». Sur un autre plan, plus intime, nombreux sont ceux qui, lors du confinement, ont ressenti le besoin de réenchanter le réel et de se lancer dans une sorte de quête métaphysique. «Au-delà du folklore et du plaisir de se faire peur, l’engouement pour ce qui relève du surnaturel traduit un sentiment puissant. Je crois que le fantôme est un précieux outil en ces temps incertains: c’est une figure qui nous pousse à nous interroger non seulement sur notre existence, notre mort à venir, mais surtout sur notre propre humanité», poursuit Philippe Baudouin.
Complémentaire plutôt qu’alternatif
Alors que l’opinion publique a longtemps sinon ignoré, du moins assimilé, ce genre de croyances à l’irrationnel, Fanny Charrasse constate une augmentation de «l’adhésion des classes moyennes et supérieures aux phénomènes paranormaux». C’est précisément à ce paradoxe que son ouvrage, Le Retour du monde magique, cherche à répondre: alors que les sociétés occidentales avaient pour ambition d’éradiquer les pratiques magico-traditionnelles, ces dernières connaissent un regain d’activité depuis quelques décennies, au point d’être parfois légitimées par des institutions modernes.
Cette légitimation se constate parfois de manière tangible, comme c’est le cas avec le magnétisme, une pratique longtemps assimilée à la médecine non conventionnelle mais qui connaît actuellement, progressivement, une légitimation de la part de la médecine institutionnelle. Des chercheurs notent même une professionnalisation du magnétisme. «Il est en passe de se « scientificiser » et devient un complément plutôt qu’une alternative à la médecine, et cesse donc d’empiéter sur son territoire», corrobore Fanny Charrasse. Sur le terrain, cela se traduit notamment par une diminution des poursuites judiciaires dont font l’objet les magnétiseurs. Parallèlement à cela, «des médecins commencent (pour certains d’entre eux) à envoyer leurs patients vers des magnétiseurs, en complément de leur pratique», précise la sociologue.
C’est notamment le cas d’Amélie, la quarantaine, qui souffrait d’«insupportables douleurs» au bras après une chute à vélo. «Au départ, j’étais sceptique, je n’y croyais pas. Mon médecin a pris beaucoup de précautions avant de m’en parler. Il avait un peu peur de me heurter. La première fois, j’y suis allée à reculons. Et puis, ce fut le choc: non seulement ça me soulageait véritablement mais, en plus, j’ai découvert un univers que j’ignorais; par exemple notre corps énergétique, qui dépasse et ne se réduit pas à notre corps physique, s’enthousiasme-t-elle. Maintenant, dès qu’une amie a une douleur, n’importe laquelle, je lui recommande mon magnétiseur», lâche-t-elle, espiègle.
«Nous avons volontairement écarté l’inexpliqué de notre système de pensée. L’étrange ne nous est donc plus familier.»
Une «déstigmatisation»
Saisir les enjeux de cette légitimation institutionnelle appelle un retour dans le temps. En effet, analyser l’histoire du magnétisme, et de son rejet par le corps médical, conduit à une meilleure compréhension de ce qu’est la conception de notre médecine moderne. «Lire les rapports écrits par les deux commissions désignées par Louis XVI en 1784 pour faire l’examen du magnétisme animal permet d’observer la façon dont la médecine a délimité son territoire d’action et d’expertise au corps unique de ses patients et non à leur esprit (en refusant de s’intéresser à l’action thérapeutique d’un agent qu’elle définit comme « imaginaire »), souligne Fanny Charrasse. C’est parce que les commissaires ne sont pas parvenus à objectiver le fluide magnétique, c’est-à-dire à le définir comme une entité naturelle, qu’ils ont rejeté le magnétisme en tant que « chimérique », basé sur une substance « imaginaire », sous-entendant par-là qu’il n’avait aucun intérêt thérapeutique.»
La médecine moderne s’est construite sur ce rejet initial. Cependant, les débats contemporains entre médecins et experts à propos de la place à attribuer aux thérapies complémentaires dans le système de soins montre qu’un changement est en train de s’opérer. «J’ai observé les dispositifs mis en place aujourd’hui par des médecins pour prendre positivement en compte l’effet de ces thérapies (dont le magnétisme) plutôt que de le réduire d’emblée à un placebo», complète la sociologue, qui cite un exemple concret: «Dans une clinique de la région parisienne, un oncologue-radiothérapeute réalise des questionnaires pour expliquer le cancer de ses patients par leur histoire (exposition à des produits toxiques dans le cadre de leur travail ou sur leur lieu de vie: pollution, pesticides, etc.) et leur recommande par ailleurs de consulter un magnétiseur pour soulager les brûlures de la radiothérapie, supposant par-là que si le traitement conventionnel du cancer est efficace, il n’est pas sans effets secondaires.»
