Les CPAS doivent-ils accorder moins d’aides sociales? Voici les positions des différents partis
Pour faire face au poids croissant des aides sociales dans le budget des CPAS, deux thèses principales s’affrontent: en accorder moins pour alléger la charge, ou réformer le système pour permettre leur préservation.
Le budget des communes va-t-il tenir le coup? Entre 2019 et 2024, selon une étude Belfius, leurs dotations destinées aux CPAS ont augmenté en moyenne de 8,1% en Wallonie et de 8,4% à Bruxelles. Le résultat de la succession des crises (sanitaire, énergétique, ukrainienne, etc.), qui a amené de nombreuses personnes à demander des aides sociales, précise la banque belge. Dans la capitale, les interventions communales en faveur des CPAS représentent désormais 15% des dépenses ordinaires totales des communes.
Les CPAS doivent-ils dès lors se montrer plus stricts dans l’octroi des aides sociales? Dans le cadre de l’élaboration de son test électoral, Le Vif a posé la question aux partis francophones. Deux camps s’opposent sur cette question. Pour Ecolo, le PTB et Les Engagés, la réponse est non. Les écologistes veulent même augmenter les montants attribués aux allocataires sociaux «afin de dépasser le seuil de pauvreté». Les Engagés tiennent un discours similaire, en demandant d’«octroyer des moyens structurels supplémentaires aux CPAS, tant en termes humains que financiers».
Le MR et DéFI tiennent la position inverse. Les libéraux proposent notamment «d’instaurer un plafond du cumul des aides sociales afin de conserver un équilibre juste entre ceux qui contribuent à la solidarité par leur travail et leur activité, et ceux qui en bénéficient».
Quant au PS, il n’a pas voulu choisir, la question étant «complexe», précisent les socialistes. «Le droit à l’intégration sociale est le dernier filet de sécurité contre la pauvreté», insistent-ils, tout en demandant à ce que les CPAS mettent l’accent sur la recherche d’un emploi pour les personnes en capacité de travailler.
Un débat intense dans les communes plus pauvres
«La pression sur les finances communales est plus ou moins globale, mais elle est plus grande dans les communes plus « pauvres »», précise Belfius, car le nombre de personnes à soutenir y est généralement plus élevé. C’est par exemple le cas à Fontaine-l’Evêque, où le bourgmestre Gianni Galluzzo (PS) prédit une «catastrophe» si le poids des aides sociales sur le budget continue d’augmenter.
Quasi tous les CPAS se plaignent d’un manque de subsides accordés par les différents niveaux de pouvoir (fédéral, région, communes), selon une enquête menée en 2023. Ses résultats avaient également démontré que, par manque d’argent, 36,6% de ces CPAS avaient déjà dû réduire les aides sociales complémentaires accordées. «Et les perdants, ce sont les personnes les plus précaires», déplorait le rapport.
Pas touche aux aides sociales?
«Evidemment qu’il ne faut pas rendre plus strict l’octroi des aides sociales», défend Alain Vaessen, directeur de la Fédération des CPAS wallons. Qui rappelle que les inégalités sociales ont augmenté depuis 2016, en raison de divers facteurs: appauvrissement des jeunes, augmentation de l’incapacité de travail de longue durée et des maladies chroniques, aggravation de la précarité énergétique, difficultés d’accès au logement… «Une réduction des aides sociales forcerait les gens à se reporter sur les banques alimentaires et les associations de sans-abrisme, dont les difficultés augmenteraient». Enfin, «durcir le ton reviendrait à aggraver le non-recours aux droits, c’est-à-dire le fait que des personnes ne réclament aucune aide au CPAS, par exemple par peur d’être stigmatisées, alors qu’elles pourraient le faire. On estime que déjà aujourd’hui, entre 50 et 60% des personnes objectivement en droit d’aller au CPAS ne demandent rien».
Selon Alain Vaessen, il ne faut donc pas se tromper de combat: «Si on on réduit les aides, on reporte le problème ailleurs». Belfius précise d’ailleurs qu’un «durcissement n’aiderait pas à résoudre la situation socio-économique».
CPAS: à la recherche de solutions
Comment dès lors ne pas durcir l’octroi de ces aides, tout en veillant à alléger le poids financier pour les CPAS? En juillet dernier, un collectif de chercheurs et d’intervenants sociaux, le GERAS, a proposé un plan de réforme, plus spécifiquement pour les CPAS bruxellois. L’idée: ergonomiser l’action sociale, via une gouvernance partagée permettant aux CPAS de coopérer efficacement, évaluer l’impact de leurs mesures, et faire en sorte que les CPAS et le milieu associatif collaborent.
Belfius a quant à elle remarqué que «l’activation sur le marché du travail, par le biais de la coopération avec Actiris et le Forem, constitue un tampon contre les demandes d’aide». «Je ne suis pas du tout convaincu par l’idée de vérifier plus strictement si le bénéficiaire pourrait travailler avant d’accorder des aides, objecte toutefois François Maniquet, professeur d’économie à l’UCLouvain. Certaines personnes sont dans des situations très pénibles. Exiger d’elles un travail ou une formation les incite à ne plus se rendre au CPAS. Il ne faut donc pas être idéologique mais bien analyser au cas par cas, et peut-être s’inspirer du Luxembourg où il existe deux montants de l’aide sociale: un pour ceux disposés à chercher du travail et un pour ceux que ne seraient pas prêts.» François Maniquet suggère également de vérifier plus strictement que les ressources des bénéficiaires sont faibles.
Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP), appelle pour sa part à «des réponses structurelles» plus larges, «afin que moins de gens doivent recourir aux aides sociales». «Personne ou presque ne devrait aller au CPAS si les droits étaient garantis, les logements en suffisance et abordables, les écoles luttaient efficacement contre les inégalités et la sécurité sociale en bon état. Puis même dans ce cas, nul n’est à l’abri d’un accident, d’un deuil terrible dont on ne se remet pas, ou d’un quelconque écroulement. Ne pas soutenir ces personnes ne les aide pas à s’en sortir. C’est ça qu’il faut rappeler.»
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