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L’utilité du médecin de famille face au «marché de la santé»
Généraliste à Paris, Bruno Fron raconte une vie au service des patients où le psychologique supplante souvent le médical.
Le quotidien des médecins hospitaliers est aujourd’hui mieux connu que celui des médecins de famille. C’est la rançon du succès des séries. L’intérêt de Toute une vie pour eux (1), le livre du docteur Bruno Fron, est d’autant plus grand puisqu’il puise dans près de quarante ans de pratique généraliste au cœur du Ve arrondissement de Paris.
L’ouvrage est une succession de récits courts de ses visites et consultations où le purement médical se mêle à l’intime pour dessiner un tableau de relations médecin-patientèle empreintes parfois de violence, le plus souvent de dialogue, toujours d’une grande humanité. L’exercice de la médecine de famille se prête, il est vrai, à une incroyable diversité de situations.
On découvre donc, avec Bruno Fron, les patients confrontés à une fin de vie plus ou moins acceptée ; ceux que la consultation d’Internet a convaincu d’avoir telle maladie grave ; celle qui fait son shopping dans le supermarché de la fécondation à l’étranger pour bénéficier à tout prix d’un «enfant blond aux yeux bleus», ou celle restée traumatisée par l’incendie de Notre-Dame de Paris. Il y a aussi cet homme «bien mis» en quête urgente d’opiacés au point de menacer d’un revolver le médecin qui ne saura jamais si l’arme était authentique ou factice et cette jeune fille qui pète les plombs et transforme en enfer la vie de sa mère parce que le confinement l’a séparée de son amoureux depuis deux mois.
Ces fragments de vie révèlent les bonheurs et malheurs d’une profession ébranlée par l’épidémie de Covid, par l’innovation technologique et par une certaine marchandisation de la médecine. Face à ceux qui jugent que «le contact avec la chair, c’est compliqué et peu rentable», Bruno Fron s’accroche à ce qui a motivé sa vocation de «compagnon de route» de ceux qui font appel à lui: «Je veux rester un être humain qui, au milieu d’une médecine standardisée, monétisée, continue d’établir des liens singuliers avec ceux qui frappent à ma porte, et que l’on appelle maladroitement “patients”. Je navigue à vue. Libre sous la contrainte.»
Bien sûr, cette vision n’est pas sans risque au plan déontologique. Mais le docteur Fron l’assume: «Personne ne pourra m’empêcher de me laisser toucher par ce qui m’est donné à partager.» «En moins d’un demi-siècle, la médecine a progressé comme jamais», constate-t-il. Rien n’oblige pour autant à «confondre médecine et pizza».
(1) Toute une vie pour eux, par le docteur Fron, L’Iconoclaste, 272 p.
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