La légitimation institutionnelle se conjugue à une certaine déstigmatisation. Désormais, des épisodes paranormaux ne sont plus d’emblée jugés comme irrationnels. «Au lieu de les disqualifier a priori, je me demande comment et pourquoi certains acteurs en viennent à les qualifier comme tels, commence par déconstruire l’autrice du Retour du monde magique. C’est cela, faire œuvre de science: comment pourrais-je observer la façon dont la croyance et le savoir sont distingués dans notre société si je m’engageais moi-même dans cette distinction ?»
Sa méthodologie de travail, Fanny Charrasse l’a puisée chez l’ethnologue italien Ernesto De Martino, auteur du Monde magique (éd. Bartillat, 2022, nouvelle édition), qui s’était demandé pourquoi il lui semblait scandaleux que des autochtones des îles Fidji traversent un brasier pieds nus sans se brûler. Il en avait conclu que, s’il avait du mal à l’admettre, c’était dû à sa «présomption culturelle». La sociologue a repris ce geste à son compte: «Au lieu de critiquer le magnétisme et la médiumnité, je me suis demandé ce que ma tendance à me montrer sceptique à l’égard de certaines pratiques magiques m’apprenait sur ma socialisation et sur la façon dont ma société disqualifie ce phénomène en tant que croyance irrationnelle.» De son côté, Philippe Baudouin remarque que si ce qui relève du paranormal peut, pour certains, prêter à sourire aujourd’hui, «c’est précisément parce que nous avons volontairement écarté l’inexpliqué de notre système de pensée, en le reléguant au rang de croyances populaires, de superstitions… Autrement dit, l’étrange ne nous est plus familier.»
Un intérêt académique encore restreint
Dissocier le paranormal de l’imaginaire irrationnel a ainsi fortement contribué à libérer la parole de personnes ayant vécu une expérience de cet ordre. Aux portes des associations et des groupes d’universitaires qui recueillent les mots des témoins, on se bousculerait presque. Une aubaine pour les chercheurs. «Notre projet consiste simplement à mener des entretiens avec des témoins d’expériences de mort imminente, à tour de rôle, avec trois binômes d’interlocuteurs: l’un focalisé sur la phénoménologie de l’expérience (la description de son contenu), un autre sur ses aspects psychologiques et le troisième sur ses implications spirituelles et symboliques», résume Renaud Evrard. On compte ainsi à travers le monde 42 universités où des enseignants-chercheurs sont notoirement ouverts à des études sur ces sujets. Mais «cet intérêt académique est encore très restreint, regrette le psychologue. Pourtant, les questions abordées sont fondamentales: la lucidité terminale et les expériences de mort imminente viennent questionner le rapport corps-esprit dans des situations extrêmes; l’induction d’états non ordinaires de conscience donne des moyens sécurisés pour aborder les expériences les plus incroyables dans des conditions de laboratoire… C’est une chance de pouvoir enfin porter ces questions dans le monde académique francophone.»
Dans certains pays, comme le Royaume-Uni, les scientifiques se réunissent en équipes de recherche. Ce qui n’est pas tout à fait le cas en France, où cet élan reste encore minime. En Belgique, on recense notamment la fondation Conscience sans frontières et, à l’ULiège, le Coma Science Group , actif sur les questions d’EMI.
«La mort m’est apparue consciemment comme inévitable dans les cinq secondes qui devaient suivre.»
Comme un touriste au musée
Malgré ces velléités encore timides, la parole s’est sensiblement libérée, comme en témoigne l’histoire du comédien belge Ronald Beurms. Si ce n’était pas le cas, il n’aurait sans doute pas rendue publique sa singulière expérience de mort imminente. «Lorsque ma vie a défilé devant mes yeux, je me suis fait cette réflexion: « Putain, ils avaient raison, ces… Ça arrive vraiment. » Je ne me rappelle plus exactement quel terme remplaçait les trois petits points, (ou je ne le dirai pas ici) mais je me suis senti tout petit et fort stupide, du haut mon imperméabilité à l’irrationnel. Alors quand je lis un commentaire, sous la vidéo d’une interview, me traitant de mytho –forcément, je suis acteur donc pas crédible au même titre que le serait un neurochirurgien–, j’ai un sourire en coin, car je sais bien qu’un jour ou l’autre, la personne prononcera ces mots: « Putain, il avait raison ce… »»
L’EMI de Ronald Beurms est si extraordinaire qu’elle est au cœur du livre de Renaud Evrard Expériences de mort imminente. Aux alentours de 3 heures du matin, sur une route déserte reliant l’abbaye de Villers-la-Ville, où il avait participé à un spectacle, et Bruxelles, le comédien a accéléré et sa moto s’est soudainement mise à guidonner, à 160 km/heure. «La mort m’est apparue consciemment comme inévitable dans les cinq secondes qui devaient suivre, alors que j’étais en train de m’éjecter d’une moto devenue incontrôlable… J’ai subitement pris conscience de ma fin inéluctable, traduite par deux mots sortis de ma bouche ou de mon esprit (je me souviens des deux mots, pas s’ils étaient sur mes lèvres): game over», raconte-t-il. L’humoriste perçoit ensuite devant lui une série de panneaux qui se succèdent: «Il m’a fallu quelques dizaines d’images pour me rendre compte qu’il s’agissait de mes propres souvenirs. C’était toute ma vie qui défilait là, à mes côtés. Je ne me rappelle plus d’un ordre précis, mais j’en ai vu des milliers, des millions peut-être. Je me suis alors rendu compte que le « défilement de vie » dont on parle quand on a évité un accident de justesse, n’est pas qu’une expression. Que cela arrive de manière bien réelle, et physique. Comme à travers un casque de réalité augmentée. Je me suis même demandé si je n’étais pas déjà mort, heureux d’apprendre qu’on ne la ressent pas. J’avais la certitude aussi que ce n’était pas moi ni mon cerveau qui m’envoyaient ces images. J’étais comme un touriste au musée, et d’un calme olympien, fasciné. Mais cherchant à comprendre ce qu’il m’arrivait et qui ou quoi pouvait en être la source, j’ai hurlé dans mon casque, regard vers le ciel: « Mais qui m’envoie ça? ».»
«Le paranormal de masse compense un manque d’espace d’expression de cette part de notre “superhumanité”.»
Un contexte culturel
Au-delà de l’intérêt de l’expérience elle-même, l’un des mérites de cet épisode est de donner à voir les liens étroits entre l’imaginaire du paranormal et la production culturelle contemporaine. «De nombreuses références ont fusé dans mon esprit, détaille encore Ronald Beurms. Dieu (évidemment), des ovnis (j’en avais déjà vu, et de très près), le Truman Show –ce film m’avait obsédé et j’apparaissais dans tous les souvenirs défilant à l’image, ils n’étaient pas vu à travers mes yeux. Et aussi Dark City, The Game, etc. de nombreuses références me sont venues. Mais celle qui demeure la plus en adéquation avec ce que j’ai vécu reste Matrix. J’ai l’intime conviction que ce que nous vivons est une sorte de jeu de rôle, une expérience psychologique et anthropologique. J’estime être, depuis cette nuit-là, dans une extra-life, une vie bonus, alors je joue le jeu et jusque-là, je n’en parlais pas trop.»
En effet, selon plusieurs chercheurs, le contexte culturel contemporain nourrit l’imaginaire qui s’est construit autour du paranormal. Et vice versa. «Il faudrait tenter d’articuler des mécanismes extérieurs au champ académique, et qui peuvent être de toutes sortes, comme la promotion de la magie dans nos sociétés globalisées, le phénomène Harry Potter, les séries, les jeux vidéo… », résume Caroline Callard, historienne, autrice de l’ouvrage Le Temps des fantômes (Fayard, 2019). Blockbusters mettant en scène des mutants, best-sellers sur des fantômes, culte voué aux héros dotés de pouvoirs magiques, sont autant de productions témoignant de l’investissement financier consacré par l’Occident aux thématiques du paranormal.
«On pourrait croire que tout cela entraîne une habituation à « espérer » un peu plus de magie dans notre quotidien. Mais des historiens des religions tels que l’Américain Jeffrey Kripal ont montré que le problème devait être inversé: le paranormal de masse compense un manque d’espace d’expression de cette part de notre « superhumanité », précise Renaud Evrard. Selon Kripal, le paranormal n’est rien moins que l’expression contemporaine du sacré dans un Occident qui a tenté par tous les moyens de l’étouffer.»
«Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas», selon les mots parfois attribués à André Malraux (1901 – 1976). Ne dirait-on pas plutôt qu’il sera «paranormal»… ou ne sera point?
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